IssyGrid : la promesse du "consom'acteur" reste encore à démontrer
Le premier projet de smartgrid à l'échelle d'un quartier a fêté fin mars 2019 ses six ans d'existence et son passage en exploitation. Si les industriels ont trouvé là un moyen de tester leurs offres de services, le bilan environnemental est beaucoup plus incertain. La promesse du "consom'acteur" reste encore à démontrer.
Les promoteurs d'IssyGrid n'ont pas été avares de superlatifs pour qualifier le premier smartgrid, ou réseau électrique intelligent, déployé à l'échelle d'un quartier en conditions réelles. Démarré il y a six ans, le projet associe désormais dix industriels - Bouygues Energies & Services, Bouygues Immobilier, Bouygues Telecom, EDF, EMBIX, Enedis, Microsoft, Schneider Electric, Sopra Steria, Total - et la ville d'Issy-les-Moulineaux sur un périmètre comprenant 2.000 logements, 5.000 habitants, 160.000 m2 de bureaux et 10.000 employés.
Une plateforme de suivi des consommations
Au carrefour des métiers de la production énergétique, des réseaux de distribution, du bâtiment (smart évidemment) et des technologies de l'information, ce projet a exigé la création d'une gouvernance originale entre les acteurs et de concevoir une plateforme "de quartier" permettant d'ajuster offre d'énergie (renouvelable ou non) et demande, que celle-ci émane de particuliers, d'entreprises ou de la collectivité. Le projet a par exemple eu recours à des batteries de véhicules électriques recyclées pour stocker l'énergie et lisser les intermittences des panneaux photovoltaïques installés sur certains bâtiments. L'éclairage public, dans trois rues, pouvait ainsi consommer l'énergie solaire stockée le jour, des capteurs de luminosité dosant le juste éclairage. Et pour que tout fonctionne, toutes les briques du "grid" ont été interconnectés pour connaitre précisément l'évolution de leurs consommations, les pics et permettre aux réseaux ENR et/ou Enedis de prendre le relais.
Un savoir-faire qui profite à d'autres territoires
Quel est le bilan de cette expérimentation ? Sans aucun doute une montée en compétences des industriels à l'origine du projet qui, contrairement à la plupart des "démonstrateurs" répertoriés par la Commission de régulation de l'énergie , a été initié par des acteurs privés. Bouygues a ainsi créé Embix, une société spécialisée dans la conception et la gestion de smart grids, Schneider électrique a exploité le savoir-faire acquis à Issy pour le projet niçois Meridia, Enedis s'est appuyé sur ce pilote pour peaufiner sa plateforme de suivi des consommations électriques destinée à l'ensemble des abonnés Linky… Si IssyGrid a permis d'expérimenter des "solutions", le bilan énergétique et environnemental est beaucoup plus flou. Le dossier de presse publié par les industriels à l'occasion de cet anniversaire ne fournit du reste aucun élément chiffré ou qualitatif.
Le faible intérêt du consom'acteur à agir
IssyGrid promettait notamment de transformer les clients en "consom'acteur". Au-delà d'une sensibilisation aux écogestes, le passage à l'acte s'est révélé ardu. Premier obstacle : l'usage des données énergétiques. La Cnil considère en effet que la courbe de consommation électrique est une donnée personnelle et ne permet leur exploitation qu'agglomérées (voir ci-dessous). Par ailleurs, les mécanismes prévus par la réglementation pour l'autoconsommation collective se révèlent complexes de mise en œuvre pour des gains financiers très modestes à l'arrivée. A l'échelle d'un foyer, selon Gironde Habitat (lire ce retour d'expérience) qui a testé l'autoconsommation collective dans un HLM, l'économie générée serait au mieux de 60 euros par an et par foyer… dans un département fortement ensoleillé. Si IssyGrid confirme la faisabilité technique des réseaux électriques intelligents et la possibilité de réaliser certaines optimisation (énergie produite le jour, consommée la nuit) le véritable décollage des smartgrids bute toujours sur le cadre réglementaire et la tarification.
Des données énergétiques anonymes et agrégées
La Cnil a collaboré étroitement avec les promoteurs du projet IssyGrid et autorisé la transmission des données anonymisées par grappe de dix logements. Ainsi la plateforme peut traiter des informations fiables et précises sur l’ensemble du bâtiment, sans pour autant connaître le détail de la consommation ou de l’occupation d’un logement en particulier. En outre, un système de signatures électroniques empêche techniquement toute remontée et collecte de données spécifiques à un logement particulier. Enfin, les habitants sont restés libre de faire partie, ou non de l'expérimentation.