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Juridictions financières - Impartialité des magistrats de CRC : l'hécatombe procédurale continue

Ce n'est que depuis 2000 et son arrêt "Labor métal" que le Conseil d'Etat applique aux juges financiers - chambres régionales des comptes (CRC) et Cour des comptes - le principe d'impartialité prévu à l'article 6§1 de la Convention européenne des droits de l'homme. Depuis lors, le Conseil d'Etat en découvre toutes les implications, en jugeant notamment que le principe d'impartialité "fait obstacle à ce que le membre d'une chambre régionale des comptes participe au jugement de comptes dont il a eu à connaître à l'occasion d'une vérification de gestion" (arrêt Beausoleil de 2003). Si bien que les très nombreuses procédures lancées par les CRC dans les années 1990 en méconnaissance de ce principe sont toutes, aujourd'hui, susceptibles d'annulation. Compte tenu de la durée actuelle des procédures de gestion de fait (souvent supérieures à dix ans), l'hécatombe procédurale se poursuit.
Un récent arrêt du Conseil d'Etat, en date du 16 juin 2008, fournit un nouvel exemple : un magistrat, membre de la chambre régionale des comptes de Picardie, avait mené, pour le compte de cette juridiction, les contrôles de la gestion de deux associations. Or, ce même magistrat a occupé les fonctions de rapporteur devant la formation de CRC qui, par un même jugement du 30 avril 1998, d'une part a déclaré la gestion de fait, d'autre part s'est prononcée, à titre provisoire, sur le jugement des comptes des deux associations. Le Conseil d'Etat juge que "la participation du rapporteur, auquel a été confiée la vérification de la gestion de l'organisme dont les deniers sont en cause, au délibéré de la formation de jugement chargée, à titre provisoire ou définitif, de se prononcer sur la déclaration de gestion de fait, la ligne de compte, la mise en débet ou la sanction du comptable de fait, entache d'irrégularité la composition de cette formation". Et cette irrégularité dans la composition de la CRC entache d'irrégularité l'ensemble de la procédure de jugement des comptes et de sanction des comptables de fait.
Depuis l'émergence de ce courant jurisprudentiel exigeant, les CRC ont, certes, adapté leur organisation interne, afin de parer ce moyen d'annulation. Mais les procédures initiées au cours de la précédente décennie apparaissent parfois irrémédiablement entachées...

 

Philippe Bluteau, avocat / Cabinet de Castelnau

Références :CE, 23 avril 2000, Labor métal, 195715. CE, 30 décembre 2003, M. Beausoleil et Mme Richard, 251120. CE, 16 juin 2008, Guy B, 289461

 

 

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