Commerce - Fisac : le gouvernement défend sa réforme face aux attaques de la Cour des comptes

Alors que dans un référé daté du 31 juillet, la Cour des comptes épingle les nombreux dysfonctionnements de la gestion du Fisac, le gouvernement défend la réforme en cours inscrite dans la loi Pinel du 18 juin 2014.

Quatorze mois : c'est la durée moyenne d'instruction d'un dossier Fisac (Fonds d'intervention en faveur des services, du commerce et de l'artisanat), en 2012. Autant dire une éternité pour un petit commerce qui bat de l'aile. Dans un référé rendu public lundi, la Cour des comptes se montre très sévère à l'égard de la gestion de ce fonds pourtant profondément rénové en 2010. Il était alors question de simplification administrative, de régionalisation et d'évaluation… Le bilan ? Rien de cela : "La Cour des comptes a constaté qu'aucun de ces objectifs n'a réellement été atteint."
La Cour constate notamment une double instruction des dossiers par la DGCIS (devenue direction générale des entreprises depuis un décret du 16 septembre 2014) au niveau national et les Direccte au plan régional. Double instruction qui engendre un "allongement considérable des délais d'instruction". "Cet allongement des délais administratifs place les porteurs de projets en situation de difficulté financière et décrédibilise l'action de l'Etat." Pire, les élus interfèrent "afin d'accélérer le traitement de certains dossiers, aboutissant à avantager certaines demandes au détriment d'autres".

Effet d'aubaine

De surcroît, la gestion financière du fonds est "déficiente". L'élargissement des critères d'éligibilité au fonds en 2008 et les baisses des dotations à partir de 2011 ont mis le fonds dans une "impasse budgétaire". En effet, cette ouverture des critères a engendré un afflux de dossiers (1.570 dossiers en 2011 et 1.218 en 2012 contre 783 en 2008) alors que les crédits sont passés dans le même temps de 60 millions d'euros en 2008 à 32 millions d'euros en 2013. Cet effet ciseau a conduit à ouvrir des crédits exceptionnels de 35 millions d'euros en 2013 et 2014 pour couvrir les centaines de dossiers en souffrance. "Après avoir diminué les crédits de manière brutale à partir de 2011, alors que la logique de guichet a perduré, l'Etat n'a finalement pas d'autres choix, trois ans après, que de financer l'impasse budgétaire créée", résume la Cour.
Les Sages dénoncent également "l'entorse coûteuse" qu'a constitué le fait de confier la gestion du Fisac au RSI (Régime social des indépendants), pour un coût de 4 millions d'euros par an.
Pourtant, le Fisac a son utilité sur l'emploi : le taux de survie à trois ans et à cinq ans des entreprises ainsi aidées est respectivement de 93% et 98,50% sur la période 1999-2008. Mais pour un coût très important : 46.793 euros par emploi créé, avec un effet d'aubaine particulièrement élevé. 73% des entreprises soutenues disent qu'elles auraient quand même réalisé leurs investissements sans ce coup de pouce.

Réduction des délais d'instruction

Le référé date du 31 juillet 2014, quelques semaines après la loi Pinel du 18 juin 2014 qui a entrepris de passer d'une logique de guichet à une logique d'appel à projets. Réforme qui se traduit dans le projet de loi de finances pour 2015 en cours de discussion, en attendant un décret qui doit fixer les conditions de ces appels à projets. Mais la Cour met en garde le gouvernement : si rien n'est fait pour remédier rapidement aux autres dysfonctionnements constatés (lourdeurs administratives, délais d'instruction, gestion déléguée au RSI, absence d'évaluation des actions financées), c'est l'existence même du Fisac qui risque d'être "remise en cause".
Dans sa réponse datée du 3 octobre, le ministre de l'Economie, Emmanuel Macron, défend le maintien de la double instruction (DGE-Direccte). "La réforme en cours permettra de clarifier le rôle de chaque échelon d'instruction des dossiers, dans un souci de complémentarité des moyens mobilisés", assure-t-il. Cette même réforme va aussi permettre, selon lui, de résoudre les difficultés mentionnées par la Cour. Les délais d'instruction seront réduits grâce à la politique d'appel à projets qui obéissent à un "calendrier déterminé à l'avance". Par ailleurs, l'exercice d'évaluation systématique "devient une priorité clairement affirmée". "Le projet de cahier des charges de l'appel à projets [rappelle] le caractère obligatoire de l'évaluation des opérations financées", explique le ministre. Le règlement de l'appel à projets précisera en outre "que les candidatures devront obligatoirement être présentées sous la forme d'un partenariat réunissant les collectivités publiques, les associations de commerçants et d'artisans et le réseau consulaire".
Selon Emmanuel Macron, la réforme doit également se traduire par "un soutien prioritaire aux communes rurales et aux quartiers prioritaires de la politique de la ville, pour les aider à maintenir et à développer leurs activités commerciales et artisanales". Enfin, le ministre défend la gestion déléguée au RSI. A contrario de la rue Cambon, il estime que son coût est "particulièrement faible". "En 2013, il s'est élevé à 89.162 euros soit une diminution de 45% par rapport à 2012", indique-t-il. De l'autre côté de Bercy, le ministre de Finances, Michel Sapin, considère qu'il est "essentiel aujourd'hui de faire en sorte que cette réforme soit déployée et évaluée, avant d'examiner toute nouvelle évolution du dispositif".

 

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