Financement de la transition écologique dans les villes de banlieue : des leviers encore insuffisamment actionnés
La transition écologique est un vrai sujet pour les habitants des villes populaires et leurs élus, même si la pression du quotidien peut occulter sa prise en compte spécifique dans les stratégies et les finances locales. Une étude réalisée par l’Agence France locale pour Ville & Banlieue met en avant les leviers à disposition des élus pour disposer de financements dédiés, mais aussi pour "verdir" les budgets et impliquer les habitants et les administrations dans cette transition.
L’association des maires Ville & Banlieue de France a rendu publique, ce 23 septembre 2021 à l’occasion de son assemblée générale, une étude sur le financement de la transition écologique et sociale dans les villes de banlieue. Réalisée par l’Agence France locale (AFL), cette analyse est une déclinaison d’une étude plus vaste, conduite par les élèves administrateurs de l’Inet et publiée en juin dernier, sur le financement de la transition écologique dans les territoires, ayant déjà donné lieu à une déclinaison spécifique sur les petites villes.
"Les villes de banlieue se révèlent être pionnières en matière de transition écologique et sociale", affirment l’association d’élus et l’AFL dans un communiqué. À partir d’une enquête menée auprès des membres de Ville & Banlieue et d’entretiens qualitatifs, les auteurs identifient un "bloc social", évidemment omniprésent autour des priorités de l’alimentation pour tous, l’éducation populaire, la culture et le sport, l’accompagnement à l’emploi et à l’insertion professionnelle. Mais le volet environnemental serait également présent autour de l’efficacité thermique des bâtiments, les mobilités douces, la biodiversité et la végétalisation.
Deux tiers des élus répondants prennent en compte la transition écologique dans leurs stratégies
Centrée sur les spécificités des villes de banlieue, l’étude met en avant des freins, que sont en particulier la pression des problématiques du quotidien, le manque de moyens et la rotation de la population dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) - rotation qui ne facilite pas la sensibilisation à ces enjeux. On observe ainsi une "forte hétérogénéité de la prise en compte de la transition écologique" dans les stratégies des maires de Ville & Banlieue, cette prise en compte étant effective pour deux tiers des répondants (un tiers depuis le précédent mandat, un tiers dans le cadre du mandat actuel) et inexistante pour le dernier tiers.
Contrairement à un "imaginaire" répandu selon lequel les enjeux écologiques n’intéresseraient pas les quartiers populaires, "la préoccupation existe chez nos habitants", a commenté Hélène Geoffroy, maire de Vaulx-en-Velin, ce 23 septembre lors d’une conférence de presse à Lyon et en visio. Selon elle, ces enjeux de transition permettent d’impliquer davantage les habitants sur les sujets du quotidien - aménagement, transports, alimentation, etc. -, dans le cadre de commissions participatives sur le développement durable par exemple. C’est également un enjeu de lutte contre les inégalités, estiment les élus de Ville & Banlieue, les périodes de confinement ayant particulièrement mis en exergue le nombre important de "passoires thermiques" dans les quartiers populaires.
Budgets verts, plans climat air énergie… quelques collectivités en pointe
"Certaines collectivités font de la transition écologique le cœur de leurs politiques, comme à Septèmes-les-Vallons (Bouches-du-Rhône) où sept élus pour le mandat ouvert en 2020 sont chargés des questions de transition, ou encore Échirolles (Isère), qui structure toute une partie de sa programmation pluriannuelle des investissements autour de son plan Climat Air Énergie 2020", peut-on lire dans l’étude. Y est cité également l’exemple de Vernouillet (Yvelines) et de son "budget vert" récemment mis en place pour "responsabiliser les services et valoriser leurs actions en faveur du développement durable". Dans cette commune, chaque service doit consacrer 10% de son budget à des dépenses (projets ou achat de matériel) dites "vertes", au risque de perdre l’enveloppe dédiée si l’objectif n’est pas atteint.
Pour flécher des financements vers des actions de développement durable, certaines métropoles utilisent quant à elles des "méthodes proposées par I4CE ou le Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD), mais ces actions demeurent réduites", nuancent les auteurs de l’étude. Afin de financer leur propre investissement en la matière, les collectivités ont accès à des possibilités qui sont listées : aides de l’État et de ses opérateurs tels que l’Anru et l’Ademe, subventions d’autres collectivités, recours à l’emprunt, émissions d’obligations vertes, soutien d’acteurs privés, dispositifs de financement participatif… Ces possibilités sont "inégalement utilisées", d’abord parce qu’elles sont mal connues mais aussi du fait d’un déficit d’ingénierie – pour les plus petites collectivités – ou de "lenteurs et [d’]inerties des administrations et des modes de pensée des administrés" - dans les plus grandes villes.
"On n’en peut plus des appels à projets"
Sont identifiés trois leviers pour accélérer cette transition et son financement : "intégrer les citoyens pour légitimer les dépenses", notamment en s’appuyant sur les associations ; "acculturer les administrations et les élus du bloc communal", en créant par exemple une mission transversale "transition écologique et développement durable" ; et "rendre les finances vertes", via la mise en place de budgets verts, d’indicateurs issus de la notation extra-financière, de "prêts fléchés verts", de réponses à des appels à projets spécifiques (tels que les contrats de relance et de transition écologique ou des appels à projets européens) ou de demandes de financement à des opérateurs publics (dont la Banque des territoires).
"On n’en peut plus des appels à projets", clame toutefois Thierry Falconnet, maire de Chenôve et président de Ville & Banlieue. À l’occasion d’un prochain Comité interministériel des villes, l’association d’élus demandera un "choc de simplification". Les élus s’indignent notamment de la durée – entre trois et cinq ans – jugée excessivement longue entre l’instruction et le démarrage effectif des nouveaux projets de rénovation urbaine. Ville & Banlieue prépare également une plateforme de propositions qui sera remise aux candidats à l’élection présidentielle.