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Finances locales : les élus urbains craignent un tour de vis

Le flou reste de mise quant à l'intention du gouvernement de demander aux collectivités de réaliser des économies au cours du quinquennat. S'il devait s'engager dans cette voie, pas question de reconduire le dispositif de maîtrise des dépenses de fonctionnement, qui avait montré bien des limites lors de sa mise en œuvre avant la crise sanitaire, estime France urbaine. L'association d'élus organisait le 7 juillet la cinquième édition des Rencontres des finances publiques. À cette occasion, elle s'est également élevée contre la confirmation par Elisabeth Borne de la suppression de la CVAE.

Lors de son discours de politique générale, le 6 juillet, la Première ministre n'a dit mot d'un quelconque effort d'économies qui serait réclamé aux collectivités locales au cours du quinquennat. Cela n'a pas échappé aux associations d'élus locaux, dont France urbaine, qui organisait le lendemain, 7 juillet, à Paris, la cinquième édition des Rencontres des finances publiques. Un événement où il a été beaucoup question de ce sujet phare pour les budgets locaux.

Les collectivités échaperont-elles à une contribution au redressement des finances publiques ? La présidente de l'association et maire de Nantes, Johanna Rolland, s'est montrée prudente : "Je préfère ne pas me nourrir de trop d'illusions", a-t-elle dit. Et pour cause. Dans sa lettre aux maires datée du 28 mars dernier, Emmanuel Macron assurait que "des engagements réciproques seront établis, sur des bases concertées, pour contribuer à l’indispensable maîtrise de la dépense publique". En outre, le député LREM Laurent Saint-Martin avait évoqué quelques jours plus tôt, en tant que porte-parole du candidat, la nécessité pour les collectivités de dégager 10 milliards d'euros d'économies d'ici 2027.

Reste que le nouveau ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, Christophe Béchu, déclarait ce 7 juillet en milieu de journée à quelques médias, dont le quotidien en ligne Maire-info, que l'effort de 10 milliards d'euros ainsi que la contractualisation financière n'étaient "plus à l'ordre du jour". Le nouveau contexte marqué par l'inflation rebattrait les cartes. Il faudra toutefois surveiller les déclarations que les ministres de Bercy pourraient faire sur le sujet afin de s'assurer qu'ils sont bien sur la même longueur d'onde que leur collègue.

"Ni rationnel, ni fondé"

Ne disposant pas encore de cette information, les élus urbains ont critiqué un choix qui, sans concertation, aurait consisté à faire porter l'effort d'économies à 50% sur les collectivités, soit à égalité avec l'État. Cela ne serait ni "objectif", ni "rationnel", ni "fondé", a déclaré Johanna Rolland, en rappelant que la part de la dette des collectivités représente seulement "8%" de la dette publique et celle de l'investissement local "70%" de l'investissement public. Olivier Landel, délégué général de France urbaine, a en outre souligné qu'une part importante des investissements en faveur de la transition écologique, qui sont considérés comme prioritaires, relèvera de la responsabilité des collectivités locales.

Se disant "un peu" inquiète, Johanna Rolland a indiqué qu'elle pressentait, avec ses collègues, "le retour à une contractualisation financière, qui, parfois, n'a de contrat que le nom". Et France urbaine de redouter que les contrats de maîtrise des dépenses de fonctionnement des grandes collectivités et intercommunalités, tels que mis en œuvre sur les années 2018 et 2019, soient réintroduits dans le cadre du projet de loi de programmation des finances publiques pour 2023-2027 qui sera présenté à l'automne.

Même s'il a souvent été préféré à la baisse des dotations réalisée durant le quinquennat de François Hollande, ce dispositif dit de Cahors – parce que bouclé en décembre 2017 dans la préfecture du Lot – laisse de mauvais souvenirs à certains élus locaux. Comme Jean-Paul Jeandon, maire de Cergy et président de la communauté d'agglomération de Cergy-Pontoise. La contractualisation financière n'a pas, selon lui, suffisamment pris en compte la particularité de son territoire, marqué par une croissance démographique importante qui tire les dépenses à la hausse.

Explosion des dépenses

"'Cahors II', je ne veux pas en entendre parler", a lancé l'élu, "car je ne sais pas comment l'intégrer aujourd'hui dans les comptes d'une ville comme Cergy." En plus des coûts liés à son dynamisme démographique, la commune du Val-d'Oise (66.000 habitants) doit faire face à des dépenses supplémentaires liées à la hausse des prix de l'énergie (+ 1,8 million d'euros sur un an) et à l'augmentation de la rémunération de ses agents (estimée à + 3,5 millions d'euros par an). L'élu table sur une hausse des dépenses de fonctionnement de sa ville comprise entre 6% et 8% en 2023. Une trajectoire intenable qui pourrait contraindre la commune à réduire la voilure des services aux publics. Jean-Paul Jeandon a indiqué qu'il pourrait remettre en cause l'ouverture le dimanche de la médiathèque et qu'il regarderait "de très près" les projets de construction de logements destinés aux familles (qui génèrent un lot de dépenses en matière de petite enfance et d'écoles). Des perspectives qui n'enchantent guère l'élu. Celui-ci a mis en garde : "Compte tenu des fractures que nous connaissons, on peut être dans une crise sociale majeure si les collectivités n'ont pas les moyens d'être présentes au plus près des citoyens."

Les élus urbains ont également pointé les contradictions qui auraient prévalu avec les contrats de Cahors. Ceux-ci limitaient l'évolution des dépenses à + 1,2% par an, en moyenne et en valeur, mais sans prendre en compte celle des recettes des collectivités. En outre, c'est à la demande même de l'État que les collectivités devaient parfois impulser des politiques nécessairement coûteuses, comme le dédoublement des classes de CP.

Le maire de Cergy et ses pairs se sont par ailleurs alarmés des difficultés de recrutement que leurs collectivités rencontrent. Elles menaceraient tout simplement le fonctionnement du service public. Ajouter des difficultés avec un dispositif de maîtrise des dépenses de fonctionnement serait particulièrement mal venu, estiment les élus.

Suppression de la CVAE

Si les collectivités devaient se voir appliquer un dispositif de contribution au redressement des finances publiques – ce qui en soi ne semble pas rebuter les élus urbains, à condition qu'ils puissent pleinement participer à sa définition –, celui-ci pourrait par exemple reposer sur l'obligation pour les collectivités de disposer d'un niveau minimum d'autofinancement (épargne brute). Cette piste, qui figure parmi les dernières propositions de la Cour des comptes, ne déplairait pas à France urbaine.

Contrairement à la participation des collectivités au redressement des finances publiques, la suppression dès 2023 de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) a bien été confirmée par la Première ministre le 6 juillet. Ce qu'a regretté la présidente de France urbaine. Johanna Rolland a vu dans cette annonce "une entorse" à la promesse qu'Élisabeth Borne a faite, plus tôt lors de son discours, d'associer plus étroitement les collectivités locales aux décisions.

Sur le fond, les élus urbains contestent l'analyse qui classe la CVAE parmi les impôts dits de production, à savoir ceux qui frappent les entreprises avant même qu'elles n'aient perçu des bénéfices. À l'instar du maire de Dijon, François Rebsamen, ils estiment aussi que, privées de retombées fiscales, les collectivités "ne feront plus d'efforts" pour que des entreprises s'installent sur leur territoire. D'autant que ces implantations risquent de contrevenir au principe de zéro artificialisation nette (ZAN).

"Restaurer un impôt local, ça va faire un gros score !"

Les sénateurs présents lors des Rencontres ont promis de porter le fer lors de la discussion sur le prochain projet de loi de finances. "Supprimer des impôts et les remplacer par des dotations : quand on n'a pas d'argent, ça s'appelle de l'imprévoyance", a dénoncé Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances du Sénat. Claude Raynal, président de la commission, a pour sa part jugé qu'il fallait "prendre un peu de temps" avant d'envisager cette mesure, qui interviendrait moins de deux ans après la suppression d'une première tranche de CVAE.

Une chose est certaine : si elle est votée, la mesure aura pour conséquence de raboter encore un peu plus l'autonomie fiscale locale, puisque la répartition de la CVAE repose en partie sur des critères locaux. C'est dans ce contexte que la commission des finances du Sénat a demandé à la Cour des comptes de lui présenter différentes options pour l'avenir du financement des collectivités territoriales. Le rapport lui sera remis fin septembre, au moment de la présentation du projet de loi de finances pour 2023. Le Sénat aura ainsi très rapidement une fenêtre pour déposer des amendements. Pour autant, Claude Raynal a fait montre de sa désillusion sur le sujet. "J'attends toujours un candidat à la présidentielle disant qu'il restaure un impôt local. Ça va passionner les foules et ça va faire un gros score !", a-t-il lancé. En confiant qu'il avait "d'abord envie de sauver ce qui reste" de l'autonomie fiscale locale.

 

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