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Environnement - Incinérateurs polluants : de gré ou de force, l'échéance a été respectée

L'ultime délai accordé aux usines d'incinération d'ordures ménagères pour respecter les normes européennes d'émissions de dioxines expirait le 28 décembre. Sur 128 sites, 96 ont été mis aux normes, presque tous les autres étant arrêtés, au moins en partie, jusqu'à achèvement des travaux nécessaires.

Les usines d'incinération d'ordures ménagères (UIOM) françaises sont désormais pratiquement toutes conformes aux normes européennes limitant les émissions de dioxines. L'ultime délai pour la mise en conformité des installations existantes expirait en effet le 28 décembre 2005... et a, de gré ou de force, été respecté, à quelques rares exceptions près : 96 des 128 incinérateurs qui étaient en fonction sur le territoire français il y a un an dégagent moins de 20 g de dioxines par an, soit pas plus que les cheminées des particuliers. Seuls deux incinérateurs, situés en région parisienne, à savoir ceux d'Issy-les-Moulineaux (92) et de Sarcelles (93), ont obtenu une dérogation durable en raison de l'importance des populations desservies par le chauffage urbain de leurs installations. Pour les autres, le ministère de l'Ecologie avait prévenu qu'il n'y aurait aucune dérogation au calendrier prévu.
Ainsi, cinq ans après, la France se plie aux exigences de la législation européenne de décembre 2000, transposée par un arrêté ministériel de septembre 2002, limitant les émissions de dioxines à un plafond maximum de 0,1 nanogramme par mètre cube (ng/m3). Ce seuil était applicable à toute nouvelle usine depuis 1997.
La ministre de l'Ecologie, Nelly Olin, s'est rendue le 28 décembre à Saint-Eloi, près de Poitiers, pour annoncer la fermeture administrative au 31 janvier de cet incinérateur, le dernier en infraction et n'ayant pas obtenu de dérogation.


"Chacun a eu le temps de prendre ses dispositions"

"Cette unité n'est pas conforme mais la collectivité responsable n'a pas à ce stade souhaité la mettre provisoirement à l'arrêt alors que des solutions alternatives sont disponibles", avait-elle souligné à la veille de ce déplacement. "La réglementation a été annoncée en 2000. Cinq ans plus tard, chacun a eu le temps de prendre ses dispositions", a-t-elle poursuivi devant le maire de Poitiers, Jacques Santrot, qui a réagi en se disant "ulcéré". "Je vis cela comme un procès", a poursuivi l'élu, observant que cette fermeture allait faire perdre 700.000 euros par mois à la communauté de communes de Poitiers (coût de la mise en décharge des déchets non-incinérés et manque à gagner des sommes perçues grâce au chauffage produit).
Tout au long de l'année 2005, la ministre avait multiplié les courriers aux préfets pour faire respecter l'échéance par les exploitants (travaux de mise en conformité ou fermeture) et pour rappeler que tout contrevenant s'exposerait à des sanctions administratives permettant une suspension autoritaire du fonctionnement de l'installation.
Les dioxines (il en existe plus de 200) sont des composés organiques qui se forment lors de la combustion. Le Comité de prévention et de la précaution (CPP), sans conclure à un risque accru de certains cancers faute de recul statistique, avait vivement conseillé de respecter l'échéance de décembre 2005.


Encore 41% des déchets ménagers sont incinérés

Outre le cas de Saint-Eloi, quatre usines ont été arrêtées totalement dans l'attente d'éventuels travaux - deux l'été dernier, et deux in extremis le 27 décembre au soir, à Montauban (82) et à Labeuvrière (62). Dix-huit autres sont arrêtées provisoirement alors que les travaux sont déjà en cours. Sept ont au moins une ligne de combustion mise à l'arrêt, le reste de l'usine répondant aux nouvelles normes.
Si dans certains cas, la remise en service se fera dès le mois de janvier, pour d'autres, plusieurs mois de travaux sont encore nécessaires, avec un redémarrage prévu pour l'été prochain. Tel est par exemple le cas à Concarneau (29) ou à Cenon (33).
En dehors des cas d'Issy-les-Moulineaux et de Sarcelles, deux dérogations de courte durée ont été concédées. Il s'agit des sites de Pithiviers (45) et de Colmar (68), dont la mise en conformité, en cours, sera achevée dans quelques semaines. "Ces deux unités sont conformes à l?exception de l?implantation des brûleurs qui est planifiée", a précisé Nelly Olin.
Le coût total des travaux de mise en conformité de l'ensemble incinérateurs a été évalué par le ministère à 750 millions d'euros au minimum (avec un spectre très large selon les sites : de 40.000 euros à... 25 millions d'euros). La ministre a d'ailleurs souligné que "les collectivités responsables se sont fortement mobilisées et ont engagé des investissements lourds sur ce dossier" et juge au final que "la situation est très satisfaisante".
Les efforts engagés ont en tout cas permis en dix ans, de 1995 à 2005, de diviser par cent les émissions de dioxines. Des ajustements en 2006 devraient encore permettre de diviser ces émissions par dix par rapport à 2004. En France, 41% des déchets ménagers sont incinérés, soit 13 millions de tonnes par an. Au-delà de l'étape de la mise au norme, l'enjeu est donc celui du développement des solutions alternatives à l'incinération, autrement dit du recyclage, pour lequel la France marque un important retard - et, au final, celui de la réduction (ou au moins, dans un premier temps, la stabilisation?) de la production de déchets.


C.M., avec AFP

 

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