Formation professionnelle : une forte croissance mais de réelles disparités
En 2018, si le nombre de formations des salariés du privé a fortement augmenté, peu ont pour l'heure eu recours à leur compte personnel de formation. La part des cadres et des diplômés reste toujours élevée, révèlent deux études simultanées de la Dares et la Caisse des Dépôts présentées ce 19 février. Sachant que la formation a coûté 820 millions d’euros en 2018, la Caisse des Dépôts considère que le budget de 1 milliard d’euros prévu pour 2020 pourra être tenu.
La formation professionnelle se porte bien, selon les chiffres révélés par les deux études de la Dares (la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques) et de la Caisse des Dépôts présentées ce 19 février (en lien ci-dessous). Ainsi, en 2018, 383.000 formations ont été suivies par des salariés du privé, contre 272.000 en 2017, soit +41% en un an. Sur la période 2015-2018, le total s’élève à 900.000 formations. En revanche, la Dares constate une stabilisation du nombre de formations des demandeurs d’emploi (149.000, +4% en un an). Ces derniers sont toutefois plus nombreux à avoir mobilisé leur compte personnel de formation (2,1%) que les salariés du privé (1,7%). Sans réelle surprise, plus de la moitié des salariés du privé ayant mobilisé leur CPF en 2018 (57,7%) sont diplômés du supérieur alors que ces derniers ne représentent que 40,8% des salariés du privé.
La grande majorité des salariés du privé suit des formations courtes, de 88 heures en moyenne en 2018, contre 117 heures en 2015 (du fait de la réduction des cofinancements par les organismes paritaires collecteurs agréés / Opca au-delà des heures inscrites sur les CPF). Elles sont plus longues pour les demandeurs d’emploi (132 heures). Cependant, cette durée a quasiment été divisée par deux depuis 2015 (241 heures), du fait de la forte croissance des formations sans niveau spécifique visé, qui ont tendance à être plus courtes.
Langues vivantes, informatique et transports
Les études pointent également une concentration des formations sur très peu de secteurs. En effet, alors que près de 12.500 certifications sont proposées aux salariés dans le cadre du CPF, seules une partie d’entre elles sont mobilisées par les salariés du privé, qui suivent surtout des formations en langues vivantes (38,8%), en informatique (12,2%) et en transport (11,7%). Les demandeurs d’emploi suivent surtout des formations en transport, des formations généralistes et du domaine des échanges et de la gestion.
Alors que le coût moyen de formation s’élevait en 2018 à environ 2.400 euros, depuis la mise en œuvre de l’application "mon compte formation", la moyenne des coûts de formation estimée à février 2020 se situe à 2.150 euros. Des disparités importantes apparaissent selon les régions : l’Île-de-France, qui représente 30% des formations, présentait en 2018 le montant le plus élevé (2.977 euros) car y sont dispensées les formations les plus diplômantes et les plus longues. La Normandie présente le plus faible montant (1.881 euros).
55% des cofinancements proviennent des Opca
Du côté du financement, la majorité des formations ont été financées en 2018 par les heures acquises par les salariés (plus de 6 formations sur 10). "Les salariés participent de plus en plus au financement de leur formation, surtout quand elles sont courtes", constate la Dares. En 2018, seules 26,7% des entrées en formation de moins de 100 heures ont bénéficié d’un financement complémentaire, contre 74% des formations d’une durée égale ou supérieure à 100 heures. L’Opca (55% des cofinancements) est le financeur privilégié en cas de financement complémentaire, quand les employeurs contribuent à hauteur de 28,5% et les salariés eux-mêmes à 13,6%, soit +5 points depuis 2015. En revanche, les heures CPF sont insuffisantes pour suivre une formation lorsque l’on est demandeur d’emploi : plus de 7 formations sur 10 financées nécessitent un ou plusieurs abondements.
160 millions d’euros de crédits engagés en trois mois
Tout l’enjeu à l’avenir sera donc de savoir comment évoluera la part de l’abondement. À partir du mois d’avril, l’abondement sera possible par Pôle emploi, puis à l’été par les entreprises. "Nous faisons le pari que la part des entreprises va augmenter grâce au nouveau dispositif qui sera plus facile à utiliser, plus interactif et sécurisé", prévient Michel Yahiel. Le directeur des retraites et de la solidarité de la Caisse des Dépôts assure en outre que l’estimation de 1 milliard d’euros pour financer la formation en 2020 "devrait suffire". En 2018, la dépense de formation s’est élevée, selon la Caisse des Dépôts, à près de 820 millions d’euros, en augmentation de 51% en un an. Une hausse davantage portée par les volumes (40%) que les coûts (8%).
"Depuis le 21 novembre 2019, nous avons engagé 160 millions d’euros de crédits de formation, notre prévision pour 2020 ne s’écarte pas de cette trajectoire", a fait valoir Michel Yahiel. La Caisse des Dépôts, avec France compétences, suit de près la mission d’évaluation des dépenses de formation et de l’apprentissage confiée à l’Igas et l’IGF. "Nous ne sommes pas en mode alerte, ni sur le plan technologique, ni sur le plan financier", a assuré Michel Yahiel.
16% des salariés ont déclaré leur DIF
À fin octobre 2019, les 28 millions de salariés en emploi disposaient en moyenne de 1.040 euros sur leur compte CPF, DIF inclus. 16% des salariés ont déclaré leur DIF dans leur compte CPF. Ils peuvent le faire jusqu’à fin 2020. Le potentiel disponible en moyenne sur les comptes DIF s’élève à 1.125 euros, ce qui correspond à 84 heures par compte. En prenant en compte les estimations de DIF non déclarés, ce montant pourrait atteindre près de 2.000 euros. Pour de nombreux salariés, la difficulté consiste à retrouver le montant d’heures de DIF dont ils disposent. "Dans la plupart des cas, il figure sur la fiche de paie", a indiqué Michel Yahiel, directeur des retraites et de la solidarité de la Caisse des Dépôts, soucieux de s'assurer de "la véracité des déclarations".