Finances locales : les derniers chiffres de l'impact de la crise
Bercy vient d'arrêter les comptes des collectivités locales pour 2020. Ils font apparaître que malgré la crise, le secteur est parvenu à préserver en partie ses marges de manœuvre financière. Avec des perspectives que le gouvernement qualifie de "rassurantes" pour la fiscalité locale, les collectivités sont bien placées pour participer à la relance. Cela se traduit par de premiers résultats encourageants : selon une étude AdCF-Banque des Territoires, la commande publique locale a bien accéléré au début de cette année.
"Les collectivités sont les acteurs publics qui ont le mieux résisté face à la crise", a affirmé le ministre délégué en charge des Comptes publics, en présentant le 18 mai les comptes définitifs des collectivités territoriales en 2020. Le solde budgétaire des collectivités est "quasiment à l'équilibre" à la fin de l'année dernière, alors que les budgets de l'Etat et de la Sécurité sociale accusent des déficits respectifs de 7,9% et 2,1% du PIB, a-t-il détaillé lors d'une audition en visioconférence par la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation au sein de l'Assemblée nationale. Autre preuve de la santé financière du secteur public local, selon le ministre : à 30,6 milliards d'euros, le niveau de l'épargne brute (c'est-à-dire la différence entre les recettes et les dépenses de la section de fonctionnement, qui permet de couvrir le remboursement de la dette et les dépenses d’équipement) se maintient à un niveau très proche de 2018 (31,4 milliards).
Ce résultat est dû en particulier à la bonne tenue des recettes fiscales locales. "Les dégradations que nous craignions ne sont pas intervenues. C'est tant mieux, cela signifie que les collectivités ont bien résisté", a déclaré Olivier Dussopt. Le recul tant redouté des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) perçus sur les transactions immobilières a ainsi été limité pour les départements (-1,5%) et dans une moindre mesure pour les communes et leurs groupements (-3,6%). De son côté, le versement mobilité a connu une réduction certes "importante" (-4,5%), mais qui s'avère "plus de deux fois et demie inférieure" aux prévisions.
De plus fortes dépenses dans les grandes villes
"L'effondrement" des recettes de fonctionnement des départements auquel certains s'attendaient ne s'est donc pas produit. Celles-ci ont connu un recul de 0,5%. Dans le même temps, les dépenses de fonctionnement des départements ont accéléré (+1,7%, contre +1,3% en 2019). Cette hausse s'explique largement par le dynamisme des dépenses liées aux allocations individuelles de solidarité (+5,3%). Parmi celles-ci, le RSA a connu une hausse de 7,3% en moyenne. L'effet de ciseaux enregistré par les budgets départementaux s'est traduit par une réduction de leur épargne brute de 1,3 milliard d'euros. Les départements ont ainsi retrouvé en 2020 le niveau de leur épargne brute de l'année 2018 (8,2 milliards d'euros). Mais les départements ne constituent pas un ensemble homogène : certains ont connu des évolutions fiscales plus défavorables que la moyenne des départements, ou bien encore des progressions des dépenses en matière de RSA plus importantes (jusqu'à +15% ou +16% pour certains).
De même, les situations des communes et des groupements sont assez hétérogènes. Les communes de moins de 3.500 habitants - qui représentent 91% des communes - "ont vu leur situation s'améliorer en 2020 par rapport à 2019". La réduction de leurs recettes de fonctionnement (-0,9%) et, en parallèle, celle de leurs dépenses de fonctionnement (-1,8%) débouchent sur une progression de leur épargne brute (+2,4%). Il en a été très différemment dans les plus grandes communes, a reconnu le ministre, en mettant en avant les "réponses" et les "moyens d'accompagnement" que celles-ci ont dû mettre en oeuvre pour aider les populations. Des dépenses coûteuses qui ont participé à l'apparition des pertes financières dans les budgets des grandes villes et qui conduisent leurs élus à demander à l'Etat une "compensation financière", via une mesure à inscrire dans le projet de loi de finances rectificative qui sera présenté le 2 juin prochain.
Aides en faveur des régies
Les diverses mesures initiées par le gouvernement ont contribué à protéger les finances locales, a aussi souligné le ministre. Olivier Dussopt a égrené les chiffres. 4.219 communes et intercommunalités ont bénéficié du filet de sécurité des recettes fiscales et domaniales du bloc local en 2020 (pour un peu moins de 170 millions d'euros), 86 autorités organisatrices de la mobilité (AOM) de province ont bénéficié de 584 millions d'euros prenant la forme d'avances remboursables et 40 départements ont perçu fin 2020 des avances remboursables de DMTO à hauteur de 394 millions d'euros. Mais étant donné que l'évolution de la taxe est moins défavorable que prévu, le dispositif à destination des départements ne coûtera réellement in fine que 120 millions d'euros à l'Etat. "Parmi les 40 départements qui avaient demandé des avances, seuls trois connaissent une perte de DMTO par rapport à la moyenne des années 2017 à 2019", a précisé Olivier Dussopt.
"Les premières données pour 2021 sont rassurantes", a complété la ministre en charge de la Cohésion des territoires, qui est intervenue au cours de la même audition. Selon les prévisions de la direction générale des finances publiques, la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) ne baisserait cette année que de 1,1%, soit beaucoup moins qu'anticipé auparavant. Par ailleurs, les DMTO n'ont pas flanché, en tout cas pour le moment. Lors du premier trimestre 2021, ils ont progressé de 10% par rapport à la même époque de l'an dernier. La hausse atteint 22% en incluant le mois d'avril (mais celui-ci avait été particulier en 2020, du fait du confinement).
Les communes et intercommunalités qui connaîtront des difficultés pourront être encore soutenues cette année, via le filet de sécurité des recettes fiscales du bloc local inscrit dans la loi de finances pour 2021. Ce dispositif sera complété dans le prochain collectif budgétaire, afin de venir en aide aux régies ayant le statut d'établissements publics industriels et commerciaux (certaines stations thermales et stations de ski par exemple) qui n'ont été éligibles ni au dispositif d'activité partielle, ni au fonds de solidarité.
Cette situation financière, meilleure dans son ensemble que prévu, est "de bon augure pour permettre aux collectivités de participer au rebond", a estimé le ministre délégué en charge des Comptes publics. Au vu des derniers résultats du baromètre de la commande publique (voir ci-dessous), le ministre avait semble-t-il raison d'être optimiste.
Selon le baromètre de la commande publique mis en place par l'Assemblée des communautés de France (AdCF) et la Banque des Territoires, le volume d’achats de la commande publique nationale (fonctionnement et investissement) a retrouvé au premier trimestre 2021 "un niveau proche des premiers trimestres des années 2018 et 2019". Dans un communiqué, l'AdCF déclare que "la progression de +26% du premier trimestre (par rapport au premier trimestre 2020) peut faire espérer un redressement très net sur l’année 2021 et le retour à la dynamique qui était constatée en 2019, avant le surgissement de la crise sanitaire". Le rôle des collectivités territoriales dans cette reprise "est essentiel", analyse l'association des présidents d'intercommunalité : au 1er trimestre 2021, 63% des achats (en valeur) reposent sur elles, soit 5 points de plus par rapport à leur poids relatif au cours du dernier mandat. L’effet "rebond" du premier trimestre 2021 concerne tous les niveaux de collectivités. |