Jean Castex annonce la prolongation d'Action Cœur de ville jusqu'en 2026
Devant les maires de villes moyennes réunis pour leur congrès annuel à Blois, le Premier ministre a annoncé, jeudi 8 juillet, la prolongation jusqu’en 2026 du programme Action Cœur de ville qui devait prendre fin en 2022. De quoi conforter le regain d’attractivité des villes moyennes qui ne s’est pas démenti avec la crise.
Alors que les villes moyennes connaissent un regain d’attractivité depuis quelques années, après des décennies de déclin, le Premier ministre veut éviter de stopper l’élan. "Notre travail commun de reconquête des villes de France est à l’oeuvre. Mais nous n’allons pas nous arrêter en chemin", a-t-il annoncé, jeudi, devant les maires de Villes de France réunis pour leur congrès à Blois (Loir-et-Cher), les 8 et 9 juillet. "Je vous annonce aujourd’hui [que le programme Action Cœur de ville] se poursuivra pour permettre aux équipes élues l’année dernière de porter les projets jusqu’à la fin de la mandature en 2026", a-t-il promis, répondant ainsi à l'une des fortes revendications de ce congrès.
Ce grand programme de revitalisation, lancé fin 2017, concerne 222 villes de 20.000 à 100.000 habitants. Doté d’un budget prévisionnel de 5 milliards d’euros, il était amené à s’achever en 2022. "Plus de 2,8 milliards d’euros ont déjà été engagés. Nous dépasserons les 5 milliards d’euros prévus sur les cinq ans", a assuré le chef du gouvernement, saluant le retour d’une véritable politique d’aménagement du territoire. La ministre de la Cohésion des territoires, Jacqueline Gourault, sera chargée d’engager la concertation avec les élus et les partenaires "pour définir les orientations de ce programme après 2022". Les prochaines rencontres nationales Action Cœur de ville du 7 septembre 2021 seront "l’occasion de préciser les modalités de ce prolongement", a-t-il dit, sans plus de précisions sur les maquettes financières et les champs d’intervention. Un peu plus tard, Jacqueline Gourault, retenue à Paris pour défendre le projet de loi "3DS" au Sénat, s’est félicitée dans un message vidéo des "très beaux résultats" obtenus par ce programme. "Tous les indicateurs sont au vert." Le troisième baromètre des territoires réalisé par l’Ifop et rendu public lors du congrès en atteste. Action Cœur de ville a renforcé la visibilité des villes moyennes alors que la crise a confirmé l’aspiration de nombreux habitants des métropoles à venir s’y installer. 87% des Français disent préférer vivre dans une ville moyenne plutôt que dans une grande métropole, soit trois points de plus que l’an dernier. "Notre attractivité, celle des villes moyennes continue de se renforcer", s'est réjouie la présidente de Villes de France, Caroline Cayeux, maire de Beauvais (Oise)
"Ne pas confondre prolongation et étalement"
Pour les élus et partenaires, il y a eu "un avant et un après Cœur de ville". Mais il ne faut pas confondre "prolongation" et "étalement". "Pour nous, l’enjeu, c’est d’abord de terminer ce qui est prévu", a souligné Michel-François Delannoy, directeur du Département d’appui aux territoires (DAT) de la Banque des Territoires, partenaire de premier plan du programme, avec un engagement de 1,7 milliard d’euros. "D’ici à 2022, il faut déjà mobiliser toutes les ressources mobilisables (…) Il faut que d’ici fin 2022, au moins 90% des 222 villes aient une solution en termes de prêts ou d’investissement", a-t-il ajouté.
Parmi les thèmes à renforcer pour l’après-2022, le directeur du programme, Rollon Mouchel-Blaisot, a mentionné le vieillissement de la population, comme le préconise le rapport Broussy remis au gouvernement le 26 mai (voir notre article du 26 mai 2021). L’enjeu : fournir de nouveaux types de logements plus adaptés aux personnes âgées. "Nous allons y travailler fortement", a-t-il dit. Ce sera également l’un des enjeux forts du programme Petites Villes de demain, le petit frère d’Action Cœur de ville ciblé sur les communes de moins de 20.000 habitants (voir notre article du 6 juillet 2021). Le préfet porte aussi la volonté de prolonger le "Denormandie dans l’ancien" après 2022 car "il est très important pour les investisseurs d’avoir de la visibilité". Cet outil représente un "fonds d’amorçage public destiné à créer ou à recréer un écosystème favorable à l’investissement privé". Rollon Mouchel-Blaisot a également vanté le principe des opérations de revitalisation de territoire (ORT) qui rendent les investisseurs directement éligibles au Denormandie. "Faire dépendre une mesure fiscale d’un projet territorial, c’est assez révolutionnaire dans notre pays." Les nouveaux fonds friches et fonds de soutien aux foncières commerciales permettront aussi d’équilibrer les comptes sur des opérations déficitaires et donc d’attirer plus facilement des investisseurs.
Des dispositifs encore trop méconnus des banques
Encore faut-il connaître toutes ces mesures. Car "trop d’opérateurs bancaires méconnaissent ces dispositifs qui peuvent être mis au profit de leurs clients", a fait remarquer Thierry Repentin, le maire de Chambéry (Savoie), président de l’Anah. Certains clients dépassant le seuil d’endettement de 35% des revenus se voient refuser des prêts alors qu’ils pourraient bénéficier d’aides de l’Anah. "C’est vraiment dommage", a-t-il regretté.
"On va commencer par communiquer auprès des notaires, des agences immobilières, des banques. Il est important qu’une espèce d’écosystème se mette en place dans les cœurs de ville", a abondé Isabelle Le Callennec, maire de Vitré (Ille-et-Vilaine).
Perspectives de nœud coulant
Mais pour asseoir leur avenir, les maires de villes moyennes n’attendaient pas seulement une prolongation d’Action Cœur de ville. Ils souhaitent des garanties sur leurs ressources affectées par la crise. "Nous assurons toujours davantage de missions avec toujours moins de moyens", a fait valoir Caroline Cayeux auprès du Premier ministre, soulignant notamment le poids des charges de centralité. "Si on n’a pas d’autofinancement, le plan de relance attendra, alors que le bloc local assure 70% de l’investissement public", a-t-elle prévenu, tout en saluant les "orientations positives" du plan. Juste avant elle, Jean-François Debat, maire de Bourg-en-Bresse (Ain) et président délégué de Villes de France, s’est inquiété de l’évolution de la compensation de la taxe d’habitation qui donne des "perspectives de nœud coulant". Il a aussi relevé le surcoût de certaines charges liées au Covid. Le centre de vaccination coûte "70.000 euros de loyer par mois" à sa commune. Cette "mission globale d’intérêt public" ne doit pas demeurer "à la charge du contribuable local alors que le sujet est national". Des points sur lesquels le Premier ministre ne s’est pas prononcé.