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Impôts de production : "Un Everest budgétaire, mais ce n'est pas une raison pour rester au camp de base"

Une semaine après la réception des 500 patrons d'entreprises de taille intermédiaire (ETI) à l'Élysée, le délégué général du Méti revient auprès de Localtis sur les enjeux de ce "Mittelstand" sur le développement et la cohésion des territoires. Après avoir souvent été "hors du radar" des politiques publiques, les ETI ont beaucoup obtenu en deux ans mais attendent beaucoup du "pacte productif" au printemps.

"Une grande première." Une semaine après le discours d’Emmanuel Macron devant les 500 patrons de PME et d’ETI (entreprises de taille intermédiaire) à l’Élysée, le délégué général du Méti (mouvement des ETI) se réjouit de ce "coup de projecteur". "C’est la première fois qu’un président de la République s’adresse directement aux ETI, reconnaissant ainsi leur rôle dans le développement économique et la cohésion sociale et territoriale." "On parle beaucoup de la Start-up Nation, des grands groupes ; les entreprises industrielles des territoires sont hors du radar de la puissance publique, c’est un coup de projecteur majeur", poursuit-il.
Alexandre Montay souligne le rôle moteur des ETI pour le développement du territoire : entre 2009 et 2015, en pleine crise, elles ont créé 335.000 emplois. Pourtant, elles sont souvent restées "hors du radar" des pouvoirs publics, même si des présidents de région comme Alain Rousset (Nouvelle-Aquitaine) ont très tôt souligné l’importance de ce Mittlestand envié à l’Allemagne. "Il existe 5.400 ETI en France, contre 12.500 en Allemagne, 10.000 au Royaume-Uni ou 8.000 en Italie.  C’est un des problèmes du tissu économique français."

Les ETI représentent 34% des exportations

Car les ETI ont le double avantage de contribuer fortement aux exportations (environ à 34%) et d’être ancrées dans leurs territoires (78% de leurs sites de production sont en région), quand les grands groupes préfèrent se rapprocher de leurs marchés, et n’hésitent pas à mettre leurs sous-traitants en concurrence ("global sourcing"). "Les ETI sont extrêmement positives pour le commerce extérieur, elles font la force de l’Allemagne ; le Mittelstand représente 80% des 230 milliards d’excédents commerciaux allemands." Là où la France accuse un déficit de 60 milliards d’euros année après année… "Rien ne peut expliquer que la France soit sous-dotée", s’exclame Alexandre Montay, si ce n’est une tradition plus centralisatrice que d’autres pays, "mais il n’y a pas de fatalité". Or selon lui, la "feuille de route" de la secrétaire d’État Agnès Pannier-Runacher "est en prise directe" avec les préoccupations des ETI. Plusieurs mesures essentielles ont été prises depuis le début du quinquennat, estime-t-il : suppression de l'ISF sur le capital de production, simplification du pacte Dutreil sur les transmissions... Les ETI attendent à présent une grande réforme de la fiscalité de production représentant 73 milliards d’euros, bien plus que leurs homologues allemandes. "C’est un Everest budgétaire. Mais ce n’est pas pour cela qu’il faut rester au camp de base", estime Alexandre Montay. Entre Bercy favorable à une réduction de ces impôts et le ministère de la Cohésion des territoires, on ne voit cependant pas les choses sous le même angle. Car une bonne part d’entre eux sont des impôts locaux et font vivre les collectivités.
Tout le monde s’accorde sur une suppression de ce qui reste de contribution sociale de solidarité des sociétés, la C3S (scénario conforté récemment par une analyse du Conseil d’analyse économique), mais Jacqueline Gourault a redit récemment qu’il était hors de question de s’attaquer à la CET (contribution économique territoriale) - elle-même composée de la cotisation foncière des entreprise (CFE) et de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) -, désamorçant ainsi l’emballement suscité par un article du Monde. Une petite entorse à ce principe a été admise dans la loi de finances pour 2020 avec la possibilité pour les maires de petites communes de décider d’exonérer les petits commerçants et artisans de CET et de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB), avec une compensation au tiers par l’État. Emmanuel Macron est resté évasif sur le sujet le 21 janvier.

"Désincitation à investir"

S’appuyant sur une étude récente de l’Institut Montaigne, du cabinet Astarès et du Méti, Alexandre Montay estime qu’il faut "faire de la pédagogie". La fiscalité de production représente 10% des recettes totales du pays contre 2% en Allemagne, et crée une "désincitation à investir, nocive pour la compétitivité des entreprises", selon cette étude. Mais surtout, les ETI s’estiment victimes d’une "injustice". Alors qu’elles pèsent pour 23% du PIB industriel, elles supportent 47% de la CFE et 52% de la CVAE. L'étude préconise une économie de 15 milliards dès 2020, répartie entre 6,5 milliards d’euros de baisse de la taxe foncière sur les propriétés bâties, 4,9 milliards liées à la suppression des fiscalités sectorielles de production et 3,8 milliards liés à la C3S. Ces 15 milliards seraient compensés par une hausse de 0,5 point des différents taux de TVA, les recettes fiscales supplémentaires générées mécaniquement par l’allègement sur la fiscalité de production, et une baisse des dépenses publiques ou un endettement temporaire. "On a montré qu’à partir du moment où on engage une décrue de la fiscalité de production, on obtient très rapidement un retour en termes d’emplois, sur le résultat net des entreprises industrielles, sur la capacité d’investissement", estime Alexandre Montay. Un "investissement rentable", donc, pour le pays. L'Assemblée des communautés de France (ADCF) propose depuis des mois un "diagnostic partagé", car, selon elle, on ne peut limiter le débat à la taille des entreprises ou à leur chiffre d'affaires et il convient de distinguer entre les secteurs exposés à la mondialisation et les secteurs protégés. 
Le gouvernement présentera ses arbitrages au printemps, dans le cadre du pacte productif.