Intercommunalité - Intercommunalité : la Cour des comptes plaide pour une intégration accrue
La présentation du rapport de la Cour des comptes sur l'intercommunalité, à l'occasion d'un débat du Congrès des maires le 23 novembre, marque-t-il un temps d'arrêt à une période pour le moins critique ? Le rapport du Conseil économique et social de juin dernier présenté par Pierre-Jean Rozet, le rapport de la commission parlementaire d'enquête sur la fiscalité locale, le "Livre noir" de l'intercommunalité, présenté par des parlementaires en octobre dernier, les premières conclusions distillées dans la presse sur le rapport de la Cour des comptes... les nuages s'amoncelaient en effet dans le ciel intercommunal. Evénement de taille, le premier président de la Cour des comptes, Philippe Séguin, est venu en personne présenter en avant-première aux maires et présidents d'EPCI les conclusions du rapport "L'intercommunalité en France". Il s'est voulu rassurant : l'intercommunalité est un succès quantitatif de taille, la généralisation de la TPU a eu un effet vertueux en supprimant la concurrence fiscale entre communes. "Enfin, on assiste, a noté Philippe Séguin, à une prise de conscience progressive des enjeux de la construction de la nouvelle intercommunalité." Congressistes et intervenants, dans un silence concentré, ont retrouvé le sourire : non, l'intercommunalité n'est pas en soi remise en cause. La veille, Dominique de Villepin déclarait : "Nous devons consolider l'intercommunalité, elle constitue une chance pour les communes."
Revoir les périmètres pour une intercommunalité de projet
Pour autant, le rapport constate un indéniable inachèvement du processus. Au coeur des critiques et recommandations, une nécessaire amélioration de la pertinence des périmètres intercommunaux. "Si le périmètre est trop restreint, la communauté n'est pas en mesure de mener à bien son projet de développement", constate Philippe Séguin. Un constat partagé par le gouvernement. Brice Hortefeux, ministre délégué aux Collectivités territoriales, a déclaré, en clôture du débat : "Je crois qu'il faut éviter les communautés de communes inférieures à 5.000 habitants." Dans le prolongement de ce constat, la Cour des comptes regrette un manque de cohérence entre périmètres et compétences dévolues aux EPCI ou encore la dimension insuffisante des périmètres des communautés d'agglomération conduisant à un émiettement de l'intercommunalité à fiscalité propre. Elle recommande donc l'utilisation de l'arsenal législatif qui permet désormais de fusionner ou d'élargir les territoires intercommunaux. La Cour des comptes demande l'élaboration obligatoire, dans chaque département, d'un schéma de simplification de la coopération intercommunale, soumis pour avis à la commission départementale de coopération intercommunale (CDCI). "Dans cette optique, précise Philippe Séguin, les pouvoirs d'incitation des préfets devront être élargis."
La mauvaise évaluation des transferts préjuge de l'avenir
Le gouvernement, par l'entremise de Brice Hortefeux, s'est engagé à suivre la voie tracée par la Cour des comptes : "Les commissions départementales de coopération intercommunale travailleront très prochainement à un schéma d'orientation qui fixera le cap sur le moyen terme d'une intercommunalité idéale." Autre point noir mis en évidence : la mauvaise application des procédures de transfert. Non seulement la Cour constate que les transferts de patrimoine ne sont pas encore suffisants mais elle demande, pour favoriser des économies d?échelles et pour renforcer la cohérence de l'action publique, que soient explorées les pistes de mutualisation de services et de personnes entre communes et EPCI. Sur ce point, Marc Censi, président de l'ADCF (Assemblée des communautés de France) a rappelé que la possibilité de la mutualisation est ouverte depuis peu, avec la loi du 13 août 2004. Enfin, et c'est sans doute une critique qui trouvera un écho de taille auprès des élus locaux, le transfert des charges financières a été sous-évalué. "Dans les communautés à taxe professionnelle unique, a déclaré Philippe Séguin, les transferts de fiscalité ont été faits au détriment des communautés, les charges transférées ayant été minimisées. Ce phénomène préjuge de l'avenir, car cela entraîne un affaiblissement durable des capacités financières de l'EPCI." Là encore, la loi du 13 août 2004 permet de clarifier le transfert, qualifié par le premier président de la Cour des comptes, "de dispositif compliqué". La Cour des comptes est attachée à ce que la date butoir pour la définition de l?intérêt communautaire soit respectée : "Comment évaluer et chiffrer les compétences communautaires sans ce passage obligé ?", a rappelé Philippe Séguin. Le rapport est précis dans ses recommandations : "La définition de l'intérêt communautaire doit être claire, objective et opérationnelle."
Pour une stratégie financière et fiscale partagée
"La logique dans les EPCI à fiscalité propre est celle d'une forte interdépendance entre la communauté et les communes", a ajouté Philippe Séguin. Il faut donc élaborer sur la durée une coopération étroite, une véritable stratégie financière et fiscale concertée afin de définir ensemble les efforts d'investissements, l'évolution de la fiscalité, la politique de mutualisation des moyens, la politique d'endettement ou encore la péréquation avec la DSC (dotation de solidarité communautaire). Le premier président de la Cour des comptes regrette que cette stratégie n'existe que dans une minorité de cas et appelle à la généralisation d'une stratégie partagée, "d'autant plus que la situation financière à moyen terme peut se détériorer". Non seulement, l'évolution globale des charges, et plus précisément celles du personnel, connaît un accroissement très net, mais les économies d'échelles attendues ne sont pas au rendez-vous. Enfin, l'émergence progressive des projets communautaires va se traduire par des investissements structurants coûteux.
Réforme de la taxe professionnelle : l'Etat doit donner une visibilité aux EPCI
La Cour des comptes appelle également l'attention sur les risques issus de la législation récente qui permet une banalisation des fonds de concours et donc rend plus difficile la définition d'une stratégie commune et la modification du coefficient d'intégration fiscale (loi de finances 2005) qui dessert les communautés les plus intégrées. Enfin, la taxe professionnelle unique représente deux tiers de la taxe professionnelle perçue par les communes et EPCI. Or, elle est l'objet d'une réforme de taille dans le projet de loi de finances 2006, voté en première lecture dans la soirée du 22 novembre, par les députés. Les congressistes ont entendu avec plaisir la demande faite par Philippe Séguin au gouvernement : "Il appartient à l'Etat de donner une visibilité nécessaire à cette stratégie financière et fiscale nécessaire." Cette position devrait trouver un écho de taille lors du débat du 24 novembre, toujours au Congrès des maires, sur "Les relations financières et fiscales entre le maire et l'Etat".
Clémence Villedieu