Déchets - Fusion des filières emballages ménagers et papiers : le Sénat vote le maintien de la presse dans le giron de la REP
Favorable à la fusion des filières à responsabilité élargie des producteurs (REP) d’emballages ménagers et des producteurs de papier, le Sénat, qui vient à son tour de voter la proposition de loi du groupe Renaissance en ce sens, a choisi d’en rétablir l’intégralité en réintégrant la presse en son sein afin de protéger le service public de gestion des déchets. À la veille de la réunion de la commission mixte paritaire, prévue ce 30 mars, Amorce, le Cercle national du recyclage et Intercommunalités de France appellent à conserver cette option dans le texte final.
Le Sénat a adopté à une large majorité (par 214 voix pour, 37 contre et 91 abstentions), le 21 mars, une version de la proposition de loi sur la fusion des filières à responsabilité élargie des producteurs (REP) d’emballages ménagers et des producteurs de papier sensiblement différente de celle votée en première lecture, le 31 janvier, par l’Assemblée nationale (voir notre article du 3 février 2023). S’il approuve le principe de fusion des deux filières du bac jaune, qui pourrait être "source de simplification et de synergies", il s’est ainsi montré beaucoup plus critique envers le second volet du texte, tendant à exclure de la filière papier le secteur de la presse de façon à l’exonérer du paiement de sa contribution financière (de l’ordre de 22 à 26 millions d'euros en 2023) tout en maintenant le système existant de contribution en nature (mise à disposition d’encarts publicitaires) par le biais d’une convention de partenariat.
La Chambre haute y voit "un dangereux précédent susceptible d’affaiblir l’ensemble des REP : d’autres secteurs pourraient à l’exemple de ce premier régime d’exception demander des aménagements et des exonérations pour l’avenir, au détriment des collectivités territoriales et de la protection de l’environnement". Devant la levée de bouclier des collectivités, relayées par Amorce, le Cercle national du recyclage et Intercommunalités de France, le Sénat a donc opté pour le maintien de la presse dans le giron de la REP, sur proposition de Marta de Cidrac, rapporteure au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable.
Des modulations sous forme de primes…
La solution proposée par le Sénat se veut plus équilibrée, en "conciliant de manière plus satisfaisante protection du service public de gestion des déchets et préservation du secteur de la presse". Concrètement, elle prévoit d’appliquer des éco-modulations sous forme de primes accordées par les éco-organismes pour les produits assujettis à la nouvelle REP fusionnée, qui contribueront à informer le public sur la prévention et la gestion des déchets, en particulier sur le geste de tri, notamment par la mise à disposition gratuite d'encarts d'information, et sous réserve du respect de critères de performance environnementale.
Amorce, le Cercle national du recyclage et Intercommunalités de France, appellent dans un communiqué à conserver ce "compromis" dans le texte final. "C’est indispensable pour ne pas dégrader le principe des filières REP, les conditions d’exercice du service public de gestion des déchets, et pour ne pas alourdir les coûts générés pour les collectivités et les contribuables locaux, tout en préservant le secteur de la presse", insistent-elles. Les trois associations alertent "sur l’impact financier qu’une telle exonération de la presse aurait sur le service public de gestion des déchets, alors même qu’à partir du 1er janvier 2023, grâce à la loi Agec, les collectivités auraient dû bénéficier des contributions de ces entreprises pour gérer les déchets générés".
Le texte adopté au Sénat, s’il permet des éco-modulations au bénéfice des metteurs en marché, "ne devrait pas conduire à réduire les financements perçus par les collectivités de la part de l’éco-organisme", relèvent-elles. Ce dispositif aurait en effet l’avantage d’être financièrement "neutre" pour le service public de gestion des déchets, car les primes versées devraient être compensées par la filière REP, soit via le renforcement des pénalités sur d'autres critères, soit via une augmentation de la contribution de base.
… conditionnées à des critères de performance environnementale
Il offrirait par ailleurs des garanties environnementales, en conditionnant l'octroi des primes à l'atteinte de critères de performance environnementale fixés par décret. "Il paraît essentiel d’associer étroitement les élus des intercommunalités, qui ont la charge de la gestion des déchets" à la définition des modalités précises de ces nouvelles éco-modulations, souligne le communiqué commun aux trois associations.
En séance, les sénateurs ont de leur côté fait le service minimum en adoptant un amendement visant à mieux cerner la nature des critères de performance, en particulier pour les publications de presse, de façon à assurer que leur niveau d’exigence soit aussi élevé que ceux prévus dans la loi Agec et dans le décret d’application antérieur (n°2020-1725 du 29 décembre 2020). Parmi ces critères figurent "l’écoconception, l’incorporation de matière recyclée et l’élimination de substances susceptibles de limiter la recyclabilité ou l’incorporation de matières recyclées". La remise d’un rapport au Parlement - dans un délai de trois ans à compter de la promulgation de la loi - évaluant les impacts de la modulation des contributions financières est également introduite. Notons enfin que le Sénat a supprimé (en commission) le principe de non-mutualisation des coûts entre les filières posé par les députés.