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Fermetures liées au Covid-19 : les élus locaux voient rouge

Aix-Marseille et la Guadeloupe en "zone d'alerte maximale". Paris, Lille, Toulouse, Saint-Etienne, Rennes, Rouen, Grenoble, Montpellier, Bordeaux, Lyon et Nice en "zone d'alerte renforcée". Avec une série de fermetures et restrictions à la clef. Bars et restaurants, salles de sport, salles polyvalentes... Ces annonces d'Olivier Véran mercredi soir ont suscité une levée de boucliers. Notamment à Marseille et Paris. Mais l'Association des maires de France a elle aussi sèchement réagi à ce qu'elle considère comme une absence totale de concertation avec les acteurs locaux. Les heures qui viennent promettent des discussions serrées entre préfets et élus locaux.

"Les annonces du ministre de la Santé hier soir constituent un retour en arrière sur l’esprit de concertation qui a prévalu entre l’Etat et les maires depuis le déconfinement. Cette méthode autoritaire, solitaire et non concertée porte en elle un risque d’ajouter à la crise sanitaire une crise de confiance." Cette réaction tranchée n'est pas celle du maire de Marseille… mais de l'Association des maires de France. "Alors que le gouvernement a mis en avant depuis plusieurs mois l’importance du bon fonctionnement du binôme préfet-maire, le ministère de la Santé choisit de mettre les maires devant le fait accompli. Les maires ne sont pas des supplétifs que l’on siffle ou que l’on sonne pour qu’ils entérinent en silence des décisions dont la pertinence mérite au moins d’être questionnée au préalable", poursuit l'AMF dans son communiqué diffusé ce jeudi 24 septembre à la mi-journée. Et de vouloir que "la concertation soit reprise immédiatement tant au niveau national (…) qu’au niveau des préfets de départements pour que les décisions annoncées hier fassent l’objet d’une mise en œuvre adaptée et progressive". Et qui demande à être reçue par le Premier ministre.

L'association Villes de France, qui représente les villes de 10.000 à 100.000 habitants, a emboîté le pas à l'AMF, souhaitant elle aussi que "la concertation puisse se poursuivre à deux niveaux" : "Au niveau national avec l’ensemble des associations représentatives pour adapter le cadre d’intervention de l’État et la méthode de concertation avec les élus locaux ; au niveau local en s’appuyant sur le couple maire/préfet qui doit pouvoir, dans ce cadre, bénéficier d’une latitude suffisante dans l’application des décisions", a-t-elle détaillé dans un communiqué diffusé jeudi après-midi.

Trois nuances de rouge

A l'origine de ces demandes, on le sait : pour éviter un nouvel emballement incontrôlé de l'épidémie de Covid-19, le ministre de la Santé a annoncé mercredi soir lors d'une conférence de presse qu'un sévère tour de vis allait être imposé aux principales villes du pays. Dans la nouvelle définition du gouvernement, qui prône une gestion locale et des mesures adaptées à chaque endroit, les départements classés en rouge le sont selon trois niveaux : la zone d'alerte, où "le virus circule nettement", la zone d'alerte renforcée, où il "circule très fortement", et la zone d'alerte maximale, où "les conséquences sont déjà lourdes sur le système sanitaire". Soixante-neuf départements sur 101 sont en zone d'alerte. Trois critères ont été pris en compte :  le taux d'incidence (nouveaux cas) de la maladie dans la population, celui chez les personnes âgées (population la plus vulnérable) et la proportion de malades du Covid dans les services de réanimation.

La métropole d'Aix-Marseille et la Guadeloupe ont ainsi été classées en "zone d'alerte maximale", dernier niveau avant l'état d'urgence sanitaire, selon le nouveau classement des autorités. Outre les bars et restaurants, à partir de ce samedi 26 septembre, tous les établissements recevant du public (ERP) vont y être fermés, sauf ceux qui ont un "protocole sanitaire strict", comme les théâtres, les musées ou les cinémas, a indiqué Olivier Véran. On peut supposer que des précisions vont être demandées pour les autres ERP.

Onze métropoles sont quant à elles en "zone d'alerte renforcée" : Paris, Lille, Toulouse, Saint-Etienne, Rennes, Rouen, Grenoble, Montpellier, plus Bordeaux, Lyon et Nice, qui s'y trouvaient déjà. Si la situation ne s'améliore pas, d'autres métropoles pourraient passer à ce niveau, a prévenu Olivier Véran, en citant d'ores et déjà "Tours, Strasbourg, Dijon et Clermont-Ferrand". Et "si la situation se dégrade encore", de nouvelles villes pourraient être mises en alerte maximale, a précisé le ministre.

Dans ces villes, la jauge des rassemblements est abaissée à 1.000 personnes (contre 5.000 auparavant). Par ailleurs, les rassemblements de plus de 10 personnes dans l'espace public (parcs par exemple) sont interdits. Les salles de sport et gymnases vont devoir fermer. Ainsi que "toutes les salles des fêtes et salles polyvalentes pour les activités festives et associatives". Enfin, les bars (mais pas les restaurants) devront fermer leurs portes tous les soirs avant 22 heures. Toutes ces mesures "s’appliqueront à compter de samedi" (lundi pour les salles polyvalentes), à l’issue d’une "concertation entre le préfet et les élus locaux". Soit 48 heures de discussions.

Marseille demande un délai de 10 jours

Ces discussions promettent d'être vives, que ce soit en zone d'alerte maximale ou zone d'alerte renforcée. Toutes ces mesures, les plus spectaculaires depuis la fin du confinement le 11 mai, ont immédiatement suscité une vague de mécontentements sur le terrain… notamment à Marseille, où élus et habitants les considèrent comme une "punition".

"Je suis en colère parce qu'il n'y a eu aucune concertation et c'est simplement inadmissible. Pourquoi avoir un tour de vis, alors que les chiffres commencent à aller dans le positif pour nous depuis quelques jours ?", a déploré sur France Info la maire de Marseille, Michèle Rubirola (EELV). Lors d'une conférence de presse, son premier adjoint (PS) Benoît Payan a dénoncé un "affront" après l'annonce "sans concertation" par le gouvernement, de "restrictions incroyables". "Une nouvelle fois, notre territoire est montré du doigt (...) avec madame la maire, nous demandons au gouvernement 10 jours avant la mise en oeuvre de nouvelles mesures", a-t-il ajouté. "Si au bout de ces 10 jours l'épidémie reprend, on est prêts à assumer ces décisions". Le président de la région Paca, Renaud Muselier, a dénoncé une décision "prise de façon unilatérale", dans laquelle il voit un "quasi-reconfinement". Et est allé plus loin en début de soirée, annonçant : "Nous déposerons dès demain un recours en référé-liberté contre l’arrêté préfectoral, avec des restaurateurs et des cafetiers directement touchés par les mesures annoncées. Ensemble, nous manifesterons demain matin devant le Tribunal de commerce de Marseille."

La maire de Paris, Anne Hidalgo a estimé lors d'un déplacement au Havre que la fermeture des bars à 22H00 et des salles de sport dans la capitale étaient des mesures "difficiles à comprendre" et a dit avoir protesté auprès du gouvernement et du préfet. Quelques heures plus tôt, son premier adjoint, Emmanuel Grégoire, s'était dit "dubitatif sur la fermeture des bars", estimant que "le risque maximum est dans les espaces privés". "Il revient maintenant aux préfets d'en moduler l'application", a-t-il souligné, précisant que la mairie de Paris plaidera pour "une proportionnalité sur un certain nombre de mesures relatives au sport, la vie sociale et la culture". "Face au retour du Covid-19, j'appelle les Franciliens à une grande autodiscipline. Mais je demande aussi au gouvernement de respecter une vraie concertation avec les collectivités sur les décisions impactant des bars et restaurants déjà très fragilisés", a de même tweeté la présidente de la région Ile-de-France, Valérie Pécresse.

Les professionnels du secteur ne sont évidemment pas en reste. "Nous sommes vraiment à bout, c'est une situation de non-retour qui va déboucher sur une casse économique et sociale très importante", a déclaré à l'AFP Roland Héguy, président de l'Umih, principal syndicat du secteur des hôtels, cafés, bars, restaurants et discothèques, au sortir d'une conférence téléphonique avec les représentants du secteur, reçus par Bruno Le Maire et le ministre délégué aux PME Alain Griset. "Nos établissements, eux, ont dépensé des millions d'euros pour respecter les protocoles, et on veut nous faire fermer ?", s'indigne Franck Trouet, porte-parole du syndicat patronal GNI, qui représente les indépendants de l'hôtellerie et de la restauration. "C'est contre-productif: en fermant nos établissements à 22 heures, on pousse nos clients à faire la fête ailleurs: les plages et bords de fleuves tant qu'il fait beau, et demain les appartements privés", a-t-il jugé. De "nouvelles mesures de soutien" sont à l'étude, a indiqué une source gouvernementale, sans plus de précisions. Les professionnels du secteur ont en tout cas demandé, a minima, de nouvelles aides publiques pour leurs établissements et la prise en charge complète, par l'Etat, de leurs pertes d'exploitation.

 "Concerter ne veut pas dire forcément tomber d'accord, à un moment le principe de responsabilité doit primer", a répondu Olivier Véran ce jeudi matin lors de son audition par la commission d'enquête du Sénat sur la crise sanitaire.

Jean Castex : des "mesures impopulaires" qu'il "aurait été très difficile pour les élus locaux d'assumer"

"Quand il y a des mesures impopulaires et importantes il vaut mieux que ce soit l'Etat, responsable de la sécurité sanitaire en dernier ressort, qui les assume. Il aurait été très difficile pour les élus locaux d'assumer", a estimé Jean Castex ce jeudi soir sur France 2 lors de l'émission "Vous avez la parole", sa première grande émission politique depuis sa nomination début juillet.
"On ne joue pas avec une épidémie", a mis en garde le Premier ministre, en appelant de nouveau à "la responsabilité", qui est "nécessairement collective". "Il faut que l'opinion soit très attentive. Si nous n'agissons pas, on pourrait se trouver dans une situation proche de celle du printemps. Ca pourrait pouvoir dire reconfinement", a-t-il averti. Il a rappelé que l'objectif du gouvernement était "simple": "éviter la saturation de nos établissements hospitaliers", en particulier les services de réanimation.
Interrogé sur un éventuel reconfinement des Ehpad, il a répondu : "Non. On ne reconfine pas les Ehpad", "il faut tout faire pour éviter ça".
Répondant à une restauratrice de Marseille, il a précisé que "la mesure c'est pour 15 jours, et nous espérons que nous pourrons rouvrir dans 15 jours", a dit Jean Castex à la restauratrice. "Nous allons indemniser la perte du chiffre d'affaires que vous allez subir", lui a-t-il assuré, car "il n'est pas question que vous subissiez les conséquences de ces conditions sanitaires".
Le chef du gouvernement a en outre fait savoir que "les piscines municipales couvertes vont fermer". Après hésitation sur ce point, Olivier Véran a confirmé : "Les piscines couvertes seront fermées et celles en plein air resteront ouvertes, selon les recommandations soumises à la concertation".

 

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