Pouvoirs locaux - François Hollande : des dotations bonifiées pour encourager les fusions ?
"Les dotations de l'Etat varieront selon les regroupements qui seront faits." Telle serait sans doute la phrase à retenir, sur le chapitre purement collectivités locales, de l'allocution de François Hollande le 14 janvier en ouverture de sa conférence de presse. C'est en tout cas la nouveauté qu'on aura pu y déceler. Car pour le reste, s'il a apporté certaines précisions sur ce qu'il attend des prochains projets de loi de décentralisation, on n'aura pas entendu d'annonce particulière. A ce titre, le nombre et la teneur des réactions suscitées peuvent d'ailleurs surprendre. Tel le communiqué de l'Association des régions de France (ARF) estimant que "le président de la République a annoncé une grande réforme structurelle de notre organisation territoriale qui marque son engagement en faveur d'un véritable Acte III de décentralisation".
Le chef de l'Etat a redit que, dans un souci de réduction de la dépense publique, "notre organisation territoriale devra être revue" et a rappelé que la première loi Lebranchu "a créé 13 grandes métropoles", ce qui constitue "une première étape", "un grand progrès" : "Ces métropoles seront une source d'attractivité pour notre territoire, une source également de localisation d'investissements. Les métropoles sont maintenant à taille nécessairement européenne et parfois même mondiale", s'est-il félicité.
S'agissant de l'étape suivante, prévue "en 2014", François Hollande a réinsisté sur quelques principes bien connus, dont celui d'en "terminer avec les enchevêtrements, les doublons et les confusions" : "Une clarification stricte des compétences entre collectivités sera introduite", a-t-il assuré à l'heure où la loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles, en attente de promulgation, réintroduit la clause de compétence générale des régions et des départements (article 1er).
S'agissant des régions, celles-ci "se verront confier, dans une prochaine loi de décentralisation, de nouvelles responsabilités et seront même dotées d'un pouvoir réglementaire local d'adaptation". Ce pouvoir réglementaire ne figure pour le moment pas dans le deuxième projet de loi (jusqu'ici intitulé "de mobilisation des régions pour la croissance et l'emploi et de promotion de l'égalité des territoires") mais il en a déjà été question, y compris tout récemment. A l'occasion de la signature du pacte d'avenir pour la Bretagne début décembre, Jean-Marc Ayrault avait en effet précisé que ce texte serait retravaillé pour être présenté en avril au Parlement et avait entre autres proposé d'accorder un pouvoir réglementaire local pour "adapter les règles aux spécificités des territoires".
Autre point : les éventuelles fusions de collectivités. "Les collectivités seront incitées et invitées à se rapprocher. Les régions, d'abord, dont le nombre peut aussi évoluer. Il n'y a pas de raison à ce qu'il soit le même dans quelques années, par rapport à aujourd'hui", a lancé François Hollande. Ce propos a été tout de suite très commenté. On rappellera toutefois que les dispositions relatives à la possibilité de fusionner deux régions contiguës figurent bien dans le projet de loi adopté en décembre. Mais il est vrai que le président de la République ne s'était jusqu'ici guère fait le chantre de la fameuse idée de grandes régions chère par exemple à Jean-Pierre Raffarin.
Le député PS Thierry Mandon - invité à s'exprimer le lendemain matin sur RMC notamment en tant que futur codirigeant du conseil de la simplification voulu par le chef de l'Etat - a précisé : "Dans l'idée, c'est une quinzaine" de régions. "C'est sept de moins, cela fait quand même 30% de régions en moins", a-t-il ajouté. Quelques heures plus tard, Alain Rousset, le président de l'ARF, déclarait pour sa part à l'AFP : "Ce n'est pas l'essentiel. Quand on fait des comparaisons avec les voisins européens, on voit que le problème, ce sont les compétences et les moyens." Selon lui, faire moins de régions est "une vieille idée technocratique. Le problème, c'est la puissance de feu, pas la taille".
Evoquant ensuite les départements, François Hollande a déclaré que "ceux qui sont situés dans les grandes aires métropolitaines devront redéfinir leur avenir". Là encore, pas de quoi s'affoler, sachant qu'il se base sur le modèle bientôt inscrit dans la loi pour la métropole lyonnaise avec le transfert des compétences du conseil général du Rhône sur le territoire métropolitain.
Est venue, enfin, la précision concernant une possible modulation des dotations : "Pour les accompagner, il y aura des incitations puissantes qui seront introduites. Les dotations de l'Etat varieront selon les regroupements qui seront faits." La logique, en somme, qui a à peu près toujours prévalu lorsqu'il s'agit des regroupements intercommunaux ?
Le ministre en charge du Budget, Bernard Cazeneuve, en a dit un peu plus mercredi : "Dans la perspective de l'élaboration du budget 2015, il faut, en liaison avec les grandes associations d'élus, avec le ministère des Collectivités locales et de la Réforme de l'Etat, que nous engagions la réflexion", a-t-il indiqué sur I-Télé. Et Bernard Cazeneuve de poursuivre : il faut "que les collectivités locales qui s'apprêtent à fusionner bénéficient d'un bonus et que celles qui refusent de mutualiser leurs moyens de fonctionnement, qui refusent de se rassembler lorsque c'est nécessaire (...) aient moins de dotation que les autres. C'est simple". "Si, demain, les élus de Normandie - et je souhaite qu'ils le fassent, je me suis toujours battu pour cela - décident de fusionner la Haute et la Basse-Normandie, nous aurons de la mutualisation, nous aurons des économies de fonctionnement et nous aurons une région, la Normandie, qui pèsera davantage dans l'Union européenne." Présenté comme cela, en effet, c'est simple…
Claire Mallet
Le Pacte de responsabilité en quatre chantiers
François Hollande a dévoilé, mardi 14 janvier, les grandes lignes et le calendrier du "pacte de responsabilité" annoncé lors de ses voeux, le 31 décembre. Pacte qui, selon lui, "implique toutes les parties prenantes : l'Etat, les collectivités locales et, bien sûr, les partenaires sociaux", a-t-il déclaré, lors de sa conférence de presse. Il en détaillera le contenu le 21 janvier devant les acteurs économiques et sociaux.
Reposant sur le principe du donnant-donnant avec les entreprises, ce pacte passera par quatre chantiers. Le premier sera l'allègement du coût du travail avec la fin des cotisations familiales à compter de 2017 pour les entreprises et les travailleurs indépendants, soit un allègement de 30 milliards d'euros. Mais dès lors se pose la question de l'avenir du crédit impôt compétitivité emploi (Cice) qui correspond, en 2014, à 4% d'allègement de la masse salariale et à 6% l'année prochaine, soit un montant de 20 milliards d'euros. Interrogé par une journaliste, le président de la République a indiqué que le Cice serait transformé en baisse de cotisation à partir de 2016. Le nouvel allègement promis serait donc plutôt la soustraction des deux dispositifs, soit 10 milliards d'euros…
Le pacte se traduira ensuite en 2017 par une réforme de la fiscalité sur les sociétés et une diminution du nombre des taxes. "Un premier acte sera posé dès la loi de finances pour 2015", a déclaré le chef de l'Etat. Troisième chantier : la simplification des procédures dans la vie des entreprises, de la création à la cession. Un "conseil de simplification" confié au député socialiste Thierry Mandon et à un chef d'entreprise, Guillaume Poitrinal, passera au crible les dix "actes-clés" de la vie de l'entreprise, notamment l'accès aux marchés publics.
Enfin, après les cadeaux, les contreparties. "Elles porteront sur des objectifs chiffrés d'embauches, d'insertion des jeunes, de travail des seniors, de qualité de l'emploi, de formation, d'ouvertures de négociations sur les rémunérations et la modernisation du dialogue social", a précisé François Hollande. Un "observatoire des contreparties" sera installé.
M.T.