François Bayrou propose aux départements un "rendez-vous de la refondation"

Lors des voeux de Départements de France ce 22 janvier, le président de l'association, François Sauvadet, a surtout alerté sur la situation financière plus inquiétante que jamais de la majorité des départements. Présent à cette cérémonie, le Premier ministre a pour sa part plutôt parlé d'organisation territoriale et d'exercice des compétences.

"Refondation". Le terme rappelle évidemment le fameux Conseil national de la refondation (CNR) lancé en 2022 par Emmanuel Macron et dont François Bayrou avait été nommé secrétaire général. Aujourd'hui Premier ministre, celui-ci l'a remis au goût du jour en proposant aux présidents de département de se "mettre autour de la table" pour un "rendez-vous de la refondation". Refonder quoi ? En gros, la place du département notamment vis-à-vis de la région, la question des compétences, celle des moyens…

François Bayrou l'a dit ce mercredi 22 janvier en fin de journée devant les élus réunis pour la cérémonie de vœux de Départements de France, s'exprimant en réponse à l'allocution de François Sauvadet, le président de l'association, en présence de plusieurs ministres – François Rebasmen, Valérie Létard, Françoise Gatel… "C'est la première fois qu'un Premier ministre participe aux vœux de Départements de France", avait d'ailleurs noté François Sauvadet, y voyant "une marque de considération".

Haro sur les grandes régions

De la considération pour les départements, le chef du gouvernement n'en a pas manqué. Du moins n'a-t-il pas hésité à se montrer très départementaliste, en se prévalant naturellement du fait d'avoir lui-même été président de département, les Pyrénées-Atlantiques, pendant dix ans. "Je n'ai rien oublié de cela", a-t-il clamé, évoquant principalement un "lien" particulier entre département et citoyens. Selon lui, "la rupture entre la base et le prétendu sommet" qui marquerait aujourd'hui la société française et se serait notamment exprimée lors de l'épisode des Gilets jaunes montre qu'il y a "un chaînon manquant". Or le département peut "jouer ce rôle". Les départements "ont structuré la vision qu'ont les citoyens de l'architecture administrative du pays", y compris en termes d'"imaginaire". "L'effacement du département ne s'est pas réalisé" malgré "beaucoup de choix" venus "perturber" cet échelon territorial. A commencer par "le choix des grandes régions", que François Bayrou a beaucoup critiqué, considéré que ce choix n'avait pas, loin de là, généré d'économies. Et avait en revanche suscité des "pertes d'identité". "Est-ce que la situation de la région est celle qu'imaginaient ceux qui l'ont conçue ? Est-ce que les citoyens connaissent leurs conseillers régionaux ?" A ces deux questions, François Bayrou répond par la négative. Tout comme il s'interroge sur les très grandes communautés d'agglomération (à l'image de la sienne, celle de Pau Béarn Pyrénées) et les métropoles.

Sachant que François Sauvadet venait de décrire une situation financière intenable pour des départements plus que jamais pris en tenaille entre "explosion des dépenses sociales" et "chute drastique des ressources", le Premier ministre a considéré que "la crise est immense". "Cela ne peut plus durer comme ça", a-t-il déclaré, poursuivant : "La structure de notre Etat local [comprendre : de notre action publique locale, Ndlr] doit être profondément repensée, il n'y a aucune autre hypothèse."

"Remâcher" le rapport Woerth

C'est sur la base de ces constats personnels que François Bayrou a lancé cette idée de "rendez-vous de la refondation", qu'il semble a priori envisager comme une série de réunions à Matignon. On y parlerait notamment de "compétences". Avec, au passage, une "confidence" : "moi, je n'étais pas pour la suppression de la clause de compétence générale". Les choses auraient été "mal pensées". Selon celui qui est toujours maire de Pau, les élus doivent pouvoir "choisir" les projets jugés utiles à leur territoire. Et puis de toute façon, a-t-il lancé d'un air entendu au parterre d'élus départementaux, malgré la suppression de la clause, "vous vous arrangez tous pour vous immiscer dans la compétence économique".

Selon lui, c'est moins la "répartition des compétences" qui est en jeu que la capacité à "travailler ensemble", à mener "une stratégie partagée" entre les différents échelons d'un même territoire, à "tenir compte des projets des autres collectivités" de ce territoire. D'aucuns seront tentés de répondre que c'est bien déjà ce qui est à l'œuvre, certes avec plus ou moins de fluidité, à travers les divers schémas ou contrats territoriaux et, très concrètement, dès lors qu'interviennent des financements croisés. Serait-on à deux doigts de réinventer les conférences territoriales de l'action publique (CTAP) nées en 2014 avec la loi Maptam ?

Et quid de toutes les réflexions et productions récentes sur le sujet de l'exercice des compétences ? Les rapports ne manquent pas. Le Premier ministre a bien entendu parler du rapport Woerth mais, dit-il aux élus, "nous devons le remâcher à notre sauce, à notre expérience de terrain". Avec ces "rendez-vous", "relevons le défi ensemble", a exhorté François Bayrou. Et ce, "dans un délai suffisamment court pour ne pas être accusés de noyer le poisson". Quand précisément ? "Dès que le budget sera voté."

Nous ne pouvons pas supporter un nouvel effort

De budget et de finances, le François Bayrou en a peu parlé. Sauf pour redire la nécessité de réduire la dépense publique, et pour évoquer les innombrables appels – y compris de la part de ses ministres – à préserver les crédits de telle ou telle politique publique. Concernant les finances locales, il s'est simplement dit favorable à "davantage de liberté des collectivités dans la fixation de leurs ressources". Comprendre, sans doute, davantage d'autonomie fiscale.

François Sauvadet avait pourtant axé toute son intervention sur le sujet des finances : "Notre situation financière se dégrade extrêmement rapidement" et "nous conduit à remettre en cause certaines de nos politiques", "nous sommes assis sur un volcan", "il y a de la colère et de l'inquiétude". Tout ou presque avait déjà été dit en novembre dernier lors des Assises des départements (voir notre article).

"Oui nous devons tous endiguer la course folle de la dépense publique", mais l'effort demandé aux uns et aux autres doit être "juste, partagé et proportionné", a souligné le président de Départements de France. Certes, l'effort demandé aux collectivités a été réduit lors du passage du projet de loi de finances au Sénat mais même dans cette "dernière mouture", les départements "supportent 40% de cet effort". Le gel de la dynamique de la TVA notamment, sera pour eux particulièrement pénalisant. Et ce, alors qu'ils n'ont guère de marge de manœuvre sachant que les dépenses sociales, par définition peu pilotables, représenteraient 70% de leur budget.

Et l'élu de Côte d'Or de poursuivre : "Il faut arrêter de charger la barque des départements, elle coule. Nous ne pouvons pas supporter un nouvel effort, ou alors il faut que l'Etat nous dise ce que nous ne devons plus faire, et qu'il l'assume".

 

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