Sécurité civile - Fiscaliser la dépense des Sdis : l'idée fait son chemin
La mission d'évaluation et de contrôle (MEC) de la commission des finances de l'Assemblée nationale auditionnait le 7 mai des représentants de l'Etat et des collectivités sur le financement des services départementaux d'incendie et de secours (Sdis). Un enjeu complexe, qui s'apparente même depuis des années à un serpent de mer, crispant tant les élus que les professionnels concernés.
Cette troisième audition, qui intervient un mois avant que la MEC ne rende son rapport, a notamment permis de préciser l'idée consistant à fiscaliser le niveau de dépense publique que représente les Sdis tout en en informant le contribuable. Un représentant de l'Etat a réagi en précisant qu'ajouter une nouvelle ligne dans la feuille d'impôts locaux nécessitait une gestion très lourde, que ceci chasserait inévitablement une autre ligne dans ce "panier d'oeufs déjà plein à craquer" et que cette information était peu réclamée par l'usager-contribuable. "Pour que cela l'intéresse, encore faut-il qu'on lui fasse part de l'information", a retorqué Georges Ginesta, l'un des trois députés rapporteurs de la mission et maire de Saint-Raphaël (Var). Si aucun consensus ne s'est dégagé sur la question, l'étude de la faisabilité d'intégrer cette information supplémentaire à l'avis d'imposition devrait être annexée au rapport de la MEC, attendu pour le mois de juin.
Autre enjeu soulevé par la MEC : la nécessité de réformer, de réajuster ou de renforcer la gouvernance des Sdis en vue de maîtriser l'inflation de leurs dépenses. Sur ce point, Alain Perret, directeur de la Sécurité civile, s'est voulu rassurant et a précisé que l'Etat s'entretenait sur le sujet avec l'Assemblée des départements de France (ADF), mais qu'"il ne s'immiscera pas pour autant dans le modèle d'organisation propre aux Sdis sans avoir pris le soin au préalable d'évaluer les marges d'acceptation de chaque acteur". L'Etat "remplira en quelque sorte un rôle de poil à gratter et visera à trouver un protocole global à mettre en oeuvre collectivement, en posant sans ambages les questions requises, même celles quelque peu tabou du temps de travail, le tout dans un cadre d'actions élargi visant à une clarification globale", a-t-il poursuivi.
Crispation entre l'AMF et l'ADF
Edward Jossa, directeur général des collectivités locales, a ajouté que malgré le fort ancrage communal des Sdis (aux côtés et dans une moindre mesure que les départements, les communes participent à leur financement), il manquait incontestablement un pilote dans l'avion et qu'un "patron financier" doit être trouvé pour assumer pleinement la responsabilité de maîtrise des dépenses de ces services gourmands en frais d'équipements. Il a pointé par ailleurs le manque d'outils de benchmarking, d'information et d'expertise des équipements, lesquels seraient selon lui nécessaires si l'on veut "mettre la pression sur le système afin qu'il s'auto-régule, a fortiori dans un contexte où les marges budgétaires des communes se resserrent". Un point sur lequel Yves Rome, qui représentait l'ADF, a rebondi en précisant que le réceptacle départemental était justement le niveau le plus pertinent pour réaliser des économies en mutualisant notamment mieux les équipements. Augustin Bonrepaux, président du conseil général de l'Ariège, a ajouté que la départementalisation des Sdis a d'ores et déjà eu un impact positif sur l'amélioration du service, surtout dans les territoires ruraux. "Reste que qui paie ne décide toujours pas, que des élus certes siègent dans les conseils d'administration des Sdis mais sans faire porter leurs voix, et qu'il faut que chacun assume pleinement ses responsabilités politiques sur le sujet, au risque de tourner en rond", a renchéri Jean-Paul Bacquet, maire de Coudes (Puy-de-Dôme) et membre de l'AMF.
Point de crispation entre l'AMF et l'ADF : la première plaide pour un gel des dépenses communales à fournir aux Sdis tandis que la seconde demande un "dégel" afin de ne pas avoir à supporter un transfert de charges supplémentaires.
Prochaines étapes du dossier : une rencontre du directeur de la Sécurité civile avec les syndicats le 19 mai, puis celle de la MEC avec Michèle Alliot-Marie, ministre de l'Intérieur, prévue le 4 juin.
Morgan Boëdec / Victoires-Editions