François Bayrou présente au Cese son "programme immédiat de gouvernement"
Dans un discours prononcé ce mardi 1er avril devant les membres du Conseil économique, social et environnemental (Cese), le Premier ministre a évoqué les "grands domaines de l'action publique" qu'il juge pour l'heure prioritaires. La question de l'accès aux soins y figure en bonne place, avec l'idée d'une forme de "régulation".

© Capture vidéo Cese/ François Bayrou
Éducation, accès aux soins, simplification et désendettement. Tels sont les quatre dossiers que le Premier ministre a évoqués ce mardi 1er avril au matin devant les membres du Conseil économique, social et environnemental (Cese), où il était venu "partager des orientations, des préoccupations" et exposer "non pas la grande fresque d'un programme de gouvernement tous azimuts mais une sorte de programme immédiat de gouvernement". Le tout dans un contexte qu'il a dépeint de façon sombre : "Depuis la guerre, il n'y a jamais eu pour un gouvernement une situation aussi difficile et aussi précaire que celle que nous connaissons aujourd'hui", a déclaré François Bayrou, en mettant entre autres l'accent sur "des décisions du gouvernement américain qui risquent de frapper l'ensemble de notre appareil productif, qu'il soit agricole, viticole, industriel, et même intellectuel".
"Nous avons un problème général d'organisation de chacun des domaines de notre action publique", affirme le chef du gouvernement. Mais parce qu'"il faudrait des années pour repenser et remettre en ordre les choses" et qu'il y a urgence, il s'agit aujourd'hui d'être dans "l'action immédiate" en commençant par quelques "domaines les plus identifiables". Il a indiqué avoir "réuni tous les ministres et tous les directeurs d'administration centrale, en y associant des responsables préfectoraux" pour leur demander d'"énoncer de la manière la plus simple et la plus compréhensible la totalité des missions dont ils ont la charge" – autant de "comptes-rendus" qui seront "transmis la semaine prochaine aux commissions parlementaires chargées de l'évaluation de l'action publique". Avec pour questionnements : "Est-ce que ces missions sont pertinentes, est-ce qu'elles suffisent, est-ce que ces missions sont remplies et est-ce que l'allocation des moyens est adéquate ?"
Éducation
Dans tous les cas, le gouvernement devra "s'attaquer à un plan d'urgence à quatre grands domaines de l'action publique". En commençant, donc, par l'éducation. François Bayrou dit se refuser à "une grande loi de réorganisation". Et a longuement expliqué pourquoi il a été décidé, avec Élisabeth Borne, de lancer "dès la rentrée prochaine" un "plan complet de reconquête de l'écrit" avec pratique de l'écriture et de la lecture "quotidiennement dans toutes les disciplines". Il a par ailleurs rappelé la récente annonce de sa ministre de l'Éducation concernant la formation initiale des enseignants, visant à "retrouver les principes qui faisaient la réussite des écoles normales" avec une "licence à vocation professionnelle".
Il s'est par ailleurs, comme il l'avait déjà fait lors de sa déclaration de politique générale, dit "très interrogatif sur Parcoursup", estimant que "l'orientation précoce" est "la plupart du temps une orientation sociale". "C'est parce que les parents connaissent la carte (des formations, NDLR), les codes et les débouchés possibles des formations, parce qu'ils savent à l'avance (...) que leurs enfants peuvent faire des choix. Mais qui en seconde et même en première et en terminale, peut dire qu'il est certain de ce qu'il veut faire plus tard ?", a-t-il lancé, affirmant vouloir "garantir à chacun qu'il pourra toujours" avoir "une chance supplémentaire". Et posant l'hypothèse d'une année de "préparation à l'entrée de l'université".
Santé
Autre "champ d'action d'urgence" : la santé. "Les difficultés de l'accès aux soins sont un cauchemar pour de très nombreux Français. En ville comme à la campagne, les déserts médicaux sont une réalité quotidienne et décourageante (…). Cette situation ne peut pas être acceptée", a longuement décrit François Bayrou. "Il faut (...) sortir de l'enlisement et de l'impasse. Il faut probablement une régulation, comme l'ont décidé, conscients de la difficulté, nombre de professions de santé", a-t-il affirmé, en citant le cas des chirurgiens-dentistes "qui ont décidé de prendre en main cet impératif".
Il a indiqué que le gouvernement était "attentif aux initiatives des parlementaires" en faisant allusion sans la citer à la proposition de loi transpartisane portée par le socialiste Guillaume Garot, qui vise à réguler l'installation des médecins en ville, en sollicitant l'aval de l'agence régionale de santé (ARS). La mesure-phare de ce texte a été rejetée en commission, mais ses initiateurs espèrent la réintroduire dans l'hémicycle. La proposition de loi, qui était inscrite à l'ordre du jour des débats ces 1er et 2 avril, pourrait pâtir d'un calendrier embouteillé. Mais la conférence des présidents a décidé mardi de poursuivre son examen si nécessaire la semaine du 5 mai.
Le gouvernement "est soucieux de construire une solution incluant l'ensemble des acteurs et donc un plan de solutions concrètes, qui tiendra compte des débats parlementaires, de leurs réussites ou de leurs difficultés, devra être présenté avant la fin de ce mois", a déclaré François Bayrou. "La première étape de ce plan doit être le repérage précis et complet des territoires en souffrance, une cartographie des devoirs de prise en charge (...) de nos compatriotes réduits à l'abandon dans ce domaine", a-t-il détaillé. À cet égard, le Premier ministre a dit qu'il allait "inviter toutes les parties prenantes, dès la semaine prochaine, avec les ministres concernés". "Je ferai tout pour que ces solutions soient adoptées. Si elles ne le sont pas, le gouvernement interviendra", a-t-il ajouté. Selon lui, "une partie de la solution passe par un maillage nouveau de notre territoire par les unités de formation médicale" car "c'est la concentration de la formation médicale dans les métropoles qui explique en partie la désertification médicale du reste du territoire".
Simplifier, désendetter, transporter, débattre
Troisième thématique : la simplification, dont on parle beaucoup à l'heure de l'examen du projet de loi de simplification de la vie économique. Là encore les constats sont connus… "Les Français n'en peuvent plus de la paperasse, de la bureaucratie, des normes qui n'ont pas d'utilité", a redit le Premier ministre. Son credo : "Il faut inverser la charge ; à l'administration de s'expliquer sur l'utilité des formulaires et de les remplir, puisqu'elle dispose de toutes les informations croisées sur chacun de nous, et aux usagers de contrôler dans un second temps le travail de l'administration." Selon lui, la mise en place réussi du prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu prouve que les réformes que l'on pensait "impossibles" peuvent être concrétisées.
Dernier enjeu… "le surendettement de la nation". "Mettre un terme au dérapage passé cela exige d'abord un suivi et une exécution rigoureuse du budget que nous avons eu tant de mal à voter pour 2025. Un plan d'action visant à améliorer les prévisions budgétaires et le pilotage des finances publiques a été présenté au début du mois de mars", a rappelé François Bayrou, qui entend "repenser tous nos budgets à partir des missions et de leur efficacité".
L'ancien haut-commissaire au plan a par ailleurs souhaité mettre l'accent sur "l'impératif d'aménager notre territoire de façon équilibrée" et a à ce titre évoqué "la question des transports" : "Notre réseau de transport doit assurer la liaison entre la capitale et la province, mais il y a aussi des liens à créer ou à recréer entre les provinces elles-mêmes, entre les lieux de vie et d'activité, de services publics, entre les villages et les villes moyennes. Si nous ne réussissons pas à développer de manière équilibrée notre réseau de transport, nous continuerons à renforcer la métropolisation sans fin de notre territoire. Sans un réseau de transport efficace et profond, il n'y aura pas de répartition équilibrée des activités économiques, donc pas de réindustrialisation, pas de distribution harmonieuse des opportunités d'emploi". Il a à ce titre rappelé la mise en place d'"Ambition France Transports", le nom donné à la conférence de financement des mobilités, que présidera Dominique Bussereau (voir notre article du 17 mars) et qui sera chargée de "définir un modèle soutenable de financement de nos infrastructures".
Le chef du gouvernement a, enfin, reparlé de son idée de "débat sur ce que signifie être Français", qui serait "mené à l'échelle du pays et des régions". Et a proposé au Cese de l'organiser, en tirant parti "de l'expertise qu'il a acquise grâce aux conventions citoyennes". Les conseils économiques sociaux et environnementaux régionaux (Ceser) – ceux-là même que l'actuel projet de loi de simplification propose de supprimer… (voir notre article du 28 mars) – pourraient à ce titre "être un puissant point d'appui pour qu'il se développe partout sur le territoire". Thierry Beaudet, le président du Cese, reste prudent face à cette proposition, jugeant que "ce débat sera utile à deux conditions" : "Ne pas être récupéré par une idéologie ou un calcul électoral, quels qu’ils soient. Et qu’il soit mis en rapport avec les premiers sujets de préoccupation des Français tels que la santé, l’éducation, l’accès aux services publics."