France Travail : les associations d'élus s'apprêtent à faire assaut d'amendements
Les associations d'élus affûtent leurs arguments en vue de l'examen du projet de loi sur le plein emploi qui débutera en séance au Sénat au cours de la première quinzaine de juillet.
A l'approche du débat parlementaire sur le projet de loi "pour le plein emploi", prévu pour la première quinzaine de juillet au Sénat, les associations d'élus aiguisent leurs propositions d'amendements. Les craintes esquissées depuis plusieurs semaines n'ont en effet pas été éteintes par la nouvelle version du texte présentée en conseil des ministres le 7 juin (voir notre article du 7 juin 2023). Transformé en opérateur "France Travail" à compter du 1er janvier 2024, Pôle emploi est mis au centre du jeu, quitte, comme l'ont déjà fait remarquer les régions, à entretenir une certaine confusion, puisque France Travail est aussi la dénomination du réseau qui rassemblera l’ensemble des acteurs et opérateurs du service public de l'emploi (missions locales, Cap emploi, IAE, maisons de l'emploi et Plie…).
Après avoir bataillé pendant des années pour piloter le service public régional de l'emploi, de l'orientation et de la formation, ce sont bien sûr les régions qui se trouvent les plus affectées, qualifiant une nouvelle fois le projet de "flou, régressif et recentralisateur". Elles y voient surtout une perte de leur compétence exclusive en matière de formation professionnelle des demandeurs d'emploi. Un point essentiel de la réforme, alors que pour atteindre le "plein emploi" (soit un taux de chômage de 5% en 2027), l'exécutif compte s'appuyer sur la formation des chômeurs, notamment dans les filières en tension, dans le droit fil du plan d'investissement dans les compétences (PIC) prolongé d'un an en 2023. Et ce, sur la base d'un conventionnement avec les régions.
"La formation est une compétence historique de la région"
Sans surprise, l'ensemble des associations d'élus font valoir que c'est au niveau local que se joue la bataille de l'emploi. "Les collectivités attendent une décentralisation claire et des transferts de compétences effectifs", a aussitôt réagi Carole Delga, présidente de l’association Régions de France et présidente PS de la région Occitanie. "La régionalisation des compétences de l’emploi et de la formation professionnelle est le seul moyen d’atteindre demain le plein-emploi", clame-t-elle, dans un communiqué du 7 juin.
Les régions proposent de garantir une coprésidence Etat-région au niveau local, avec la possibilité pour les régions qui le souhaitent de confier la coprésidence à une autre collectivité "selon accords ou usages locaux", comme le proposait le rapport Guilluy. Elles s'opposent ainsi à la signature d'une "charte d'engagements", condition sine qua non pour coprésider avec l'Etat le comité régional. Elles récusent aussi la possibilité pour l'opérateur France Travail de participer à la gouvernance. "L’action publique n’a rien à gagner dans la confusion des responsabilités", soulignent à cet égard François Bonneau, président de la commission Education-Orientation-Formation-Emploi de Régions de France, et David Margueritte, président délégué de la commission Formation-Emploi. "La formation est une compétence historique de la région, et ce serait un casus belli pour elles de ne pas exercer la coprésidence de France Travail au niveau local", mettent-ils en garde.
"L’emploi pour tous ne sera pas atteint sans une offre de proximité"
De leur côté, les maires de grandes villes et présidents de métropoles attendent surtout des "précisions". Selon France urbaine, les enjeux du plein emploi se jouent "à l'échelle locale". "L’emploi pour tous ne sera pas atteint sans une offre de proximité pour les personnes et les entreprises en matière de santé, de logement, de mobilité ou de vie familiale et en pensant sur chaque territoire les compétences d’aujourd’hui et les besoins de demain", proclame l'association dans un communiqué du 12 juin. Elle demande donc que la présence de chaque échelon du bloc communal, soit assurée à "chaque échelon de gouvernance". L'association formulera des propositions concrètes "dans les prochaines semaines".
Les missions locales, elles, peuvent respirer. Après avoir pris connaissance avec stupeur de la précédente version du texte (voir notre article du 17 mai 2023), elles s'en tirent à bon compte. Elles conservent leur compétence pleine et entière dans l'accompagnement et le placement des jeunes, et n'ont donc plus à craindre une "délégation" de l'opérateur France travail. Toutefois, l'Union nationale des missions locales (UNML) souhaite être "force de propositions" pour la partie réglementaire de la réforme et a d'ores et déjà lancé une concertation au sein de son réseau. Les maisons de l'emploi et les Plie, en revanche, s'inquiètent de ne pas figurer explicitement dans le projet de loi et s'en sont émus auprès de Thibaut Guilluy, le 7 juin. Ce dernier leur a confirmé que les Plie n'avaient "pas vocation à disparaître, ni à moyen, ni à long terme", relate leur tête de réseau Alliance villes emploi, dans un communiqué du 12 juin.
Se voyant confortés comme chef de file de l'insertion, les départements semblent plutôt satisfaits par l'esprit de la réforme et le nouvel accompagnement vers l'emploi des allocataires du RSA, même s'ils émettent quelques craintes sur l'automatisation des sanctions. Sans attendre le vote du projet de loi, le gouvernement a proposé aux départements et régions de prendre les devants. L'expérimentation dans les départements pilotes a commencé. Et - c'est peut-être un paradoxe vu la position de Régions de France - plusieurs régions ont entamé des discussions avec l'Etat. Les Pays de la Loire avaient ouvert le bal (voir notre article du 2 juin 2023). Et le 8 juin, Xavier Bertrand, le président des Hauts-de-France, signait à son tour un protocole avec le préfet de la région.