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Jeunes : des propositions pour ne plus "les mettre dans des cases"

Remis le 22 mars aux ministres de la Jeunesse et du Travail, un rapport propose une analyse approfondie de toutes les difficultés que rencontrent aujourd'hui les jeunes dans l'accès aux droits et plus globalement dans leur parcours vers l'autonomie. Les recommandations formulées portent sur l'amélioration de l'information, l'instauration d'une "garantie jeunes 2.0" et d'un revenu minimum pour les 18-25 ans, la mise en place d'un pilotage stratégique régional et la prise en compte particulière des jeunes sortants de la protection de l'enfance.  

Antoine Dulin, vice-président du Conseil économique, social et environnemental (Cese), et Célia Verot, conseillère d’Etat, ont remis, mercredi 22 mars, leur rapport sur la jeunesse à Myriam El Khomri, ministre du Travail, de l'Emploi, de la Formation professionnelle, et Patrick Kanner, ministre de la Ville, de la Jeunesse et des Sports. Intitulé "Arrêtons de les mettre dans des cases ! Pour un choc de simplification en faveur de la jeunesse", ce rapport, qui répond à une commande du Premier ministre de mai 2016, s'appuie en particulier sur "la parole des jeunes eux-mêmes" que les auteurs ont recueillie "dans des missions locales, des centres communaux d’action sociale, des centres d’information et d’orientation, des foyers d’aide sociale à l’enfance et des centres de formation en apprentissage".
"Les jeunes sont particulièrement victimes de la complexité et du non-recours : parce qu’ils vivent leurs premiers contact avec les administrations ; parce qu’ils changent fréquemment de situation." Malgré la présence de nombreux acteurs et l'existence de lieux et de dispositifs prévus pour les aider, les jeunes en difficulté trouvent rarement rapidement le soutien dont ils auraient besoin ; le rapport est ponctué de citations et chiffres qui l'illustrent de manière frappante. Ainsi : "Vingt-huit mois entre la sortie d’un jeune du système scolaire et son premier contact avec la mission locale." Ou encore : "A la mission locale [de Grenoble, ndlr], la moitié des jeunes n’ont pas d’adresse mail."

Un "rendez-vous des droits" pour permettre à chacun de connaître tous ses droits sociaux

Les auteurs font le point sur les mesures "jeunes" du chantier gouvernemental de la simplification et saluent notamment la démarche de "Boussole des droits", "une plateforme d’information collaborative et intelligente pour trouver, connaître et activer ses droits".
D'autres pistes sont mises en avant pour faciliter l'accès des jeunes à l'information et aux droits. Les "rendez-vous des droits" proposés aux allocataires du revenu de solidarité active pourraient par exemple servir de modèle pour créer un temps d'échange permettant "à tout jeune de faire le point sur l’ensemble de ses droits sociaux (aides au logement, allocations familiales, aides attribuées par les collectivités territoriales...)".

Un revenu minimum dès 18 ans et une garantie jeunes ouverte à de nouveaux publics

Antoine Dulin et Célia Verot pointent aussi l'absurdité des seuils d'âge - il y en aurait "au moins 238 dans la législation française" - qui compliquent le parcours des jeunes entre 15 et 30 ans et les "excluent" de fait "de certains droits sociaux ou activités".
Ils suggèrent ainsi de supprimer le seuil "qui exclut l’essentiel des jeunes vulnérables du revenu de solidarité active" par la création d'un "revenu minimum à partir de 18 ans". Cette garantie de ressources pour les 18-25 ans serait attribuée dans le cadre d'une "garantie jeunes 2.0" qui reprendrait les aspects jugés positifs de la garantie jeunes - "la contractualisation, l’organisation d’un accompagnement intensif et collectif, le versement d’une allocation du montant du revenu de solidarité active".
Pour améliorer le dispositif existant, les auteurs du rapport proposent d'expérimenter dès 2017 sur cinq territoires la mise en oeuvre d'une garantie jeunes sans durée limitée - actuellement et en règle générale, l'accompagnement dure un an - et à un public plus large - notamment les jeunes diplômés boursiers, les "jeunes sortant de l’aide sociale à l’enfance et de la protection judiciaire de la jeunesse à leurs 18 ans en formation comme alternative au contrat jeune majeur" et certains jeunes réfugiés.

Un "interlocuteur charnière" plutôt qu'un "interlocuteur unique"

Abordant plus classiquement l'enjeu de "coordination des acteurs", "l’un des serpents de mer de l’action administrative", le rapport passe en revue l'ensemble des "acteurs jeunesse" dédiés ou de droit commun - missions locales, Pôle emploi, réseau information jeunesse, points accueil écoute jeunes… - et dénonce "la persistance de ruptures de prise en charge", notamment des décrocheurs scolaires.
Toujours dans un souci d'exhaustivité, les auteurs listent des expérimentations et "bonnes pratiques en matière de coordination" - "définir un périmètre élargi d’acteurs impliqués", "établir un diagnostic territorial partagé avec les jeunes" ou encore "organiser un fonctionnement en réseau avec un interlocuteur charnière". Sur ce dernier point, il est à noter que l'"interlocuteur unique" maintes fois préconisé dans des rapports sur l'accompagnement social n'est ici pas jugé idéal.

Une région stratège et une "coordination opérationnelle" confiée aux "territoires pertinents"

Pour mettre en place "une politique de jeunesse globale et intégrée", les auteurs préconisent de confier aux régions le soin d'élaborer une stratégie et de définir, selon la réalité de chaque territoire, "les territoires pertinents (bassins d’emploi, intercommunalité, département) pour porter la coordination opérationnelle des acteurs de jeunesse au niveau infrarégional".
Parmi les autres recommandations, on retiendra celle qui vise à rapprocher les missions locales et les autres acteurs, type réseau information jeunesse, pour créer "un service public de l’information, de l’orientation et de l’accompagnement des jeunes".

Un accompagnement obligatoire des "jeunes majeurs" de la protection de l'enfance par les départements

La dernière partie du rapport est dédiée au public plus spécifique des jeunes pris en charge au titre de la protection de l'enfance. Les auteurs soulignent l'existence "de nombreuses disparités territoriales" selon les choix politiques effectués par les départements vis-à-vis des jeunes majeurs. Ils alertent, plus globalement, sur la "rupture brutale" que peut constituer, dans le parcours d'un jeune, la fin d'un suivi dont il bénéficiait depuis des années.
Après avoir énuméré les avancées introduites, dans ce domaine, par la loi du 14 mars 2016 relative à la protection de l'enfant, les auteurs du rapport proposent des mesures de simplification et de soutien à l'autonomie spécifiques pour ces jeunes. En matière de logement, en particulier, ils préconisent de renforcer l'information de ces jeunes sur des dispositifs qui les concernent, tels que le système Visale de garantie de paiement des loyers. Ils plaident surtout pour la signature systématique d'un contrat jeune majeur lorsqu'un jeune de la protection de l'enfance atteint 18 ans et pour "faire de l'accompagnement éducatif et social des jeunes majeurs (18-21 ans) une obligation pour les départements" lorsque la situation de ces jeunes nécessite un tel accompagnement.
A plusieurs reprises dans leur rapport, Antoine Dulin et Célia Verot sont donc allés au-delà de l'enjeu strict de la simplification. Avec la conviction, en particulier, que "l’absence d’un réseau aidant d’adultes constitue un facteur de discrimination majeur dans l’accès aux droits" et à l'autonomie.

 

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