PLF 2025 : le Sénat métamorphose le très décrié fonds de précaution

Dans le cadre de la discussion en séance sur le volet "dépenses" du projet de loi de finances (PLF) pour 2025, le Sénat s'est penché, ce 4 décembre, sur la mission "Relations avec les collectivités territoriales". Avant d'interrompre ses travaux en raison du vote par l'Assemblée nationale des motions de censure contre le gouvernement, la Chambre haute a supprimé le prélèvement de 3 milliards d'euros sur les grandes collectivités, le remplaçant par un dispositif mettant en réserve 1 milliard d'euros de recettes locales. Une option qui allège donc l'effort demandé aux collectivités pour réduire le déficit public.

Pour cause de censure du gouvernement attendue ce 4 décembre un peu après 20h, les sénateurs ont pressé le pas le même jour de la discussion en séance de la mission "Relations avec les collectivités territoriales" (RCT), décidant notamment de supprimer le prélèvement de 3 milliards d'euros sur les grandes collectivités et de le remplacer par un mécanisme de mise en réserve limité à 1 milliard d'euros.

Dans le cadre de l'examen en première lecture du projet de loi de finances (PLF) pour 2025, le Sénat avait fixé au 4 décembre la discussion des articles de la mission RCT, sans savoir que le gouvernement devait être renversé au soir de cette journée inédite. Mais au commencement de l'exercice, vers 14h30, le vote qui se profilait dans l'autre chambre du Parlement, était dans tous les esprits. Avant que le "couperet" ne tombe et n'entraîne la suspension des travaux du Sénat, ses élus comptaient bien se saisir de l'article 64 du PLF 2025, qui crée un prélèvement de 3 milliards d'euros en 2025 sur les grandes collectivités et intercommunalités.

"Une sorte d'épargne forcée"

De toutes les mesures d'économies de l'État sur les collectivités, elle est celle qui a suscité probablement le plus grand rejet de la part des élus locaux. Le Sénat voulait donc "être au rendez-vous", sachant aussi que, comme l'a déclaré le rapporteur général du budget, Jean-François Husson (LR), "demain, un nouveau gouvernement n'aura pas d'autre choix que de proposer aux collectivités territoriales de participer à [l']effort" et qu'"on peut imaginer" que le texte voté par le Sénat "pourrait être repris".

Pour mettre à exécution ses plans, le Sénat a modifié l'ordre de discussion des articles de la mission RCT pour examiner en priorité les dispositions sur le fonds de précaution. Comme prévu, il a supprimé le dispositif "trop brutal et inabouti" proposé par le gouvernement. Estimant que les collectivités doivent participer à l'effort de redressement des finances publiques - mais dans des limites "raisonnables" - la majorité sénatoriale (centre et droite républicaine) a mis au point, à l'initiative du rapporteur spécial de la mission RCT, le LR Stéphane Sautarel, un mécanisme, jugé "plus acceptable", de "lissage conjoncturel des recettes fiscales" des collectivités ("Dilico") les plus favorisées (voir l'amendement). Il s'agit d'"une sorte d'épargne forcée", à hauteur d'1 milliard d'euros l'an prochain, "dans un compte au Trésor", a résumé Stéphane Sautarel. "Cela réduirait la dépense publique et améliorerait le solde", a-t-il mis en avant. La somme thésaurisée en 2025 serait reversée pour l'essentiel aux contributeurs, par tiers chaque année à partir de 2026, et 10% seraient mis de côté pour abonder les fonds de péréquation (voir notre article du 28 novembre).

"Moins de 2.000 communes" concernées

Au total, "moins de 2.000 communes", "130 EPCI", une cinquantaine de départements, ainsi que les régions de France métropolitaine (sauf la Corse) participeraient au dispositif que le Sénat a approuvé, malgré l'avis défavorable du gouvernement. L'effort des collectivités à la maîtrise des finances publiques se trouve excessivement réduit, a jugé la ministre du Partenariat avec les territoires, Catherine Vautrin.

Le rapporteur spécial de la mission RCT a fait le bilan : avec la suppression (en première partie du PLF 2025) des restrictions sur le fonds de compensation de la TVA (FCTVA), le maintien du gel de la TVA en 2025 (également dans le volet "recettes") et le remplacement du fonds de précaution par le Dilico, cet effort est ramené de 5 milliards d'euros à 2,2 milliards. 

Au cours de l'après-midi, les sénateurs ont aussi adopté plusieurs amendements aux articles de la mission RCT (à savoir les articles 61 à 64), consistant notamment à :

  • faire passer de 100 millions à 110 millions d'euros en 2025 la dotation de soutien aux communes pour les aménités rurales (l'amendement) ;

  • créer "un fonds de soutien exceptionnel" de 40 millions d'euros "pour l’accompagnement des collectivités victimes des intempéries de la fin de l’année 2023 et du mois d’octobre 2024" (l'amendement) ;

  • supprimer la réforme des modalités de détermination de la longueur de voirie prise en compte pour le calcul de la fraction péréquation de la dotation de solidarité rurale (l'amendement) ;

  • réserver la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) aux communes rurales, c'est-à-dire celles qui correspondent à la définition qu'en donne l'Insee (l'amendement) ;

  • mettre fin au fléchage d'une part minimale de la DETR vers des dépenses vertes (l'amendement) ;

  • créer un lissage des pertes de dotation de solidarité urbaine ou rurale pour les communes qui franchissent le seuil de 10.000 habitants (l'amendement).

Les sénateurs avaient encore une trentaine d'amendements à examiner lorsqu'un peu avant 20h30, le président de séance, Pierre Ouzoulias, a annoncé que l'Assemblée nationale avait adopté une motion de censure contre le gouvernement. "Les travaux du Sénat sont ajournés", a-t-il annoncé. Il appartiendra à son président, Gérard Larcher, de convoquer la Haute Assemblée. "La conférence des présidents fixera la date de reprise de nos travaux", a précisé le sénateur du groupe communiste et vice-président du Sénat.

Au cours de la matinée, les sénateurs avaient examiné une dernière fois le projet de loi de finances de fin de gestion pour 2024. Le texte, sur lequel les deux chambres ont trouvé un compromis le 3 décembre (voir notre article), prévoit plusieurs milliards d'annulations de crédits, dont 400 millions d'euros d'autorisations d'engagement au titre du fonds vert dédié à la transition écologique des collectivités. Et il en ouvre d'autres pour assurer principalement des dépenses imprévues, mais aussi afin de financer des priorités inscrites par le Sénat (en particulier 70 millions d'euros pour l'entretien du réseau routier des collectivités territoriales).

Dans la foulée, le projet de loi a été largement approuvé par l'Assemblée nationale (alors que celle-ci l'avait rejeté en première lecture), et ce juste avant la discussion et le vote des motions de censure qui ont fait tomber le gouvernement de Michel Barnier.