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Social - Institutions et collectivités en force dans le nouveau Conseil supérieur du travail social

Un arrêté publié au Journal officiel du 16 juillet 2010 modifie la composition et les modalités de fonctionnement du Conseil supérieur du travail social (CSTS). Cette instance, créée en 1984, a déjà fait l'objet de plusieurs modifications et relevait jusqu'à présent d'un arrêté du 11 septembre 2002, abrogé par le nouveau texte. L'arrêté du 7 juillet 2010 apporte en effet plusieurs modifications importantes. Il réécrit en premier lieu - en les simplifiant fortement - les missions du CSTS. Celui-ci est désormais chargé d'apporter au ministre des Affaires sociales "une expertise en matière d'exercice et de pratiques professionnels", de formuler "des avis, recommandations et propositions, notamment dans le cadre de rapports, sur les problématiques que le ministre lui soumet", et assure "une fonction de veille sur les nécessaires évolutions du travail social et des pratiques professionnelles liées à la mise en oeuvre des politiques publiques".

L'arrêté du 7 juillet revoit également la composition du CSTS - qui reste présidé par le ministre chargé des Affaires sociales -, en réduisant le nombre de ses membres de 68 à 50. La place des collectivités territoriales au sein de cette instance s'en trouve nettement accrue, puisque - contrairement à la tendance générale à la baisse - elle passe au contraire de trois à six membres (auxquels on peut ajouter un député et un sénateur, qui n'existaient pas dans la précédente composition) : un représentant de chacune des trois principales associations représentant les collectivités territoriales (AMF, ADF et ARF), un directeur d'action sanitaire et sociale départementale désigné par l'Association des directeurs d'action sanitaire et sociale (Andass), un directeur de CCAS désigné par l'Union nationale des centres communaux et intercommunaux d'action sociale (Unccas) et un représentant de l'Observatoire de l'action sociale décentralisée (Odas, l'assimilation de ce dernier à la représentation des collectivités territoriales étant par ailleurs juridiquement discutable). Le CSTS compte également sept représentants de l'Etat, quatre pour les caisses de protection sociale et agences, quatre pour les acteurs de la formation, trois pour les organisations d'employeurs du secteur social, six pour les organisations syndicales de salariés, neuf pour les usagers, associations et organismes nationaux et neuf personnalités qualifiées.

Quatre instances de travail

Cette nouvelle composition traduit une très nette "institutionnalisation" du CSTS : l'Etat, le Parlement, les collectivités, les caisses nationales et agences, et les personnalités qualifiées (dont sept sont désignées par le ministre chargé des Affaires sociales) représentent en effet 28 membres sur 50 (56%), contre 26 sur 68 (38%) dans l'arrêté de 2002. A l'inverse, le nombre des représentants des usagers, associations et organismes nationaux passe de quinze à neuf, celui des acteurs de la formation de neuf à quatre et celui des syndicats de salariés du secteur social de onze à six. A noter également que si la Cnaf (trois milliards d'euros de dépenses d'action sociale) et la MSA (Mutualité sociale agricole) conservent leurs sièges, la Cnam et la Cnav laissent le leur à l'Agence nationale de l'évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médicosociaux (Anesm) et à l'Agence pour la cohésion sociale et l'égalité des chances (Acsé).

Plusieurs autres dispositions témoignent de cette "reprise en main" du CSTS. Ainsi, son vice-président sera désormais désigné par le ministre chargé des Affaires sociales (parmi les personnalités qualifiées) et non plus élu librement par les membres du conseil. De même, l'arrêté de 2002 ne disait rien de l'organisation du travail du CSTS, ce qui a d'ailleurs fortement nui à la visibilité de ses travaux. Au contraire, l'arrêté du 7 juillet 2010 consacre plusieurs articles à une organisation stricte des travaux du CSTS. Il crée ainsi quatre instances au sein du Conseil : une commission permanente "chargée de représenter le conseil, de coordonner et de faire connaître ses travaux", une commission "éthique et déontologie" et deux sous-commissions - rattachées à la commission permanente - chargées respectivement de la rédaction d'un rapport dont le thème est fixé par le ministre et "d'une fonction de veille et de propositions sur des sujets d'actualité liés aux pratiques, aux enjeux territoriaux et à l'impact des thématiques émergentes sur le travail social".

Reconnaissance du rôle des collectivités

Les sous-commissions sont présidées par des personnalités qualifiées mandatées par le ministre. La composition de la commission chargée du rapport est choisie par son président ainsi nommé, dans la limite de dix personnes, tandis que celle chargée de la veille et des propositions est fixée par l'arrêté : deux personnalités qualifiées, un représentant des employeurs, un des salariés et un directeur d'action sanitaire et sociale départementale désigné par l'Andass. Mais c'est surtout la commission "éthique et déontologie" qui devrait retenir l'attention. Outre le vice-président du CSTS et un représentant du ministre, elle comprend en effet deux personnes qualifiées "ayant la pratique des questions d'éthique et de déontologie du travail social" (l'une de ces deux personnes jouant le rôle de coordonnateur des travaux), un représentant des employeurs, un des salariés et un directeur d'action sanitaire et sociale départementale désigné par l'Andass. S'y ajoute "un juriste qualifié en matière d'éthique et de déontologie relative aux pratiques du travail social, non membre du Conseil supérieur du travail social, désigné intuitu personae par le ministre". Autrement dit, les institutions et les personnalités qualifiées - désignées par ces dernières - représentent six membres sur huit.

Au final, le CSTS version 2010 n'a plus grand-chose à voir avec celui qui existait depuis plus de 25 ans. Les collectivités y voient leur place nettement renforcée, ce qui constitue une reconnaissance de leur rôle qui n'a cessé de s'accroître depuis 1984. Ce renforcement vaut aussi pour les institutions dans leur ensemble. L'organisation plus structurée du travail du conseil, avec des commissions aux effectifs très réduits, devrait être un gage d'efficacité pour un organisme qui a, jusqu'à présent, peiné à trouver sa place. Il reste à savoir comment cette réforme en profondeur et ce retour des institutions seront perçus par les professionnels de terrain...

 

Jean-Noël Escudié / PCA

 

Référence : arrêté du 7 juillet 2010 relatif à la composition du Conseil supérieur du travail social (Journal officiel du 16 juillet 2010).