Forêts de protection : vers un assouplissement du régime spécial pour certains travaux

À travers un projet de décret, soumis à consultation jusqu’au 5 mai, le ministère de l’Agriculture envisage de remettre à plat le régime spécial des travaux applicables aux forêts de protection, notamment pour des aménagements de caractère temporaire ou limités et pour des équipements indispensables à la prévention des risques naturels et à l’accueil du public. Le texte permet également au ministre chargé des forêts de déclasser certaines parcelles de superficie limitée.

Le ministère de l’Agriculture à ouvert à la consultation publique, jusqu’au 5 mai prochain, un projet de décret relatif à la modification de classement et au régime spécial des travaux applicables aux forêts de protection. L’impulsion du texte proviendrait d’une "demande expresse du Conseil d'État afin de simplifier le dispositif existant applicable aux forêts de protection", souligne le ministère. Plusieurs ajustements du code forestier sont donc envisagés pour assouplir ce statut protecteur (codifiés dans les articles L.141-1 et suivants) instauré par la loi du 28 avril 1922 dite "loi Chauveau", à l’origine pour classer pour cause d’utilité publique des terrains boisés dont la conservation était nécessaire pour lutter contre l’érosion des sols en montagne et l’envahissement des eaux et des sables en zone côtière. Par la suite, la loi de 1976 sur la protection de la nature en a élargi la possibilité aux forêts situées à la périphérie des grandes agglomérations, ainsi que pour des raisons écologiques ou pour le bien-être de la population. À ce jour, 163.500 hectares seraient concernés par ce statut, soit 1% de la surface forestière métropolitaine.

Une liste d’exceptions progressivement élargie

Le classement en forêt de protection, outil juridique le plus contraignant pour la protection des forêts, obtenu après décret en Conseil d’État, a pour principal effet d'interdire tout défrichement et tout changement d'affectation ou tout mode d'occupation du sol de nature à compromettre la conservation ou la protection des boisements. Le classement interdit également en principe toutes fouilles, extractions de matériaux, emprises d’infrastructure publique ou privée, exhaussement de sol ou dépôt. Il rend ainsi impossible la réalisation de certains travaux, hormis ceux indispensables pour la gestion forestière courante exercée par le propriétaire. Ce n’est toutefois pas la seule exception. C’est aussi le cas pour la recherche et l’exploitation de la ressource en eau par les collectivités publiques ou leurs délégataires (art. R. 141-30). Et diverses autres entorses au régime spécial de ces forêts ont été introduites en 2018 (décret n° 2018-254) pour permettre la réalisation de fouilles ou sondages archéologiques et la recherche ou l'exploitation souterraine des gisements d'intérêt national de gypse, sans devoir recourir au préalable au déclassement des parcelles concernées.

Travaux en lien avec l’accueil du public et la prévention des risques naturels

Le projet de décret soumis à consultation prévoit d’ouvrir une nouvelle brèche en complétant le régime spécial d'autorisation préfectorale sur le modèle de certains travaux autorisés dans les sites classés. Le texte ouvre ainsi la possibilité de mener en forêt de protection "des travaux 'légers' ou d'implanter des équipements ponctuels autres que ceux strictement 'indispensables' à la gestion forestière multifonctionnelle visés à l’article R.141-14 (extension de bâtiments existants, implantation et entretien de réseaux enterrés, etc.)", indique le ministère.

Il prévoit en outre d’élargir le champ d'application de l'article R.141-14 - cantonné dans sa rédaction actuelle aux fonctions économiques et écologiques de la forêt - aux "fonctions sociales" et à la "prévention des risques naturels". Autrement dit, le propriétaire pourra procéder "à des travaux qui ont pour but de créer les équipements indispensables à la prévention des risques naturels", à la condition que le préfet, avisé deux mois à l’avance, n’y ait pas fait opposition. Il pourra également procéder aux travaux "qui ont pour but de créer les équipements indispensables à l’accueil du public pourvu qu’ils soient démontables et ne compromettent ni les objectifs du classement ni un retour du site à l’état initial", ajoute le texte. "Les travaux déclarés au préfet seront ainsi pleinement en lien avec l’ensemble des fonctions à valoriser dans le cadre d’une gestion forestière multifonctionnelle", souligne le ministère. Un ajout à l’article R.141-16 rend également possible "les travaux de surveillance, d’entretien, de remplacement et de maintenance relatifs à des canalisations et des réseaux enterrés d’eau, d’électricité ou des réseaux filaires, y compris de téléphonie, implantés avant 2010", précise-t-il.

Modification du classement à la main du ministre

La décision de classement, ou de modification du classement, est prise par décret en Conseil d’État (art. R.141-9). Toutefois, le projet de décret envisage de s’en affranchir en confiant au ministre chargé des forêts (après enquête publique) la possibilité de procéder à des déclassements pour des parcelles de superficie limitée. L’objectif principal serait "de corriger des erreurs manifestes à savoir la présence de parcelles non boisées lors du classement initial de la forêt, mais aussi afin de pouvoir réaliser un projet ayant un intérêt public aussi digne d’intérêt que la protection de la forêt, lié par exemple à la sécurité routière au niveau de routes traversant les grands massifs classés", remarque le ministère.

 

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