Formation des élus : des propositions en vue d'une refonte
Dans un rapport au gouvernement, deux inspections de l'État proposent de fusionner les dispositifs de formation des élus locaux dans un "compte de formation". Ce dernier permettrait à un plus grand nombre d'élus locaux de se former, et ce à un coût moindre. De plus, la transparence du système serait accrue. Une concertation sur la réforme de la formation des élus locaux est lancée.
Un audit et 13 propositions pour améliorer l'accès des élus locaux à la formation. C'est ce que viennent de remettre au gouvernement l'inspection générale des affaires sociales (Igas) et l'inspection générale de l'administration (IGA). Le ministre en charge des collectivités territoriales, Sébastien Lecornu, et la ministre du Travail, Muriel Pénicaud, les avaient missionnées en juillet dernier sur ce sujet, dans l'objectif de la préparation d'un projet d'ordonnance. Inscrite dans le projet de loi Engagement et proximité tel que présenté le 17 juillet dernier en conseil des ministres, l'habilitation permettant au gouvernement d'élaborer cette ordonnance est demeurée (non sans évolutions quant à son contenu) dans la loi qui a été publiée le 28 décembre dernier. Désormais, le compteur tourne : l'exécutif devra avoir pris l'ordonnance sur la formation des élus locaux d'ici au 28 septembre 2020.C'est à "un dispositif nouveau, propre aux élus et fortement articulé" avec le compte personnel de formation (CPF) que les hauts fonctionnaires appellent le gouvernement à travailler. Ce "compte de formation de l'élu local" (CFEL) - qui serait une composante du compte personnel d'activité (CPA) - serait issu de la fusion du droit individuel à la formation des élus locaux (Dife) et du droit à la formation financé par les collectivités. Deux mécanismes qui ont certes le mérite d'exister, mais dont "les spécificités" ne sont "pas comprises".
Souplesse et transparence
Le CFEL aurait vocation à financer uniquement des formations liées au mandat local et recensées dans un répertoire des formations des élus locaux. Ce dernier serait arrêté par le ministre chargé des collectivités territoriales, sur proposition d'une commission consultative de la formation des élus locaux, composée majoritairement de représentants de ces derniers. Le dispositif serait particulièrement souple, puisque les élus locaux pourraient (dans la limite de 2.500 euros) transférer vers le CPF des droits non consommés dans le cadre du CFEL. Les intéressés pourraient ainsi financer des formations de réinsertion professionnelle. Réciproquement, un élu pourrait mobiliser son CPF pour abonder son CFEL.
Les droits des élus locaux, comptabilisés en euros, seraient ouverts dès la première année de mandat. En revanche, ils ne seraient plus cumulables d'une année sur l'autre.
Les élus s'inscriraient à une formation sur une plateforme numérique unique. Ils auraient accès au coût de chaque formation. En outre, c'est via cet outil numérique que les élus locaux évalueraient les formations qu'ils suivent. Dans un objectif de plus grande transparence et d'amélioration de la qualité, les notes décernées aux organismes de formation et aux formateurs seraient librement consultables.
Par ailleurs, les organismes de formation seraient contrôlés non plus par le Conseil national de la formation des élus locaux (CNFEL), mais par les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte).
Plafonnement du coût des formations
Un fonds national de la formation des élus locaux permettrait de financer la réforme. En mobilisant pleinement les ressources prévues aujourd'hui par la loi, il serait doté de 52 millions d'euros par an. Un montant qui ne permet pas de financer des formations à tous les élus. Aussi, pour permettre "au plus grand nombre" de se former, un montant plafond annuel de la dépense par élu serait instauré. Parce qu'ils assurent davantage de responsabilités, les élus ayant des délégations bénéficieraient d'un plafond plus élevé. En parallèle, les coûts des formations – qui, aujourd'hui, donnent lieu à des "dérives" de la part de certains organismes de formation – seraient plafonnés. La mission avance ainsi l'hypothèse d'un coût horaire de 100 euros par participant à une formation. En sachant que le nombre de participants serait lui aussi encadré (avec un maximum de 25).
La gestion du fonds et de la plateforme numérique, ainsi que l'instruction des dossiers reviendraient à la Caisse des Dépôts. L'établissement public gère depuis 2017 le dispositif du DIF des élus locaux.
Le fonds national de la formation des élus locaux et les contrôles en matière de qualité seraient mis en œuvre dans un délai minimum de deux ans après la promulgation de l'ordonnance. Mais, les mesures de "régulation" de la dépense seraient appliquées immédiatement au Dife.
Inégalités au détriment des élus des petites communes
Cette réforme est motivée par le constat des imperfections du système actuel de la formation des élus locaux. Les difficultés tiennent au financement, puisque les collectivités territoriales et leurs groupements ne consacrent à ce poste que 15 millions d'euros par an, alors que la loi a fixé un minimum de 34 millions d'euros (2% des indemnités des élus). À ce montant s'ajoute 17 millions d'euros qui bénéficient au Dife. En outre, la mission observe que "le niveau de dépense est d'autant plus faible que la collectivité est petite", y compris s'agissant du Dife. Ce dernier a connu une montée en charge très rapide – avec le dépôt de près de 6.500 dossiers sur les dix premiers mois de 2019 – ce qui a d'ailleurs entraîné des difficultés pour l'instruction des dossiers. Mais le nombre des bénéficiaires reste minime au regard du nombre des élus locaux (plus de 500.000), estiment les inspections. Cette situation prévaut alors que de réels besoins en formation existent, liés notamment à la "complexification de l'action locale", soulignent-elles. La mission déplore par ailleurs l'absence de "toute mesure de la qualité des prestations et de la satisfaction des élus locaux", qui soit "indépendante des prestataires".
La Caisse des Dépôts indique avoir à plusieurs reprises, dès début 2019, alerté sur certaines situations préoccupantes, et est aujourd'hui partie prenante dans la préparation de l'ordonnance. À présent, le gouvernement - qui précise que "ce rapport n’engage, à ce stade, que les inspections" - entend en effet "consulter l'ensemble des acteurs du secteur, des organisations politiques et des associations d'élus pour co-construire cette réforme de la formation des élus", indiquent les ministres en charge de la cohésion des territoires et des collectivités territoriales sur le site de leur ministère.