Investissements dans le ferroviaire et objectifs climatiques : "la France sur de mauvais rails", alerte une nouvelle étude
Selon une étude publiée ce 28 octobre par le réseau Action Climat, la fondation pour la Nature et l’Homme et France Nature Environnement, le niveau d'investissements dans le transport ferroviaire reste insuffisant pour tenir les objectifs climatiques du pays, même en prenant en compte les 4,75 milliards d’euros annoncés par le gouvernement en septembre dans le cadre du plan de relance. Selon les calculs des ONG environnementales, il faudrait consacrer un effort financier supplémentaire de 3 milliards d’euros par an pour relancer le transport ferroviaire de passagers et de marchandises.
Le transport ferroviaire "souffre d'un manque d'investissement, malgré les annonces du plan de relance", ce qui "compromet l'atteinte de nos objectifs climatiques", alerte une étude publiée ce 28 octobre par le réseau Action Climat, la fondation pour la Nature et l’Homme et France Nature Environnement. Il s'agit pourtant d'un mode de transport "particulièrement performant d’un point de vue environnemental", soulignent les ONG environnementales : il transporte 11% des passagers et 9% des marchandises pour seulement 0,3% des émissions de gaz à effet de serre du secteur des transports. Il est aussi pourvoyeur de nombreux emplois non délocalisables.
"Pour atteindre ses objectifs climatiques, la France devra miser sur le transport ferroviaire, augmenter les trafics de voyageurs et de marchandises, y compris pour diminuer les déplacements en voiture, en avion et en camion, qui sont les plus impactants pour l’environnement, rappellent les trois ONG. Ainsi, à travers sa Stratégie nationale bas carbone (SNBC), la France vise un développement du transport ferroviaire de +27% d’ici à 2030 et +79% en 2050." Mais pour ces associations, le transport ferroviaire "ne bénéficie pas du soutien qu’il mérite en tant que solution de décarbonation du secteur des transports." "Le désinvestissement de l’État dans le réseau ferroviaire, et notamment sur les petites lignes, depuis de nombreuses années, impacte aujourd’hui lourdement le trafic : suppression de lignes, de dessertes, retards, annulations, etc.", pointent-elles.
"Plan de soutien à SNCF Réseau"
Selon elles, les annonces faites par le gouvernement dans le cadre du plan de relance "ne permettront d'infléchir qu’à la marge cette situation". Sur les 4,75 milliards d’euros annoncés en septembre dernier, 4,1 sont destinés à préserver les capacités d’investissement de SNCF Réseau afin de maintenir les travaux de régénération déjà programmés pour les deux prochaines années, relèvent-elles, et "650 millions d’euros seulement constituent, selon les informations fournies à ce jour, de nouveaux crédits d’investissement". Il s'agit plus d'un "plan de soutien à SNCF Réseau" qu'un plan de relance du ferroviaire, estiment-elles, même si elles le jugent "indispensable pour compenser les pertes liées à la crise Covid à court terme". "Mais c’est insuffisant au regard des besoins colossaux, et surtout, c’est bien d’un plan d'investissement sur 10 ans et non sur 2 ans, dont le rail a besoin pour construire l’efficacité du réseau ferroviaire de 2030, à même de jouer son rôle pour décarboner les transports", insistent les associations.
3 milliards d'euros supplémentaires par an jusqu'en 2030
Pour une vraie relance du ferroviaire, compatible avec les objectifs climatiques du pays, leur étude recommande d'investir 3 milliards d’euros supplémentaires par an jusqu’en 2030. Sur ce total, 500 millions d'euros permettraient de "garantir une régénération satisfaisante du réseau structurant", 700 millions d'"assurer la régénération des lignes de desserte fine du territoire (petites lignes)", 200 millions de "réaliser l’ensemble des projets de modernisation et de développement du réseau identifiés dans le scénario intermédiaire du rapport Duron, 150 millions de "reconstituer une parc de matériel roulant de nuit" et de "permettre le développement d’un véritable réseau de trains de nuit en France et vers l’étranger", et 1,5 milliard irait à la relance du fret ferroviaire, ce montant étant réparti entre "l’exploitation, la régénération, le développement du réseau et le soutien à l’activité".
Rééquilibrage de la fiscalité au profit des modes de transport "propres"
Enfin, l'étude plaide pour un "rééquilibrage de la fiscalité au profit des modes de transport les moins émetteurs de gaz à effet de serre et de polluants de l’air". "Aujourd’hui, la fiscalité donne toujours un avantage compétitif aux modes de transports les plus émetteurs : exonérations fiscales pour le kérosène aérien et pour le gazole professionnel pour les transports de marchandises …", pointe-t-elle. Or, "une meilleure équité entre la fiscalité des différents modes de transport est une condition essentielle pour favoriser le report d’une partie des trafics routiers et aériens vers le rail, estime-t-elle. De plus, la prise en charge, par chaque mode de transport, de ses coûts externes pour la société (pollution de l’air, bruit, effet sur le climat, congestion, accidents) doit également intervenir au plus vite". Elle cite aussi d'autres actions permettant d'"optimiser la charge des trains en profitant par exemple du gisement de mobilité ferrée qui se trouve dans les déplacements de contre pointe et dans les heures creuses". "Cela implique de proposer une politique innovante de tarification / billettique (tarification avantageuse en heure creuse par exemple) mais aussi de faire évoluer les rythmes de vie (étalement de la pointe) ou encore l’urbanisme (augmenter le nombre de centralités)", conclut-elle.