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Fonds d'investissement : les régions "dans les starting-blocks"

Prêts participatifs, fonds régionaux d'investissement, plateforme de financement participatif… Etat et régions cherchent des moyens pour aider les entreprises à se doter de fonds propres pour pouvoir réinvestir une fois la crise Covid passée. Bercy devrait lancer dans quelques semaines ses prêts participatifs et réserve une enveloppe de 250 millions d'euros dans le cadre du plan de relance pour abonder des fonds régionaux d'investissement. Mais la définition des modalités de ces dispositifs prend du temps, amenant les régions à avancer de leur côté.

Depuis le début de la crise de Covid-19, l'Etat soutient les entreprises dans leurs difficultés, à travers plusieurs dispositifs, dont le chômage partiel et le fonds de solidarité. Mais bon nombre d'économistes alertent sur les difficultés à venir et notamment sur le besoin en fonds propres qui se fait ressentir au sein des entreprises. Des fonds propres qui leur permettraient une fois la crise passée de réinvestir. Les économistes Patrick Artus et Olivier Pastré, auteurs d'un ouvrage sur "L'économie post-covid", insistent ainsi sur ce renforcement des fonds propres indispensable. "Le niveau d'endettement des entreprises va exploser, indiquait ainsi Olivier Pastré auditionné le 13 janvier 2021 par la commission des affaires économiques du Sénat, c'est un sujet majeur, il faut renforcer les fonds propres des entreprises. On est aujourd'hui incapable de le faire" (voir notre article). Etat et régions cherchent tant bien que mal à répondre à ces impératifs.

Côté Etat, Bercy compte mettre en place dans le cadre du plan de relance des "prêts participatifs", en parallèle des prêts garantis par l'Etat (PGE) déjà en œuvre. Il s'agirait de créances à long terme. Principal avantage : remboursés en dernier, ces prêts ne sont pas assimilés à de la dette d'un point de vue de l'analyse financière mais à des "quasi-fonds propres". D'un côté, ils offrent aux entreprises la possibilité de renforcer leur capital sans devoir l'ouvrir à un actionnaire extérieur. De l'autre, le prêteur se rémunère grâce à un taux d'intérêt fixe (sans doute entre 4 et 6%).

Alors que les PGE apportent de la trésorerie, ces prêts permettent ainsi aux entreprises de bénéficier de fonds sur le long terme pour financer leur exploitation sans tirer sur la trésorerie. Mais attention, seules des entreprises parfaitement viables pourraient en bénéficier, celles étant dans l'incapacité financière d'investir et de préserver leur compétitivité mais qui ont un vrai potentiel de rebond.

20 milliards d'euros d'encours de prêts participatifs d'ici fin 2022

Au total, le gouvernement s'est fixé un objectif de 20 milliards d'euros d'encours de prêts participatifs d'ici à la fin 2022. Prêts qui pourraient bénéficier à plus de 10.000 entreprises et pour lesquels l'Etat apporterait sa garantie et indemniserait à hauteur de 2 milliards d'euros les banques qui subiraient un défaut de paiement. Seul hic : ces prêts qui devaient être mis en place début 2021 ne sont toujours pas débloqués. A Bercy, on indique que "les modalités de ces prêts seront communiquées par le ministre dans les semaines qui viennent". On évoque une mise en œuvre au mois de mars. Au cœur des difficultés : le manque d'appétit des investisseurs - ce qui a même poussé la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) à proposer d'augmenter le taux de rendement de ces prêts - et le feu vert nécessaire de la Commission européenne.

"Les collectivités qui le font déjà pour partie convergeront avec nous", avait déclaré le Premier ministre, le 16 janvier, en signant le troisième accord régional de relance en Auvergne-Rhône-Alpes. En effet plusieurs régions se sont lancées dans les prêts participatifs. La région Normandie a ainsi mis en place un prêt de ce type (taux entre 1 et 5%), de 15.000 à 500.000 euros, plafonné à 25% du chiffre d'affaires ou aux besoins en trésorerie générés par la crise. D'une durée de sept ans, il est disponible depuis le mois de janvier 2021.  La région Sud s'y est aussi mise avec des prêts participatifs allant de 15.000 à 200.000 euros, à travers un fonds doté d'un capital de 80 millions d'euros, financé par le conseil régional, le Fonds européen de développement régional (Feder), et Région Sud Investissement, aux côtés d'un investisseur privé.

Mais le gouvernement compte aussi abonder les fonds régionaux d'investissement. En novembre 2020, un accord a été signé dans ce sens, dédiant une enveloppe de 250 millions d'euros dans le cadre du plan de relance pour ces fonds capables d'intervenir sur le haut de bilan des entreprises, en priorité des PME. Mais les discussions autour des modalités d'abondement sont encore en cours. "L'Etat ne veut pas abonder des fonds 100% publics, explique-t-on à Régions de France, nous sommes en négociation sur ce point pour que l'Etat accepte dans un premier temps d'investir au sein d'un fonds comportant une part de privé. Nous allons dans la bonne direction, c'est important car toutes les régions sont dans les starting-blocks."

Les régions se lancent dans des fonds d'investissement

Plusieurs régions se sont en effet déjà lancées dans la mise en œuvre de fonds d'investissement. C'est le cas de la Bretagne, avec le fonds Breizh Rebond lancé le 26 janvier 2021. Ce fonds régional d'investissement, initié par la région et Arkéa avec d'autres partenaires bancaires mutualistes, doit permettre de préparer l'après-crise et d'aider les entreprises à s'engager sur la voie d'un modèle plus résilient. Il devrait investir ainsi 50 millions d'euros, dont 20 millions de la région Bretagne, dans la transformation des PME bretonnes comptant de 50 à 500 salariés pour un chiffre d'affaires supérieur à 5 millions d'euros. Intervenant en fonds propres et en obligations, Breizh Rebond pourra investir des tickets de 1 et 6 millions d'euros. Il pourrait intervenir au bénéfice de quinze à vingt entreprises.

La Normandie a quant à elle lancé à l'automne 2020 un fonds d'investissement dans des PME ou ETI locales dont la situation était saine avant la crise et qui ont besoin de consolider leurs fonds propres pour rebondir. Il devrait investir dans huit à quinze entreprises réalisant de 3 à 150 millions d'euros de chiffre d'affaires, et si possible exportatrices, avec des tickets autour de 3 millions d'euros.

La région Nouvelle-Aquitaine a aussi créé en 2020 un nouveau fonds, le Naci (Nouvelle-Aquitaine capital investissement), doté de 80 millions d'euros, pour émettre des tickets importants, entre 3 et 10 millions d'euros. A travers ce fonds, la région a déjà investi dans Talis Business School, un groupe d'écoles de formation en alternance basées à Bergerac, disposant de sept campus dont six sur le territoire régional, et Ceva Santé Animale, qui développe des produits qui améliorent la santé des animaux. La région projette ainsi d'investir dans une quinzaine d'entreprises d'ici à cinq ans.

Autre exemple avec l'Occitanie : à travers son agence régionale des investissements stratégiques (Aris) créée en octobre 2020, la région compte investir dans des entreprises du territoire pour relocaliser les activités et savoir-faire clés et accélérer le développement économique. L'agence a pour objectif de prendre des participations en fonds propres et quasi fonds propres à des entreprises régionales.

Enfin, Laurent Wauquiez, président de la région Auvergne-Rhône-Alpes, a annoncé le 21 janvier la création d'un fonds souverain pour accompagner les entreprises du territoire impactées par la crise. Prévu pour la fin du mois de février, ce fonds serait doté de 100 millions d'euros, dont une partie apportée par la région, une autre par l'Etat.

Miser sur l'épargne des Français

Peu de régions en revanche utilisent leur nouvelle compétence issue de la loi Notr de 2015 qui leur permet d'entrer au capital de sociétés commerciales. Seules deux le font : la région Bretagne, devenue en 2018 actionnaire à hauteur de 5% de Yer Breizh, une entreprise créée après la reprise du volailler Doux pour regrouper les acteurs de la filière amont, et en 2019 du groupe coopératif alimentaire d'Aucy. De son côté la Nouvelle-Aquitaine a investi à partir de 2017 dans Flying Whales, société de dirigeables pour le transport de charges lourdes, et en 2019 dans la biotech Aelis Farma, société de biotechnologie spécialisée dans le traitement des maladies neurologiques.

Régions de France espère aussi que les régions pourront un jour émettre des "obligations convertibles", un outil que l'association considère comme adapté, car non intrusif. Reprenant les caractéristiques des obligations en termes de taux, durée et échéancier de remboursement, ces obligations confèrent à leurs porteurs une option de conversion en actions nouvelles, en cas de défaut de paiement du projet. Une garantie supplémentaire en cas de défaillance de la société.

Les régions comme l'Etat misent aussi sur l'épargne des Français. Selon la Banque de France, les Français auraient ainsi épargné 200 milliards d'euros l'an dernier, contre 100 à 130 milliards habituellement. Le surplus d'épargne dû à la crise de Covid-19 s'établirait donc autour de 70 milliards d'euros. Pour tenter de flécher cette épargne vers les entreprises territoriales, la région Occitanie, avec la CCI Occitanie, a lancé le 5 février une plateforme régionale de financement participatif Occistart pour mettre en relation porteurs de projets en recherche de financements et particuliers désireux de les soutenir.

De son côté, l'Etat mise sur le fonds Bpifrance Entreprises 1, lancé depuis octobre 2020 par la banque publique d'investissement et qui permet à tout un chacun d'investir dans des startups et PME françaises. Près de 20 millions d'euros, sur 95 millions d'euros disponibles, ont déjà été collectés auprès de particuliers. Environ 30 millions d'euros ont aussi été souscrits par les banques et assureurs pour leurs contrats d'assurance-vie.