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Commande publique - Fin des tarifs réglementés d'énergie, début du casse-tête contractuel

Saisi d'une question sur l'inadaptation du Code des marchés publics aux contrats publics de fourniture d'énergie, le ministère de l'Ecologie, du Développement durable et de l'Energie, dans sa réponse du 16 septembre 2014, apporte des précisions sur les modalités de mise en œuvre de tels marchés. L'occasion de faire le point sur les conséquences de la fin des tarifs réglementés d'énergie fixée au 31 décembre 2014 pour les acheteurs publics.

Échéances et offre transitoire

La loi relative à la consommation du 17 mars 2014 oblige la plupart des structures publiques (Etat, collectivités territoriales, hôpitaux, universités, établissements publics, etc.) à se conformer à la fin des tarifs réglementés de vente de gaz avant le 31 décembre 2014. Cela signifie qu'à cette date, pour tous leurs sites, nouveaux et existants, les opérateurs publics devront ouvrir à la concurrence leurs marchés d'achats de gaz naturel.
Cependant, cette loi donne également la possibilité aux acheteurs publics se trouvant hors délais, de répondre à une offre transitoire assurée par l'opérateur historique ou une entreprise locale de distribution (article 25 de la loi sur la consommation et article L.445-4 du Code de l'énergie). Cette offre aura une durée de validité de 6 mois à compter de la date butoir, c'est-à-dire jusqu'au 31 juin 2015. Ce délai supplémentaire est octroyé par le législateur dans le but d'assurer la continuité du service public et de permettre à l'acheteur public de constituer et finaliser son appel d'offres. Cependant, l'ancien ministre de l'Economie, du Redressement productif et du Numérique, Arnaud Montebourg, a annoncé en mai 2014, que cette offre transitoire ne serait pas applicable aux personnes publiques qui, en y souscrivant, s'exposeraient à un risque juridique, notamment pénal. Par ailleurs, la Commission de régulation de l'énergie (CRE) a confirmé suivre la même ligne que Bercy. A ce jour, la question sur le sujet demeure en suspens.

Allotissement, prix révisables, clause de "stand still"…

La question posée au ministère de l'Ecologie, du Développement durable et de l'Energie, concerne trois dispositions majeures du Code des marchés publics. Le député Jacques Myard, auteur de la question ministérielle, souhaite d'abord avoir plus de précisions s'agissant des méthodes d'allotissement des marchés d'approvisionnement d'énergie. Il est d'abord fait un rappel de l'exception au principe d'allotissement selon laquelle le marché global est autorisé lorsque "la dévolution en lots séparés pourrait […] restreindre la concurrence ou renchérir le coût du marché". En ce qui concerne les marchés d'approvisionnement d'énergie, "l'allotissement géographie" c'est-à-dire par sites ou la "segmentation par grands types de clients" (établissements scolaires, hospitaliers, services publics, etc.) sont des pistes envisageables, précise le ministère.
Par ailleurs, la question de l'article 18-V a également été soulevée. Selon les dispositions de cet article, "les marchés d'une durée d'exécution supérieure à trois mois" et dont le prix des fournitures, notamment de matières premières "est directement affecté par les fluctuations de cours mondiaux, comportent une clause de révision de prix". Ainsi, pour les achats de gaz, seuls des prix révisables peuvent être appliqués, ce qui engendre un manque de "sécurité, stabilité et prévisibilité", selon le député. Pourtant, les prix révisables ne doivent pas être considérés comme un obstacle, mais au contraire, comme un moyen de "lisser les variations à la hausse et à la baisse, évitant ainsi une évolution brutale". De plus, cela permet au pouvoir adjudicateur de ne pas "intégrer [de] prime de risque" au contraire d'un marché à prix fixe et permet d'éviter tout engagement de volumes. Quant au manque de "visibilité budgétaire", le ministère balaye cet argument. La variation est inhérente à ce type de marché car "même à prix fixe, la variation de la rigueur climatique" impacte sur la consommation et le montant annuel de la facture.
Enfin, la clause de "stand still". Il s'agit d'un délai suspensif (de 11 jours) entre la communication de la décision d'attribution du marché et la signature de ce dernier afin de permettre aux soumissionnaires d'engager, le cas échéant, une procédure de recours. Ainsi, se pose la question du respect de cette clause avec le besoin accru de réactivité dans les marchés d'achats de gaz étant donné la volatilité de leur prix et la courte durée de validité des offres des fournisseurs (48 heures, 24 heures voire quelques heures). L'accord-cadre apparait comme la solution la plus adaptée selon le ministère. Celui-ci permet de définir "toute les caractéristiques techniques du marché à l'exception du prix", mais également de "retenir, dans le cadre des marchés subséquents, l'offre la plus compétitive en quelques heures".

… et autres éléments des marchés d'achats de gaz naturel

Lors de la 166e session d'études "Les achats d'énergie, évolutions réglementaires et conséquences contractuelles", organisée par l'Apasp le 22 mai dernier, de nombreux autres éléments ont été abordés. A titre d'exemple, lorsque les variantes (propositions alternatives à l'initiative des candidats) sont autorisées, elles doivent être analysées par le pouvoir adjudicateur dans le but de motiver son acceptation ou son rejet de celles-ci. La durée du contrat recommandée est de deux ou trois ans et de préférence des durées en année pleine et débutant au premier du mois. Il existe également des critères de sélection des offres propres à ce type de marchés comme le bilan énergétique annuel, la qualité de l'organisation technique et commerciale, les garanties de sécurité d'approvisionnement ou encore des critères sociaux et environnementaux…
Pour tout complément, le guide de l'Apasp et du Syndicat national des directeurs généraux des collectivités territoriales intitulé "Guide pour la passation des marchés publics de fourniture de gaz naturel et de services associés, février 2014" est disponible sur le site de l'association.
A noter, en ce qui concerne l'achat d'électricité, la date butoir de la fin des tarifs réglementés est annoncée pour le 31 décembre 2015.

L'Apasp

Références : loi sur la consommation du 17 mars 2014 (article 25 paragraphe III) ; guide pour la passation des marchés publics de fourniture de gaz naturel et de services associés, Apasp, Syndicat national des directeurs généraux des collectivités territoriales, février 2014.