Finances : pourquoi la trésorerie des collectivités n'a cessé de grimper jusqu'en 2022
Parfois pointée du doigt, la forte progression de la trésorerie des collectivités ces dernières années s'explique par des facteurs conjoncturels, tels que les incertitudes sur les recettes et la décrue des taux d'intérêt sur la période, analyse la Banque postale dans une récente étude. Selon laquelle une réduction de cette trésorerie se dessine.
Depuis la fin de la crise liée au Covid-19, Bercy pointe l'abondante trésorerie des collectivités locales. Au cours des dix dernières années, celle-ci n'a cessé de croître pour atteindre 68 milliards d'euros en 2022, près de la moitié de ce montant revenant aux communes. L'exécutif voit dans cette manne le signe que le secteur public local se porte bien et qu'il dispose d'importantes marges de manœuvre… Aussi, pourrait-il participer à la maîtrise du déficit public, sans que l'investissement ne s'en trouve pénalisé, raisonne-t-on au ministère. À l'été 2023, la Cour des comptes observait de son côté que, fin 2022, le montant de la trésorerie des communes et de leurs groupements "est si élevé, qu’il dépasse le montant des dépenses d’investissement effectuées au cours de cette même année".
Interpellés sur la question par les cadres du ministère de l'Économie au cours des débats qui ont précédé les Assises des finances publiques de juin 2023, les représentants des élus locaux ont mis en avant la prudence du "pilotage" des collectivités, le retard pris en 2020 et 2021 dans la réalisation des investissements locaux, et salué l'existence de ces réserves pour faire face au mur d'investissements à venir, notamment en matière de transition écologique (notre article du 14 avril 2023).
Dépôt au Trésor
De son côté l'Observatoire des finances et de la gestion publique locales a mis en évidence, tant dans son rapport annuel 2023 que dans une étude présentée à l'occasion du congrès des maires de France, que les montants de trésorerie en euros par habitant sont inversement proportionnels à la taille des communes. Autrement dit, plus ces dernières sont petites, plus elles sont précautionneuses. La même étude révélait "le caractère très volatile" du solde de trésorerie des collectivités.
Dans des travaux qu'elle vient de publier, la Banque postale se penche à son tour, de manière approfondie, sur ce sujet polémique. En commençant par quelques rappels : les collectivités et leurs établissements publics ont l'obligation de déposer leurs fonds libres au Trésor sur un compte de dépôt, non rémunéré, qui ne peut être en déficit. Ils doivent donc "constituer une encaisse de précaution", qui "répond à un souci de bonne gestion".
Trésorerie zéro
La croissance de la trésorerie des collectivités locales s'explique d'abord par le contexte de ces dernières années, décrypte ensuite la Banque postale : les incertitudes sur les recettes (baisse des dotations, suppression de la taxe d'habitation…) ont pu "conduire les élus à une relative prudence". Ces derniers ont pu aussi avoir du mal à "estimer au mieux les dépenses", du fait des crises sanitaire et énergétique. Enfin, les taux d'intérêt historiquement bas n'ont pas incité les collectivités à minimiser leur trésorerie, bien au contraire.
Mais selon l'établissement bancaire, la remontée des taux d'intérêt depuis 2022 et la nécessité de financer les investissements en matière de transition écologique vont probablement avoir raison de la croissance de la trésorerie des collectivités. Une première décrue de 4,2 milliards d'euros, portée principalement par les départements (- 3,1 milliards d'euros) a d'ailleurs déjà été observée en 2023. Et dans un contexte de taux d'intérêt qui ne baisseront probablement pas de manière très significative, le mouvement devrait perdurer. Notamment parce que les grandes collectivités renouent avec des pratiques de "trésorerie zéro". Le but étant de réduire au strict minimum leur trésorerie, afin de réaliser des économies sur les frais financiers de leur dette.
On peut donc penser que le débat, tout autant technique que politique, sur les niveaux de trésorerie des collectivités, devrait perdre en intensité au cours des prochaines années.