Biodiversité - Grand hamster d'Alsace : la France condamnée par la justice européenne
Dans un arrêt rendu ce 9 juin, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a condamné la France pour ne pas avoir pris de mesures suffisantes pour protéger le grand hamster d'Alsace, un rongeur qui fait partie des mammifères les plus menacés d'Europe. La Commission européenne avait introduit en septembre 2009 un recours en manquement devant la CJUE pour non respect de la directive Habitats qui impose aux Etats membres de "prendre des mesures pour instaurer un système de protection stricte des espèces animales 'd'intérêt communautaire' dont le grand hamster". En France, l'espèce, uniquement présente dans le Bas-Rhin, notamment autour de Strasbourg, est menacée d'extinction en raison de l'urbanisation et de l'évolution des pratiques agricoles qui perturbent les sites de reproduction et de repos, a soutenu la Commission. Selon Bruxelles, le nombre de terriers (chaque terrier correspondant à un animal) de grands hamsters recensés est passé de 1.167 en 2001 à un chiffre variant entre 161 et 174 en 2007. Or, leur seuil de viabilité est estimé à 1.500 individus répartis sur une zone de sols favorables de 600 hectares d'un seul tenant.
"La France reconnaît que le développement de la culture du maïs a été néfaste pour le grand hamster", a constaté la CJUE, ce "développement n'ayant pas été complètement enrayé en Alsace". L'État français avait mis en place trois zones d'action prioritaire (ZAP) dans lesquelles "tous les changements d'utilisation des sols autres que ceux liés à l'agriculture ont été abandonnés – et pour lesquelles un objectif de 22% de cultures favorables au grand hamster, soit 2 % de luzerne et 20% de céréales à paille a été fixé pour atteindre à terme une population viable de 1.200 à 1.500 spécimens par zone". Malgré ces mesures "de nature à orienter les pratiques agricoles dans un sens favorable à cette espèce […], il s'avère qu'en 2008, cet objectif de 22% de cultures favorables à cette espèce n'avait été atteint que dans l'une des trois ZAP, lesquelles ne représentent d'ailleurs que 2% de l'ensemble des terres favorables au grand hamster en Alsace", a observé la CJUE.
Quant à l'urbanisation, la CJUE a relevé que "l'interdiction de toute nouvelle urbanisation dans les ZAP, à supposer même qu'elle revête un caractère réellement contraignant, ne concernait que 2% des terres favorables au grand hamster". Dans "l'aire de reconquête", correspondant à 49% des terres favorables historiquement utilisées par le grand hamster, la CJUE a rappelé que "tout projet d'urbanisation égal ou supérieur à un hectare devait faire la preuve de son innocuité sur cette espèce par une étude scientifique et ne pouvait, si cette preuve n'était pas apportée, être réalisé qu'au bénéfice d'une dérogation ministérielle". Or "les conditions d'octroi d'une dérogation n'étaient pas déterminées avec précision" et "aucune mesure de compensation n'était établie si une telle dérogation était accordée". Enfin, "les projets d'urbanisation, d'une surface inférieure à un hectare n'étaient soumis, au 5 août 2008, à aucune formalité permettant de vérifier l'absence d'impact sur la conservation du grand hamster".
Par contre, la Cour a rejeté dans son arrêt "le grief de la Commission concernant le prétendu caractère insuffisant du programme d'action pour les années 2008-2010 portant sur la limitation de la pollution par les nitrates", Bruxelles n'ayant pas démontré "l'existence d'un lien entre l'utilisation des nitrates en agriculture" et le déclin du grand hamster.