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Finances - Fiscalité locale : les maires et l'Etat en désaccord profond

Au dernier jour de leur congrès, les maires ont dénoncé les "mauvais coups" qui leur sont portés avec le bouclier fiscal et la réforme de la taxe professionnelle. Le ministre délégué au Budget a notamment promis un garde-fou pour les communes subissant un plafonnement excessif de leurs bases de TP.

Le ministre délégué au Budget, Jean-François Copé s'est livré ce 24 novembre, devant les maires réunis en congrès à Paris, à un exercice de pédagogie pour tenter de faire passer la pilule amère des réformes de la taxe professionnelle (TP) et du bouclier fiscal et tordre, selon lui, le cou à un certain nombre d'idées reçues.
Faisant de la réforme de la taxe professionnelle une quasi-obligation, il a placé les maires devant leurs contradictions : "On ne peut pas être dans l'angoisse [face aux délocalisations] et ne pas chercher de solutions pour que les entreprises restent [en France]." Ce discours de raison n'a pas contribué à apaiser des maires inquiets sur l'avenir du financement des collectivités locales.
Sur les modalités d'application des réformes, les maires restent en désaccord profond avec l'Etat. "Que l'Etat assume la responsabilité de ses choix, car nous n'acceptons pas d'être le tiroir-caisse des réformes qu'il nous impose afin de diminuer l'impôt sur les revenus en le reportant sur le contribuable local", s'est insurgé Pascal Buchet, maire de Fontenay-aux-Roses et rapporteur de la commission des finances et de la fiscalité locales de l'Association des maires de France (AMF), qui traduisait les pensées de bon nombre de ses confrères maires.


Plafonnement de TP : "un impact totalement marginal" ?

La participation des collectivités locales au dispositif du bouclier fiscale sera, certes, faible : de l'ordre de 40 millions d'euros. De plus, un amendement adopté par l'Assemblée nationale préserve l'autonomie fiscale des collectivités locales, puisque les reversements à leur charge seront prélevés sur la dotation globale de fonctionnement (DGF). Toutefois, Philippe Laurent, maire de Sceaux et président de la commission des finances de l'AMF, n'a pas manqué de déclarer : "Il s'agit de faire financer par le mécanisme de péréquation des communes, théoriquement destiné aux collectivités défavorisées, la réduction d'impôt accordée, chacun le sait, aux plus gros contribuables à l'ISF [impôt de solidarité sur la fortune]".
Les maires redoutent les conséquences sur leur autonomie fiscale du plafonnement de la taxe professionnelle à 3,5% de la valeur ajoutée des entreprises. Sur ce point, le ministre délégué au Budget s'est voulu rassurant : "Pour 80% des communes, le manque à gagner de recettes sera nul ou inférieur à 50 euros. Autant dire, pour ces collectivités, un impact totalement marginal." Jean-François Copé a aussi rappelé la concession faite en début de semaine aux élus locaux, au cours de l'examen du projet de loi de finances à l'Assemblée nationale. C'est 2005 et non 2004 qui servira d'année de référence au plafonnement de la taxe professionnelle, mais avec une hausse moyenne de 4,5% des taux.


Un "mécanisme correcteur" pour certaines communes

"Cette mesure est très favorable aux communes. Pour celles qui sont concernées par le "ticket modérateur", le montant sera très faible puisqu'il sera de 3 millions d'euros après le changement de l'année de référence", a commenté Jean-François Copé.
Pour les communes dont l'essentiel des bases est plafonné, et qui n'ont par conséquent plus la possibilité d'augmenter le produit de la taxe professionnelle, le ministre délégué a promis de proposer un "mécanisme correcteur", lors de l'examen du projet de la loi de finances au Sénat. "A partir d'un certain seuil de bases plafonnées et en fonction des politiques de taux menées, [le mécanisme] prévoira des réfactions sur le montant du ticket modérateur."
La ville de Givet, dans les Ardennes, dont les bases de TP se trouveront plafonnées à 90%, sera sûrement intéressée par un tel mécanisme. Son maire, Claude Wallendorff, témoigne : "Entre 2004 et 2005, le conseil municipal a décidé d'une hausse de 15% des taux de taxe professionnelle. Si les dispositions sur la TP s'appliquent en l'état, nous perdrons en 2007 la quasi-totalité du produit de cette hausse. Par conséquent, nous serons contraints d'accroître les impôts des ménages."
Face au plafonnement de la taxe professionnelle, les collectivités locales sont placées dans une situation de profonde inégalité, le plafonnement des bases pouvant aller de 0,2%? à 98%. "La flexibilité fiscale sera désormais un nouvel élément de discrimination entre collectivités", fait remarquer Philippe Laurent.


La Conférence des finances publiques arrivera trop tard...

Et s'il reste des marges de manœuvre concernant la hausse des taux, "qui du département, de la région ou de la commune va tirer le premier ?", poursuit un maire présent dans la salle.
A la tribune, une voix dissonante se fait entendre, celle de Pierre Méhaignerie, député-maire de Vitré et président de la commission des finances de l'Assemblée nationale. "Les bases de TP de ma commune vont être plafonnées à 57%, mais j'ai voté le plafonnement de la taxe professionnelle à l'Assemblée nationale pour défendre l'emploi et la compétitivité." Son collègue député Gilles Carrez, maire du Perreux-sur-Marne et rapporteur général de la commission des finances, va dans le même sens. Il répond aux maires, qui ont peur que la réforme de la TP ne profite qu'aux grandes entreprises : "88% des entreprises qui vont bénéficier du plafonnement à 3,5% de la valeur ajoutée ont un chiffre d'affaires de moins de 2 millions d'euros."
Face à une nouvelle donne qui leur échappe, les élus ont le sentiment de ne pas être entendus. Certains ont appelé ce jeudi à la présentation d'une pétition nationale des maires de France contre le projet de réforme de la taxe professionnelle. Un autre encore a appelé à une manifestation dans la rue. Plus que jamais, le dialogue entre l'Etat et les collectivités locales semble donc nécessaire. Autant dire que la Conférence des finances publiques, qui devrait être installée à la fin de l'année, est bien accueillie, même si les maires ont le sentiment qu'elle se réunira trop tard, une fois prises les décisions sur la loi de finances.


Thomas Beurey / EVS Conseil pour Localtis

 

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