Haute fonction publique : un arsenal pour l'égalité entre les femmes et les hommes

Adoptée définitivement au début du mois, la loi "visant à renforcer l'accès des femmes aux responsabilités dans la fonction publique" est parue ce 20 juillet au Journal officiel. Le texte d'origine sénatoriale entend donner une nouvelle impulsion à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes au sein de l'encadrement supérieur et dirigeant de la fonction publique, un peu plus de dix ans après la loi "Sauvadet". Renforcement des nominations équilibrées, instauration d'un taux minimum de 40% de personnes de chaque sexe présentes dans les postes à responsabilité, introduction d'un index de l'égalité professionnelle… Revue de détail des nouvelles mesures, qui, après une entrée en vigueur échelonnée, devraient faire évoluer les choses.

Première grande mesure inscrite dans la loi : les "primo-nominations" dans les emplois supérieurs et de direction de la fonction publique devront concerner 50% de personnes de chaque sexe, et non plus "au moins 40%", quota fixé par la loi Sauvadet de mars 2012. Les régions, les départements, les communes de plus de 40.000 habitants, les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) dépassant également ce seuil de population, seront soumis à cette exigence, à compter du prochain renouvellement général de leurs assemblées délibérantes respectives (article 2). Le relèvement du seuil concernera aussi le Centre national de la fonction publique territoriale.

Le périmètre du dispositif des primo-nominations ne change pas pour la fonction publique territoriale. Et pour l'ensemble de la fonction publique, il ne concernera, comme actuellement, ni "les renouvellements dans un même emploi", ni "les nominations dans un même type d’emploi".

Autre mesure essentielle contenue dans la loi : une obligation complémentaire est créée sur "le stock" des agents occupant les emplois supérieurs et de direction de la fonction publique (article 7), afin de garantir une féminisation réelle et durable de ces fonctions. Le dispositif, qui s'appliquera à partir du 1er janvier 2027, prévoit que "la proportion de personnes de même sexe parmi les personnes" exerçant ces emplois, ne pourra être inférieure à 40%.

Lorsque l'employeur ne sera pas en règle avec ce taux, il disposera d'un délai de trois ans pour rattraper son retard. Il devra alors publier, "au bout d'un an", des "objectifs de progression et les mesures de correction retenues". Si, à l'expiration du délai de trois années, sa situation n'est toujours pas conforme à la loi, l'employeur se verra appliquer une pénalité financière. Le montant de cette pénalité, qui ne pourra excéder "1% de la rémunération brute annuelle globale de l'ensemble des personnels", sera fixé "en tenant compte de la situation initiale", "des efforts constatés", ainsi que des "motifs du non-respect" de l'obligation. "Au plus tard trois mois" après qu'elle aura été prononcée, la pénalité fera l'objet d'une "publication sur le site internet du ministère chargé de la Fonction publique".

Il n'existera pas de double peine : un employeur sanctionné pour non-respect du taux de 40% sur le "stock" ne pourra pas être également sanctionné pour non-respect du taux de 50% prévu pour les "primo-nominations".
 

Dernière mesure phare de la loi : l'index de l'égalité professionnelle - qui s'applique depuis 2019 aux entreprises d'au moins 50 salariés - va être étendu aux employeurs publics d'au moins 50 agents (article 9). Mais dans le secteur public local, ce seuil sera cumulé à d'autres critères. Seront ainsi dotés de cet outil : les régions, les départements, les communes de plus de 40.000 habitants, les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) dépassant également ce seuil et le CNFPT.

"Au plus tard le 30 septembre 2024", ces collectivités et groupements devront publier, "chaque année, sur leur site internet, les indicateurs relatifs aux écarts de rémunération entre les femmes et les hommes ainsi qu'aux actions mises en œuvre pour les supprimer". Par ailleurs, ces données devront être présentées "chaque année" à leur assemblée délibérante.

Cet index n'aura pas qu'une valeur indicative. En effet, lorsque les résultats obtenus en termes d'écarts de rémunération entre les femmes et les hommes seront "inférieurs à une cible définie par décret", des "objectifs de progression" seront "fixés et publiés". L'employeur disposera d'un délai de trois ans pour rattraper son retard. Si, au terme de ce délai, il échoue à se mettre en conformité, il se verra appliquer une pénalité financière (au maximum 1% de la rémunération brute annuelle globale de l'ensemble des personnels).

L'index va aussi concerner les écarts de représentation entre les femmes et les hommes dans les emplois supérieurs et de direction. A ce titre, comme les autres employeurs du secteur public, ceux de la fonction publique territoriale devront publier, chaque année, "le nombre de femmes et d'hommes nommés" dans les emplois soumis à l'obligation de primo-nominations (article 3), ainsi que "la répartition entre les femmes et les hommes dans ces emplois" (article 8). Il est précisé que l'obligation de publication des données sur la répartition entre les femmes et les hommes dans les emplois supérieurs et de direction entrera en vigueur le 1er janvier 2027.

En cas de non-respect de l'obligation de publication, une collectivité devra s'acquitter d'une contribution forfaitaire. Mais, un employeur qui s'acquittera d'une pénalité pour non-respect de l'obligation de publication des écarts de rémunération ne pourra pas, en même temps, être sanctionné s'il n'élabore pas de plan pluriannuel en faveur de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.

L'ensemble des données de l'index égalité professionnelle seront rendues publiques sur le site internet du ministère chargé de la Fonction publique.
 

La loi prévoit encore (à l'article 10) un élargissement de l'obligation pour les collectivités et intercommunalités les plus grandes de publier, chaque année, sur leur site internet, la somme des dix rémunérations les plus élevées des agents qu'elles emploient, et de préciser le nombre de femmes et d’hommes qui en bénéficient. Cette obligation issue de la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique, concerne désormais les régions, les départements, ainsi que les communes et les intercommunalités à fiscalité propre de plus de 40.000 habitants (au lieu de 80.000 habitants). Cette modification répond à un souci d'harmonisation. Ainsi, le seuil de l'obligation de publication des dix plus hautes rémunérations est identique à celui à partir duquel s’appliquent les obligations de nominations équilibrées et de publication de l’index égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.

Une autre disposition de la loi concerne une "dispense", que la loi de transformation de la fonction publique avait instaurée au bénéfice des employeurs publics qui ne respectent pas l'obligation de nominations équilibrées, mais dont les emplois assujettis à cette obligation sont occupés par au moins 40% de personnes de chaque sexe. Ces employeurs étaient dispensés de pénalités financières (en règle générale, 90.000 euros par unité manquante, montant abaissé à 50.000 euros pour les communes ou les intercommunalités dont la taille est comprise entre 40.000 et 80.000 habitants). La suppression de cette dispense interviendra le 1er janvier 2027 (article 1).

Retenons encore que les articles 5 et 6 de la loi étendent le principe d'égal accès des femmes et des hommes à l'ensemble des plus hautes fonctions des juridictions financières (Cour des comptes, chambres régionales des comptes), et de la justice administrative (Conseil d'Etat, tribunaux administratifs, cours administratives d'appel).

Référence : Loi n°2023-623 du 19 juillet 2023 visant à renforcer l'accès des femmes aux responsabilités dans la fonction publique.
 

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