Faute de moyens, l'aide publique au développement va se concentrer sur "les plus vulnérables"

Face à la baisse drastique des crédits de l'aide publique au développement dans le budget actuel et au retrait des principaux bailleurs sur la scène internationale, la France entend recentrer son action sur les pays "les plus vulnérables". Ces derniers recevront 60% des crédits.

Rabotée de plus de 2 milliards d’euros en 2025, soit plus du tiers de son budget total, l’aide publique au développement (APD) va devoir se concentrer sur les pays et les populations "les plus vulnérables". C’est ce qu’indique un communiqué de l’Élysée publié le 6 avril, à l’issue du conseil présidentiel pour les partenariats internationaux qui s’est réuni vendredi autour d’Emmanuel Macron. Une décision justifiée un peu ironiquement par "le retrait de grands partenaires" dans l’aide internationale, les États-Unis ayant décidé de mettre fin à 83% des programmes soutenus par leur agence nationale l’USAID, le plus gros bailleur au monde qui, sous couvert de solidarité internationale, se serait révélé être un formidable moyen d’ingérence étrangère. En Europe, la France n’est pas le seul pays à réduire son aide : la Belgique, la Suède, les Pays-Bas mais aussi l’Allemagne ont eux aussi annoncé des coupes drastiques en 2025, à la suite de la Grande-Bretagne qui avait déjà fortement réduit ses crédits il y a quelques années. 

Dans un contexte marqué par "l'impératif national de redressement" des comptes publics, la France dit vouloir concentrer "efficacement" ses efforts "là où les besoins sont les plus importants et les plus urgents pour contribuer à la stabilité du monde". Ainsi l’État s’engage-t-il "à consacrer au moins 60% de ses dons aux pays les plus vulnérables, dont les pays les moins avancés et ceux particulièrement vulnérables au changement climatique ou en situation de grande fragilité financière, en s’appuyant notamment sur l’indice de vulnérabilité multidimensionnelle de l’ONU (MVI)". L’Ukraine est citée comme étant "prioritaire", "en raison du soutien massif dont elle a besoin et de la menace directe qui pèse sur l'Europe". Autres partenariats revêtant une "importance particulière" : le continent africain, "dans le cadre de l’agenda de transformation de nos relations", l’Indopacifique et "l’enjeu stratégique que constitue la stabilisation du voisinage européen".

Dix objectifs

Les orientations stratégiques fixées vendredi seront "déclinées d’ici le mois de juin par le comité interministériel compétent, sous l’autorité du Premier ministre, en vue d’être appliquées par tous les opérateurs, instruments et instances dans lesquelles siège la France". Le conseil de vendredi a permis de réaffirmer les dix objectifs arrêtés en 2023 (sortie du charbon, préservation de la biodiversité, jeunesse, droits des femmes, résilience face aux risques sanitaire, souveraineté alimentaire…). En 2025, toutes les ambassades des pays concernés devront établir une stratégie reposant sur trois de ces dix priorités "auxquelles pourra toujours être ajoutée la lutte contre l’immigration irrégulière et les filières clandestines". Ces objectifs devront s’appliquer "à tous les opérateurs, instruments et financements de la France", est-il souligné, ce qui s’applique donc à l’action extérieure des collectivités dont les appels à projets ont été récemment bousculés par les coupes budgétaires. L’ensemble des opérateurs devra veiller "à mettre en œuvre à partir d’aujourd’hui la 'signature visuelle unique' (logo France) adoptée par le ministre de l’Europe et des Affaires étrangères pour valoriser les projets financés par les Françaises et les Français".

La présidence de la République compte aussi sur une meilleure gestion, avec "un indicateur de résultat (et non de moyen)". "Chaque euro investi" devra produire "un véritable retour sur investissement", souligne le communiqué, avec un "effet de levier" attendu sur les financements publics comme privés. L’Élysée entend aussi "privilégier la notion de partenariats internationaux plutôt que la terminologie de l'aide publique au développement". À cet égard, l’AFD, qui désigne l’Agence française de développement, est invitée à se trouver un nouveau nom "permettant de mieux refléter le mandat de l'opérateur". 

Évolution erratique 

Pour la France, cette baisse brutale des crédits de l’APD marque un changement de pied important avec les orientations prises par Emmanuel Macron au début de son premier mandat. La loi de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales du 4 août 2021 fixait une trajectoire d'augmentation progressive pour atteindre 0,55% du revenu national brut (RNB) d'ici 2022 et viser 0,7% en 2025. Or les crédits sont retombés à 0,45% cette année. Lors du dernier débat budgétaire, la commission des affaires étrangères et de la défense du Sénat s’en était inquiétée pointant "l’évolution la plus erratique de l’ensemble des missions du budget de l’État : baisse de 1,6 milliard d’euros sous le quinquennat de M. Hollande, augmentation de 120 % entre 2017 et 2024 des CP, soit +3,1 milliards d’euros entre 2017 et 2025, puis à nouveau diminution de plus d’un tiers en 2025".

"Aucune autre politique publique, en proportion de ses budgets, n’a été impactée à ce point. Et c’est très grave parce que 2 milliards d’euros, cela représente l’aide alimentaire pour 9 millions de personnes pendant un an en Afrique de l’Est", avait pour sa part réagi l'association Oxfam France.

 

Abonnez-vous à Localtis !

Recevez le détail de notre édition quotidienne ou notre synthèse hebdomadaire sur l’actualité des politiques publiques. Merci de confirmer votre abonnement dans le mail que vous recevrez suite à votre inscription.

Découvrir Localtis