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Incendie à Rouen : Lubrizol mis en examen pour les dégâts environnementaux du sinistre

Cinq mois après le gigantesque incendie qui a ravagé l'usine Lubrizol à Rouen, le groupe a été mis en examen pour sa responsabilité dans les dégâts environnementaux causés par le sinistre, dont l'origine reste encore inconnue.

Lubrizol France a été mis en examen le 24 février pour "déversement de substances nuisibles" et pour des manquements dans l'exploitation de son usine ayant porté une "atteinte grave" à l'environnement, a annoncé ce jeudi le procureur de la République de Paris Rémy Heitz dans un communiqué. Au total, 9.505 tonnes de produits chimiques avaient brûlé dans l'incendie le 26 septembre dernier qui avait provoqué un nuage de fumée noire de 22 km de long. Il est reproché à l'entreprise "de ne pas avoir pris toutes les mesures pour empêcher la propagation importante de l'incendie et les dégâts environnementaux qui en ont découlé", a précisé une source proche du dossier.

Contrôle judiciaire

Placé sous contrôle judiciaire, le groupe devra s'acquitter d'un cautionnement de 375.000 euros et constituer une "sûreté" de 4 millions d'euros visant à réparer les "dommages humains et environnementaux" éventuellement imputables à l'incendie, détaille le parquet.
"Ce statut permettra à Lubrizol d'exercer l'ensemble de ses moyens de défense afin de démontrer que la société a pleinement respecté ses obligations", a réagi en fin de journée le groupe dans un communiqué. "Des réponses précises ont été apportées pour contester fermement les différents points soulevés par le rapport d'inspection dressé (par les services de l'Etat) après l'incendie", a-t-il souligné.

"Très, très bonne nouvelle" pour Rouen Respire

"C'est une très, très bonne nouvelle", a déclaré pour sa part à l'AFP Olivier Blond, président de Rouen Respire, association de défense des victimes, estimant que cela prouvait que le juge avait "pris au sérieux" les multiples plaintes déposées dans ce dossier. "L'usine Lubrizol a été inspectée de nombreuses fois avant la catastrophe, ils n'ont jamais rien vu de significatif, et c'est l'enquête qui met au jour progressivement tous ces éléments qui auraient dû être mis au jour avant la catastrophe", a-t-il par ailleurs observé.
Cette mise en examen intervient dans le cadre de l'information judiciaire ouverte le 29 octobre pour faire la lumière sur les causes et les circonstances de l'incendie, et qui a été élargie en décembre à de possibles manquements de sécurité. Le parquet de Paris avait relevé sur le site rouennais "un réseau de caniveaux et un dispositif de confinement insuffisants n'ayant pas permis de collecter l'ensemble de la nappe enflammée" et l'absence de "dispositif de détection incendie sur les lieux de stockage extérieur" situé près des deux bâtiments qui ont brûlé.

Feu "hors norme"

La société appartenant au milliardaire américain Warren Buffett est aussi soupçonnée de n'avoir pas prévu "de moyens suffisants en débit d'eau pour lutter efficacement contre l'incendie" et de ne "pas avoir étudié les effets dominos" d'un potentiel sinistre sur les sites voisins, classés Seveso. Pour sa part, l'entreprise Normandie Logistique, dont des entrepôts jouxtant l'usine Lubrizol ont été détruits par le sinistre, a été placée mercredi sous le statut intermédiaire de témoin assisté.
Le 23 octobre dernier, devant les députés, Jean-Yves Lagalle, directeur des pompiers de Seine-Maritime, avait expliqué avoir manqué d'eau le 26 septembre face à "un immense chaudron", un feu "hors norme" de "3 hectares de produits inflammables" sur le site Lubrizol, et de "7.000 m2 sur l'usine voisine". Dans son communiqué, le procureur souligne par ailleurs que les investigations n'ont pas pour l'heure permis de "déterminer les causes de l'incendie ni de localiser son origine".

Plus de 1.000 prélèvements dans les sols de 125 communes

Outre l'enquête judiciaire, le pouvoir politique cherche à améliorer la réponse aux risques en la matière. Les inspections annuelles de sites classés vont augmenter de 50% d'ici 2022 selon un plan d'action gouvernemental dévoilé mi-février par la ministre de la Transition écologique et solidaire Elisabeth Borne. Les députés qui ont participé à une mission parlementaire sur cet incendie ont eux proposé d'augmenter les sanctions contre les pollueurs, d'organiser des exercices d'évacuation de la population et d'augmenter les effectifs des inspecteurs d'usines.
Une commission d'enquête au Sénat doit de son côté rendre ses conclusions début avril. Interrogée par cette commission ce 26 février, Elisabeth Borne a indiqué que plus de 1.000 prélèvements dans les sols ont été réalisés dans 125 communes potentiellement touchées par les retombées des fumées de l'incendie. Mais les premiers résultats disponibles ne concernent que 23 communes autour de Rouen "en raison d'une saturation des laboratoires d'analyses". Elle a confirmé que les prélèvements en matière alimentaire "vont se poursuivre dans la durée pour vérifier que les résultats restent bien conformes".
 

 

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