Urbanisme - Immeubles menaçant ruine et propriétaires défaillants : un rappel des règles de recouvrement de créances et d'expropriation
La défaillance des propriétaires d'immeubles menaçant ruine ou insalubres oblige la commune à engager des dépenses importantes en se substituant aux propriétaires. En effet, le maire peut, par décision motivée, faire procéder d'office à l'exécution des travaux. La commune agit donc en lieu et place des propriétaires, pour leur compte et à leurs frais. Fréquemment, elle ne parvient qu'avec difficulté à recouvrer les sommes avancées.
Dans une réponse à une question parlementaire publiée dans le JO Sénat du 27 août, le ministère de l'Intérieur, de l'Outre-Mer et des Collectivités territoriales rappelle que ce recouvrement se fait comme en matière de contributions directes. "Si l'immeuble relève du statut de la copropriété, le titre de recouvrement est adressé à chaque copropriétaire pour la fraction de créance dont il est redevable."
Le montant des frais recouvrables peut, depuis la loi 2009-323 du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion, "être majoré de celui des intérêts moratoires calculés au taux d'intérêt légal, à compter de la date de notification par le maire de la décision de substitution aux copropriétaires défaillants". De même, si l'exécution d'office des travaux a été prescrite en application des articles L.511-2 et L.511-3 du Code de la construction et de l'habitation (CCH), l'ensemble des frais liés à cette exécution sont recouvrables, notamment le coût "des travaux destinés à assurer la sécurité de l'ouvrage ou celle des bâtiments mitoyens, les frais exposés par la commune agissant en qualité de maître d'ouvrage public et, le cas échéant, la rémunération de l'expert nommé par le juge administratif".
Pour garantir le recouvrement des créances, "l'ordonnance 2007-42 du 11 janvier 2007 relative au recouvrement des créances de l'Etat et des communes résultant de mesures de lutte contre l'habitat insalubre ou dangereux a instauré plusieurs dispositifs". Il s'agit notamment du privilège spécial immobilier inscrit à la conservation des hypothèques ou au livre foncier prévu à l'article 2374 du Code civil, privilège qui primera sur tous les autres privilèges y compris ceux inscrits avant lui.
Cette même ordonnance prévoit une dérogation légale au troisième alinéa de l'article L.1617-5 du Code général des collectivités territoriales "en prévoyant que l'opposition au titre de recouvrement ne suspendait pas son caractère exécutoire".
Enfin, en application de l'article L.541-2 du CCH, "afin d'éviter que les ventes successives d'un immeuble dangereux laissent la personne publique créancière sans débiteur solvable, une solidarité légale est établie entre les propriétaires successifs d'un immeuble frappé d'un arrêté de péril. La commune créancière peut alors adresser le titre de recouvrement à l'un quelconque de ces propriétaires successifs".
L'expropriation du propriétaire défaillant est également envisageable. Le préfet, en application de la loi 70-612 du 10 juillet 1970 tendant à faciliter la suppression de l'habitat insalubre, pourra exproprier "les propriétaires d'immeuble à usage total ou partiel d'habitation, ayant fait l'objet d'un arrêté de péril pris en application de l'article L.511-2 du CCH et assorti d'une ordonnance de démolition ou d'interdiction définitive d'habiter", au bénéfice de la commune.
La commune a aussi le droit, lorsqu'elle est face à "un bâtiment en état d'abandon manifeste", de recourir à la procédure d'expropriation issue des articles L.2243-1 et suivants du Code général des collectivités territoriales. Elle devra intégrer cette expropriation "dans le cadre d'un projet local déclaré d'utilité publique".
Virginie Verdier Bouchut / Proximum
Références : question écrite 07033 publiée dans le JO Sénat du 15 janvier 2009, page 104. Réponse du ministère de l'Intérieur, de l'Outre-Mer et des Collectivités territoriales publiée dans le JO Sénat du 27 août 2009, page 2052.