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Environnement - Hydrocarbures de schiste : le Sénat adopte la proposition de loi Jacob

Le Sénat a adopté le 9 juin, par 166 voix pour et 156 contre, la proposition de loi Jacob "visant à interdire l'exploration et l'exploitation des mines d'hydrocarbures liquides ou gazeux par fracturation hydraulique et à abroger les permis exclusifs de recherches comportant des projets ayant recours à cette technique". Les socialistes, les Verts et les communistes ont voté contre, l'UMP pour, à l'exception des sénateurs Alain Dufaut (Vaucluse) et Jean-Paul Fournier (Gard). Seuls des amendements de rédaction et de précision, défendus par le rapporteur Michel Houel (UMP, Seine-et-Marne), ont été adoptés par rapport à la version adoptée en commission.
La majorité et l'opposition déclarent toutes deux vouloir interdire l'exploration et l'exploitation des hydrocarbures de schiste mais ne s'accordent pas sur la rédaction du texte, notamment sur l'abrogation des permis de recherches déjà délivrés. Pour la sénatrice du Parti de gauche Marie-Agnès Labarre, le "décalage" du gouvernement entre ses "promesses" et la réalité "est nette". "La ficelle est grosse [et va] permettre aux industriels de continuer leurs activités." "On ne peut pas accepter de tels propos", a réagi Jacques Blanc (UMP, Lozère). "Nous ne défendons aucun lobby, aucune entreprise. Nous avons la prétention de défendre l'intérêt général. Nous répondons à une situation malheureuse (...).  Nous ne voulons pas qu'on casse notre environnement."
Les sénateurs socialistes et Verts ont tenté, en vain, de supprimer l'article 1er bis (adopté par le Sénat en commission) créant une "commission nationale d'orientation, de suivi et d'évaluation des techniques d'exploration et d'exploitation des hydrocarbures liquides et gazeux", et de leurs "risques environnementaux ". "On se moque de qui ? Les risques environnementaux sont connus. Pas besoin d'une telle structure supplémentaire !", s'est exclamé Michel Billout (CRC, Seine-et-Marne). Cette commission vise à "faire passer la pilule", a jugé Didier Guillaume (PS, Drôme). "Si nous acceptons cette commission nationale, nous ouvrons la porte à la possibilité de mettre en place l'exploration et l'exploitation" des hydrocarbures de schiste, a-t-il alerté. "A petits pas, vous détricotez le Grenelle", a estimé Michel Billout. Au contraire, le secrétaire d'Etat au Logement, Benoist Apparu, qui représentait la ministre de l'Ecologie, a qualifié cette commission d'"excellente idée" : "C'est totalement dans l'esprit du Grenelle."

"Un concentré d'hypocrisie"

La réécriture de l'article 2, qui n'abroge plus directement les permis exclusifs de recherche, mais donne à leur titulaire deux mois pour remettre à l'administration un rapport précisant les techniques employées et qui abroge les seuls permis ayant recours à la fracturation hydraulique, a également été critiquée par l'opposition sénatoriale. Cette rédaction adoptée par l'Assemblée nationale est uniquement liée à "la crainte que les industriels ne se retournent vers l'Etat", alors que "l'intérêt environnemental et sanitaire doit primer", a estimé Michel Billout. "On aura rarement vu un tel concentré d'hypocrisie", a déclaré Jean Desessard (EELV, Paris). "Cet article propose de demander leur avis aux industriels eux-mêmes ! Cela me rappelle le formulaire pour aller aux Etats-Unis demandant si vous voulez tuer le président. La réponse est connue d'avance !" Ce sénateur et sa collègue socialiste Nicole Bricq ont cité les propos de Christophe de Margerie, PDG de Total, lors de l'assemblée générale du groupe pétrolier le 13 mai dernier. Celui-ci, comptant garder ses droits, avait qualifié la rédaction de la proposition de la loi d'"habile", affirmant  "faire en sorte qu'un jour les gens comprennent qu'on puisse faire de la fracturation hydraulique de manière propre". Pour Nicole Bricq, les industriels vont adopter "une stratégie d'attente pour reprendre plus tard leurs activités".   
Le Sénat ayant adopté une version différente de celle votée par l'Assemblée nationale le 11 mai dernier, une commission mixte paritaire devrait être créée pour trouver un compromis final entre les deux chambres.
 

 

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