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Prévention de la délinquance - Jean-Pierre Balduyck : "C'est l'équilibre des pouvoirs qui est en jeu"

Le ministre de l'Intérieur, Nicolas Sarkozy, a présenté son projet de loi de prévention de la délinquance, mercredi 28 juin, en Conseil des ministres. Le texte, attendu depuis plus de deux ans, sera examiné à l'automne par l'Assemblée nationale. L'une des mesures phares est le nouveau pouvoir de sanction octroyé au maire en matière d'allocations familiales. Les réactions de Jean-Pierre Balduyck, maire de Tourcoing et président du Forum français pour la sécurité urbaine (FFSU).

Localtis.info : Le projet de loi consacre le rôle du maire comme coordonateur de la politique de prévention de la délinquance. Est-ce une bonne nouvelle pour les élus ?
Jean-Pierre Balduyck :
 Nous sommes d'accord pour placer le maire au cœur des questions de sécurité. Dans les faits, et pour les habitants, il l'est déjà. Le maire peut mettre autour d'une table police, gendarmerie, justice, éducation, éducateurs. Nous sommes même favorables à ce que la loi aille beaucoup plus loin et fasse obligation à tous les partenaires de siéger au conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD). Il n'est pas normal qu'ici ou là l'éducation ou la justice ne prennent même pas la peine de répondre à nos courriers.

 

Localtis.info : Le maire pourra prononcer des rappels à l'ordre aux familles et mettre les allocations familiales sous tutelle. Ce nouveau pouvoir de sanction vous paraît-il nécessaire ?

Jean-Pierre Balduyck : La mise sous tutelle, lorsqu'elle est prononcée par le juge, ne me choque pas. Les allocations ont une finalité éducative et elles doivent être utilisées pour cela. En revanche, confier ce rôle de sanction au maire me paraît très dangereux. Les habitants vont venir nous voir pour nous dire "au lieu de nous retirer les allocations, aidez-nous à trouver un logement, un emploi" pour échapper à leur responsabilité. Nous n'avons pas à nous substituer au juge. Cette mesure demande du temps et des moyens pour mener une enquête. Où les maires vont-ils les trouver ? Par ailleurs, on risque de faire des élections municipales le théâtre de surenchères sur le thème de la sécurité au détriment de tous les autres. C'est la fin du sacrosaint partage des compétences entre justice indépendante et pouvoir politique.

 

Localtis.info : Que pensez-vous du "secret partagé" ?
Jean-Pierre Balduyck :
Il faut être très prudent sur cette question. Il ne s'agit pas de délation mais de non-assistance à personne en danger. Il est normal que le maire ait des échanges avec les travailleurs sociaux sur certaines familles, mais ces échanges doivent se faire dans la confidentialité. Les maires sont des gens responsables qui ne vont pas utiliser ce pouvoir à des fins de répression. La proposition de coordinateur, en revanche, nous fait rire. Celui qui a eu cette idée ne connaît rien à la situation. Les maires sont souvent mieux informés que les éducateurs. Ce sont eux qui, parfois, les alertent. Cela voudrait-il dire qu'entre le maire et l'éducateur, il ne peut pas y avoir de relation de confiance ?

 

Localtis.info : Pensez-vous qu'un nouveau texte de loi était vraiment nécessaire ?
Jean-Pierre Balduyck : Sur la question de la délinquance des mineurs, l'ordonnance de 1945 a déjà été modifiée 23 fois ! Nous n'avions pas besoin d'un nouveau texte de loi. Ce qu'il faut, c'est donner les moyens à la justice d'appliquer les textes existants. En l'état, ce projet de loi qui va être débattu à l'automne ne sert qu'à communiquer et à transférer sur  le dos des maires ce que l'Etat ne peut pas faire. C'est d'autant plus regrettable qu'il n'y a eu aucune concertation avec les maires. Nous allons maintenant rencontrer tous les groupes politiques pour leur faire part de nos observations avant les débats parlementaires.

 

Propos recueillis par Michel Tendil

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