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Fonction publique - Heures sup : les territoriaux vont-ils y gagner ?

La défiscalisation des heures supplémentaires profitera bien au secteur public. Mais cette mesure seule peut-elle améliorer le pouvoir d'achat des agents ? Pas sûr, car il faudrait pour cela modifier le régime des heures supplémentaires en vigueur dans la fonction publique. Pour l'instant, la question n'a pas été évoquée.

Comme le secteur privé, la fonction publique sera bien concernée par les mesures de défiscalisation des heures supplémentaires prévues par le projet de loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat. Mais elle le sera selon des modalités d'application "adaptées," indique le communiqué de presse du Conseil des ministres du 20 juin. Le dispositif s'adressera à tous les agents publics, qu'ils soient titulaires ou non, à temps plein ou à temps partiel, et inclura les assistants maternels.
Une partie du voile est donc levée sur les intentions du gouvernement, mais beaucoup de questions restent encore en suspens. Pour y voir plus clair en ce qui concerne la fonction publique, il faudra attendre la parution d'un décret dont la date n'a pas été précisée. Le gouvernement modifiera-t-il le régime des heures supplémentaires dans la fonction publique, qui est actuellement régi par deux décrets du 14 janvier 2002 ? C'est finalement la question prédominante.
Selon ces textes (lire encadré ci-dessous), les heures supplémentaires des agents de catégorie C (lesquels représentent 78% des agents territoriaux) et d'une partie des agents de catégorie B font "en principe" l'objet d'une compensation en temps et ne sont indemnisées qu'"à défaut". Et l'agent n'a pas son mot à dire. En effet, le choix de rémunérer les heures supplémentaires ou d'attribuer un repos compensateur ne relève en principe que de l'autorité territoriale.
Le plus souvent, ce sont des considérations d'ordre pratique qui interviennent dans la décision de celle-ci. "Nous attribuons un repos compensateur aux services dont les activités peuvent être planifiées longtemps à l'avance, témoigne le DRH d'une ville de 30.000 habitants. Nous mettons le personnel au repos sur les périodes où l'activité est la plus faible. C'est par exemple le cas des agents des écoles qui récupèrent pendant les vacances scolaires. Pour le personnel dont nous n'arrivons pas à planifier l'activité, les heures supplémentaires sont rémunérées."

 

Revenir sur le dispositif réglementaire de 2002

Le bilan du dispositif actuel est mitigé. "Bien des agents se satisfont d'obtenir des jours de repos, car en gagnant plus, ils paieraient plus d'impôts et dépasseraient les barèmes des prestations de la CAF", déclare une militante CFDT employée au conseil général de l'Ain. L'exonération d'impôt sur le revenu pour les heures supplémentaires pourrait évidemment amener ces agents à changer d'avis. Mais en l'état actuel des choses, la mesure ne profiterait en fait qu'à la faible minorité des agents dont les heures supplémentaires sont rémunérées. Une situation injuste, estime la CFTC.
"Nos adhérents souhaitent pouvoir choisir de récupérer ou d'être rémunérés pour leurs heures supplémentaires",  déclare Alain Melcus, secrétaire régional CFTC Picardie pour la fonction publique territoriale. Ce qui impliquerait, donc, de revenir sur le dispositif réglementaire de 2002 pour laisser à l'agent et non plus à la collectivité le choix concernant la nature de la contrepartie des heures supplémentaires.
Dans tous les cas, les employeurs territoriaux vont être très attentifs aux décisions gouvernementales, qui seront sans doute loin d'être neutres financièrement. Et pour les DRH, ce dossier des heures supplémentaires semble des plus sensibles. La question de leur décompte pourrait resurgir avec, en toile de fond, le risque éventuel d'une dégradation du climat social. La représentante CFDT du conseil général de l'Ain redoute ainsi que les heures supplémentaires ne soient tout simplement pas reconnues par la collectivité et donc pas payées. "Aujourd'hui par exemple, la direction dit aux travailleurs sociaux qu'ils ne savent pas gérer leur agenda !", fait remarquer la syndicaliste, qui craint que ce type d'arguments ne perdure.

Thomas Beurey / Projets publics

 

L'indemnisation des travaux supplémentaires : que disent précisément les textes aujourd'hui ?

Le régime des heures supplémentaires effectuées par les fonctionnaires territoriaux diffère selon le grade des agents.
Ainsi, les agents de catégorie A et les agents de catégorie B dont l'indice brut de rémunération est supérieur à 380 peuvent se voir attribuer, en fonction du supplément de travail fourni et de l'importance des sujétions auxquels ils sont appelés à faire face dans l'exercice effectif de leurs fonctions, une indemnité forfaitaire pour travaux supplémentaires (IFTS). Celle-ci est régie par le décret 2002-63 du 14 janvier 2002 relatif à l'indemnité forfaitaire pour travaux supplémentaires des services déconcentrés. Les agents sont classés, en raison de leur grade, dans trois catégories fixées par l'arrêté du 14 janvier 2002 et à chaque catégorie correspond un montant moyen annuel fixé par arrêté ministériel. L'attribution individuelle de l'indemnité forfaitaire ne peut excéder 8 fois ce montant.
Les agents de catégorie C et les agents de catégorie B titulaires d'un indice brut au plus égal à 380 peuvent quant à eux percevoir des indemnités horaires pour travaux supplémentaires (IHTS), régies par le décret 2002-60 du 14 janvier 2002. Selon ce décret, "sont considérées comme heures supplémentaires les heures effectuées à la demande du chef de service dès qu'il y a dépassement des bornes horaires définies par le cycle de travail".

Sauf circonstances exceptionnelles, le nombre d'heures supplémentaires ne peut dépasser un contingent de 25 heures par mois. En principe, les heures supplémentaires font l'objet d'une compensation. A défaut, elles sont indemnisées. Le choix de rémunérer les heures supplémentaires ou d'attribuer un repos compensateur est bien à la discrétion de l'autorité territoriale, en sachant qu'une même heure supplémentaire ne peut donner lieu à la fois à un repos compensateur et à une indemnisation.
La rémunération des heures supplémentaires se fait selon le mode de calcul suivant : le taux horaire est déterminé en prenant pour base exclusive le montant du traitement brut annuel de l'agent concerné au moment de l'exécution des travaux, augmenté, le cas échéant, de l'indemnité de résidence. Le montant ainsi obtenu est divisé par 1.820. Cette rémunération horaire est multipliée par 1,07 pour les quatorze premières heures supplémentaires et par 1,27 pour les heures suivantes. En outre, l'heure supplémentaire est majorée de 100% lorsqu'elle est effectuée de nuit, et des deux tiers lorsqu'elle est effectuée un dimanche ou un jour férié.
A noter toutefois que le versement des indemnités horaires pour travaux supplémentaires est subordonné à la mise en oeuvre par l'employeur de moyens de contrôle automatisé permettant de comptabiliser de façon exacte les heures supplémentaires accomplies par les agents. Un décompte déclaratif peut cependant être mis en place pour les personnels exerçant leur activité hors de leurs locaux de rattachement ou pour les sites dont l'effectif des agents susceptibles de percevoir des IFTS est inférieur à dix.

Isabelle Beguin, avocat / Cabinet de Castelnau


Exonérations d'impôt et de cotisations sociales

Aux termes de l'article 79 du CGI, "les traitements, indemnités, émoluments, salaires, pensions et rentes viagères concourent à la formation du revenu global servant de base à l'impôt sur le revenu". Si l'article 81 du même code fixe la liste des indemnités affranchies de l'impôt sur le revenu, force est de constater que les IHTS n'en font pas partie. Elles sont donc bien imposables.
Le projet de loi viendra donc insérer un article 81 ter dans le CGI. Cet article prévoit que seront exonérés d'impôt sur le revenu les éléments de rémunérations versées aux agents publics au titre des heures supplémentaires qu'ils réalisent. Sont donc bien visées les IHTS. La loi renvoie toutefois à un décret d'application le soin de déterminer les modalités de cette exonération.
Le projet de loi prévoit aussi de modifier le Code de la sécurité sociale afin que les heures supplémentaires ouvrent droit à une réduction de cotisations salariales de sécurité sociale proportionnelle à la rémunération de l'intéressé. Ce dispositif sera également applicable aux fonctionnaires dans la mesure où l'article L.241-14-I du Code de la sécurité sociale serait ainsi rédigé : "Ces dispositions sont applicables aux heures supplémentaires ou complémentaires effectuées par les salariés relevant des régimes spéciaux mentionnés à l'article L.711-1 dans des conditions fixées par décret compte tenu du niveau des cotisations dont sont redevables les personnes relevant de ces régimes et dans la limite mentionnée au premier alinéa." Or, en vertu de l'article R.711-1 du Code de la sécurité sociale, les fonctionnaires territoriaux sont soumis à un régime spécial de sécurité sociale (décret 60-58 du 11 janvier 1960 relatif au régime de sécurité sociale des agents permanents des départements, des communes et de leurs établissements publics n'ayant pas le caractère industriel ou commercial).

I. B.


 

 

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