Innovation dans les transports : quelle place pour les usagers ?
La Fédération nationale des associations d'usagers des transports (Fnaut) défend les innovations améliorant la qualité de service, la protection de l’environnement et optimisant l’existant. Elle a exprimé le 14 juin son mécontentement face à la recrudescence d'innovations technologiques qui ne répondent pas aux besoins, aux difficultés des voyageurs et tendent à détourner l'attention face aux priorités.
Hyperloop, navettes aériennes desservant des aéroports, train suspendu… les annonces d’innovations dans les transports se multiplient. Sans forcément de corrélation avec les besoins des voyageurs. Le problème, pointe Jean Sivardière, vice-président de la Fédération nationale des associations d'usagers des transports (Fnaut), c'est que "les élus se laissent fasciner et souvent berner par ces innovations radicales, faites pour le plaisir d'innover, gadgets en quelque sorte mais qui servent surtout à détourner l'attention des problèmes de fond et à ringardiser, à retarder la mise en œuvre de techniques fiables et plus traditionnelles".
Innovation mal lunée
L'association bataille régulièrement pour le développement de sites propres pour les transports collectifs de surface (tramway, bus à haut niveau de service ou BHNS). Mais là aussi, gare à l'innovation qu'elle désigne comme étant "mal utilisée", ou en remplacement d'une autre. Le BHNS par exemple, est selon elle une technique "très utile dès lors qu’on ne cherche pas à le mettre à la place du tramway car il est adapté aux axes de trafic potentiel modéré". La mise en site propre de couloirs de bus fait aussi avancer les choses mais l'action des collectivités dans ce domaine est "bien trop lente". "Tramway moderne et à plancher bas, aménagements piétons et cyclables, autoroute ferroviaire, alimentation du tramway par le sol, métro automatique, etc, les innovations que nous soutenons sont celles qui consistent à optimiser l’existant", résume Jean Sivardière.
Les améliorations existent
Pour les déplacements à longue distance, si la vitesse du TGV n'est pas à négliger, elle ne doit pas faire oublier que l’exigence des voyageurs porte surtout sur la fréquence des services. "Or on a l'impression qu'à la SNCF, la recherche & développement, l'innovation mise au service des voyageurs, progressent peu et moins par exemple qu'à la RATP", constate Bruno Gazeau, président de la Fnaut.
Pour les déplacements du quotidien, c'est plus la saturation en zone dense et la pénurie de transport collectif dans le périurbain qui, on le sait, posent problème. Dans ce domaine, la Fnaut attire l'attention sur l'intérêt du bus à deux niveaux (très utilisé outre-Manche), sur le trolleybus, une technique appréciée des usagers mais "abandonnée sans explication convaincante", mais aussi "sur les recherches en cours sur le tramway à bas coût, qui sont très prometteuses", et enfin sur "l'intérêt de mettre au point un TGV plus rapide pour mieux concurrencer l’avion".
Et le train à hydrogène ?
"Des élus régionaux s'entichent de cette solution, pourtant sans justification impérative. Nous n'en critiquons pas le principe, seulement la mise en œuvre prématurée", explique Jean Sivardière. Le fait qu'elle soit présentée comme une alternative à l'électrification de lignes TER et une solution à la fermeture de petites lignes n'est guère du goût de cette association. Mieux vaut, selon elle, réorienter l’innovation au service des usagers, "qu'elle parte des besoins à satisfaire, non de la technique et ne retarde pas le développement ou l’adoption de techniques à l’efficacité garantie".
Dans la lignée de ce point sur les innovations technologiques, la Fnaut en prépare un second à la rentrée sur les innovations servicielles. "L’intermodalité et la simplification de l’usage du transport collectif doivent avoir la priorité". Billettique intermodale numérique, intégration tarifaire du TER et des transports urbains, information des voyageurs en temps réel, navettes autonomes pour le rabattement des usagers sur les gares… "L’innovation doit optimiser l'ossature du système de mobilité et l'attractivité du transport public terrestre, notamment en multipliant les couloirs de circulation réservés aux bus pour qu'ils ne soient plus ralentis par la congestion routière. Une étude sur la vitesse commerciale des bus serait à mener, nous y réfléchissons", conclut Bruno Gazeau.