Hub des territoires : quand Grigny fait la preuve des bienfaits sociaux du sport

Une rencontre du Hub des Territoires consacrée au sport a notamment mis en avant l'expérience de la ville de Grigny (Essonne), où une politique volontariste de développement de la pratique a permis de mettre de nombreux habitants au sport et d'apaiser le climat social en quelques années.

Lorsque ce mardi 11 juin, à l'occasion d'une rencontre organisée par le Hub des Territoires en collaboration avec l'Andes (Association nationale des élus en charge du sport) sur le thème "Dessinons le territoire sportif de demain", les débats en sont venus à envisager le sport comme un outil de cohésion sociale, Sébastien Nolesini, directeur général de la Fédération française de judo, s'est adressé aux orateurs présents autour de lui : "Demandez aux maires qui ils vont voir quand il y a un problème sur leur territoire !" Sa réflexion était purement rhétorique. Car la réponse, tout le monde la connaît : "On va voir le club sportif qui marche bien, car le club est un vecteur de cohésion sociale", a enchaîné Sébastien Nolesini. Assis à ses côtés, Philippe Rio, maire de Grigny (Essonne), a immédiatement repris cette idée à son compte : "Le club est une microsociété, le troisième lieu [de socialisation] après la famille et l'école." 

Le Pass'sport avant l'heure

Le maire de Grigny a alors expliqué comment il s'y était pris pour faire du sport un outil de cohésion sociale dans sa commune. Avec une conviction chevillée à l'âme : dans une ville où 50% de la population vit sous le seuil de pauvreté et où seulement 25% d'une classe d'âge va jusqu'au baccalauréat, "avoir des substituts ou des complémentarités éducatifs et sociaux, c'est extrêmement déterminant".

"Il faut mettre le paquet sur deux éléments", a alors lancé Philippe Rio : d'une part, le nombre de licenciés en club, d'autre part, les équipements sportifs, qui tous deux apparaissent en net déficit dans les quartiers de la politique de la ville (QPV). Grigny a donc eu "une politique ambitieuse en matière d'équipements" en mettant en place un programme pluriannuel d'investissements qui a notamment porté sur des terrains synthétiques, des terrains de basket 3x3 à côté de la salle de basket, des espaces en eau, etc. "On a tout démultiplié", a commenté l'élu.

Et pour faire venir de nouveaux licenciés dans ses équipements, Grigny a eu l'idée avant l'État de créer son Pass'sport, en l'occurrence un "dispositif exceptionnel" où la licence coûtait aux familles au maximum cinquante euros, au lieu des deux cents cinquante euros habituels. "Il y a une discrimination financière dans l'accès au sport. On a fait sauter ce verrou. D'une année sur l'autre, nous avons eu cinq cents enfants de six à seize ans supplémentaires inscrits dans les clubs. Dans notre club omnisport, nous sommes passés de 2.200 à 3.200 licenciés ", s'est réjoui Philippe Rio.

Écosystème sociosportif 

Dès lors, tout a changé, tant au sein des clubs que dans la ville. "Les clubs ont évolué, des gens assignés à résidence font des voyages, des tournois à l'autre bout de la France qui sont autant de moment de découverte assez exceptionnels, a expliqué le maire de Grigny. L'éducateur devient alors un repère extrêmement puissant, s'il est bien formé, évidemment." Parmi les effets de cette politique en faveur des clubs, la ville a constaté un engouement de la part des filles. "Nous avons enregistré une hausse de 40% chez elles, a souligné Philippe Rio. Alors que dans les familles populaires de quatre ou cinq enfants, on fait des choix, ça se porte généralement sur le garçon et le football, et l'autre garçon et la boxe, et si la fille a envie de faire, elle ne fait pas. Je caricature, mais pas trop…" Aujourd'hui, un club de basket de la ville compte 50% de filles, et même 80% pour le handball.

Mais ce succès ne s'est pas arrêté aux frontières du sport. Au quotidien, beaucoup de clubs font désormais de l'accompagnement scolaire. Plus globalement, le maire a confié que c'est "le climat social" tout entier qui a changé dans sa commune en à peine cinq à six ans. "Dans un département qui totalise 25% des rixes liées à des matchs de football en France, le président du district de l'Essonne a déclaré dans Le Parisien que son seul espoir était Grigny. Là où, il y a quinze ans, on ne pouvait rien faire, aujourd'hui on y organise des tournois, on sert de modèle", a encore confessé Philippe Rio.

Pour une stratégie de développement sportif 

Après ce panégyrique, le maire de Grigny s'est adressé aux représentants de la Caisse des Dépôts : "Vous aimez les écosystèmes et l'innovation. Chez nous, on commence à avoir un écosystème extrêmement important qui permet de voir tout l'impact éducatif et social du sport." Et l'élu d'y aller de son vœu : "Que la Caisse des Dépôts soit la banque de la performance sociale du sport", a-t-il lancé, s'appuyant sur l'exemple de grandes banques françaises qui accompagnent certains sports en particulier – à l'image du logo qui orne le Maillot Jaune du Tour de France ou de celui qu'on peut lire sur les bâches des courts de Roland-Garros. "Comme vous êtes le financeur des territoires, c'est-à-dire des équipements, de l'urbanité sportive [sic], des réhabilitations, et comme vous faites aussi de l'ingénierie sur nos territoires, imposez que chaque territoire ait un plan et une stratégie de développement sportif !", a-t-il poursuivi. Et quand autour de lui, on suggère d'établir des critères sociaux pour les financements, Philippe Rio approuve.

Ce riche après-midi de débats autour du sport fut également l'occasion d'évoquer des solutions trouvées à Châteauroux pour la gestion de l'eau dans les installations sportives, ou à Strasbourg en matière de sport-santé, mais encore de s'interroger sur l'accessibilité des équipements ou sur un modèle sportif basé sur la compétition alors que la création des grandes régions en 2015 a conduit à démultiplier chaque week-end les déplacements des amateurs… autant de thèmes essentiels sur lesquels les acteurs concernés auront à cœur de revenir dans un futur proche.