La biodiversité dans les rivières françaises menacée, alerte WWF

La biodiversité des rivières et des plans d'eau douce est menacée en France, selon un bilan inédit publié ce 22 mai par le WWF. Derrière la quasi-stabilité des populations depuis vingt ans, se cache l'effondrement de certaines espèces de poissons et d'oiseaux comme la truite ou le grèbe huppé. La situation des petits cours d'eau en milieu rural est jugée particulièrement préoccupante. 

Dans un rapport rendu public ce 22 mai à l'occasion de la Journée internationale de la biodiversité, le WWF a voulu établir un état de santé de la vie dans les rivières en France métropolitaine en publiant un "indice rivières vivantes" fondé sur les données de programmes de surveillance. Résultat : "Malgré les dépenses déployées pour les politiques de l’eau, estimées à 500 milliards d’euros depuis 20 ans, les populations d’oiseaux et de poissons d’eau douce stagnent de manière inquiétante et seulement 43,1% des cours d’eau et plans d’eau en France hexagonale sont en bon état écologique", souligne l'ONG, qui reprend ce chiffre des agences de l'eau. 

"Effondrement" de la qualité des petits cours d'eau en milieu rural

"Il y a quelque chose qui cloche", observe Yann Laurans, directeur des programmes du WWF France, d'autant que le léger déclin des populations en moyenne (0,4%) masque en réalité de fortes disparités. "Aujourd'hui dans la Seine, au pont de l'Alma, vous trouvez à peu près six fois plus d'espèces de poissons que dans les années 60. Et c'est vrai pour la plupart des grands fleuves", observe-t-il, en saluant le progrès des systèmes d'assainissement et stations d'épuration. "Mais en même temps, on a un effondrement de la qualité des petits cours d'eau dans le milieu rural parce que depuis maintenant 70 ans, on a mené une politique d'intensification des pratiques agricoles et d'artificialisation", dénonce-t-il. Les activités humaines ont ainsi multiplié les sources de dégradation : barrages, dragages et canalisations en tout genre, prélèvements excessifs, rejets de pesticides, d'engrais ou de polluants industriels...

Deux espèces d'eau douce emblématiques illustrent l'ampleur du problème : le grèbe huppé - grand oiseau plongeur à la huppe noire - et la truite des rivières ont connu une chute de leur population de respectivement 91% et 44% en 20 ans. À l'inverse, des espèces invasives comme le poisson-chat, le ragondin ou l'écrevisse de Louisiane connaissent un développement menaçant.

Restauration des zones humides : l'exemple de la Brenne

Pour améliorer la situation, le WWF se fixe notamment comme priorité de restaurer les zones humides en France. "On relance notre stratégie d'acquisition foncière" dans ces zones, "un outil vital de préservation des espaces", indique Jean Rousselot, responsable eau douce au WWF. L'ONG est prête à dépenser pour cela 5 millions d'euros en France métropolitaine, espérant pouvoir augmenter cette mise de départ en attirant des financements de l'État, de fondations, etc. Les terres seront ensuite préservées ou dédiées à une activité raisonnée.

Cette stratégie n'est pas totalement nouvelle : dans les années 1980, le WWF avait par exemple contribué à la création de la réserve naturelle de Chérine (Indre) dans la Brenne, "pays des mille étangs" dans le centre de la France dédié à la pisciculture depuis des siècles, où l'association possède des terrains. Elle y mène aussi désormais une politique de "paiements pour service écosystémique" consistant à rémunérer des pisciculteurs pour des pratiques vertueuses : ils limitent par exemple l'élevage de carpes, espèce qui nuit au développement de la végétation, ou s'éloignent des pratiques d'élevage intensif comme le nourrissage artificiel.

On peut observer dans la région la guifette moustac, oiseau aux allures de mouette, ou la cistude, une tortue d'eau douce dont les pattes sont recouvertes de petites taches jaunes. "C'est une espèce qui est en train de disparaître avec la disparition de son habitat, le réchauffement climatique et la prédation" exercée par les sangliers ou les renards, explique Albert Millot, directeur de la réserve naturelle de Chérine, cogérée par la Ligue de protection des oiseaux (LPO). "Il n'y a plus beaucoup de territoires où elle subsiste" dans le pays, insiste-t-il, soulignant l'importance des efforts déployés pour la préserver.

Appel à une restauration "de grande ampleur" des cours d'eau

Le WWF insiste aussi sur la nécessité de "renforcer la résilience du cycle de l’eau en favorisant une agriculture économe en eau, mais aussi en accompagnant le ralentissement du cycle de l’eau pour favoriser la résistance aux sécheresses et inondations et accroître la résilience des usages de l’eau". Ce ralentissement passe selon lui par la transition agroécologique pour améliorer la santé des sols mais aussi la mise en œuvre de solutions fondées sur la nature visant par exemple la restauration des haies et des rivières.

Il appelle ainsi les pouvoirs publics à "une restauration de grande ampleur des cours d’eau en réaffirmant l’objectif français pris à l’occasion des Assises de l’eau en 2018, de préserver et de restaurer 25.000 km de cours d’eau et leur continuité à l’horizon 2030". Et il défend une "réévaluation" de la fiscalité de l'eau, finalement abandonnée dans le cadre de la dernière loi de finances (lire notre article) "pour appliquer le principe pollueur-payeur face aux impacts majeurs des pollutions agricoles diffuses sur la ressource en eau, et inciter à réorienter les pratiques agricoles vers l’agroécologie".

 

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