Familles monoparentales en mal de ressources et de reconnaissance
Les sénatrices Colombe Brossel et Béatrice Gosselin ont présenté ce 28 mars au nom de la délégation sénatoriale aux droits des femmes un rapport intitulé "Familles monoparentales : pour un changement des représentations sociales". L'idée étant que les politiques publiques doivent mieux répondre aux problématiques spécifiques de ces familles, à commencer par le risque accru de pauvreté. Proposition la plus notable : expérimenter une carte "famille monoparentale" ouvrant droit à des avantages et tarifs préférentiels.
Après avoir auditionné pendant trois mois institutions, associations et parents concernés, les sénatrices Colombe Brossel (groupe socialiste, écologiste et républicain, Paris) et Béatrice Gosselin (apparentée Les Républicains, Manche), ont présenté ce 28 mars au nom de la délégation aux droits des femmes un rapport consacré aux familles monoparentales. Autrement dit, pour 82% des cas… aux femmes seules avec enfants.
"Les auditions ont été très denses", a indiqué Colombe Brossel lors d'un point presse, ajoutant : "Lorsque nous avons commencé, en décembre dernier, nous avions l'impression d'explorer un angle mort des politiques publiques." Ce qui n'est plus tout à fait le cas puisque depuis, d'autres se sont intéressés au sujet, y compris du côté du gouvernement. Gabriel Attal a en effet confié début mars à deux parlementaires Renaissance, la députée Fanta Berete et le sénateur Xavier Iacovelli, une mission pour identifier des pistes permettant d'améliorer les dispositifs d'aides destinés aux familles monoparentales (voir notre article). Et en parallèle, le député socialiste Philippe Brun a lancé un groupe transpartisan à l'Assemblée nationale, ambitionnant d'aboutir à une proposition de loi.
Les deux sénatrices, qui vont d'ailleurs échanger avec Xavier Iacovelli, entendent en tout cas porter leurs propositions au débat. Dix propositions visant principalement à lutter contre la précarisation des mères isolées et à "reconnaître ces familles comme un modèle familial parmi d’autres", sachant que ces familles représentent aujourd'hui un quart des familles françaises. Précarisation en effet… puisque l'on constate que 46% des enfants concernés vivent sous le seuil de pauvreté, soit trois fois plus que ceux d'une famille "traditionnelle".
Les premières mesures proposées sont d'abord d'ordre "sociofiscal" et visent à rendre les choses "plus justes et plus lisibles", a expliqué Béatrice Gosselin. Certes, plusieurs dispositions existent : demi-part fiscale supplémentaire, allocation de soutien familial (ASF), majorations de diverses prestations (dont le RSA)… Mais les incohérences et complexités sont là et génèrent un important taux de non-recours.
Parmi les propositions, celle d'expérimenter "le maintien provisoire du versement de l'ASF en cas de remise en couple du parent gardien". Ou encore d'instaurer un abattement sur le montant de la contribution à l’entretien et l’éducation de l’enfant (CEEE, autrement dit la "pension alimentaire") pris en compte dans les bases ressources des prestations familiales et des aides au logement, à hauteur de l’ASF. Mais aussi de réévaluer le barème de calcul de la CEEE "afin de mieux tenir compte, de façon visible et plus équitable, des revenus des deux parents et des différentes dépenses relatives à l’enfant".
Partant du constat d'un besoin de "reconnaissance", les sénatrices proposent par ailleurs "la création à titre expérimental, d'une carte 'famille monoparentale', ouvrant droit à des avantages et tarifs préférentiels" pour certains services et prestations : cantine scolaire, transports publics, loisirs, colonies de vacances, activités périscolaires, activités sportives et culturelles, mutuelle… "Un dispositif pragmatique et concret", résument les sénatrices.
Une telle carte serait "un moyen pour les parents en situation de monoparentalité de se signaler comme tels" auprès des administrations, mais aussi de leur employeur, que ce soit dans le secteur privé ou public. Lors des auditions, certains employeurs ont en effet indiqué qu'ils souhaitaient proposer des dispositifs plus souples à leurs salariés parents isolés (horaires, télétravail, journées enfant malade...) mais ne savaient pas précisément comment les identifier.
L'expérimentation de cette carte "facultative et renouvelable annuellement" serait à envisager sur des territoires diversifiés – territoires urbains connaissant un fort taux de pauvreté, territoires plus ruraux…
La ministre chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, Aurore Bergé, a elle-même récemment soutenu l'idée d'une telle "carte" pour améliorer la "reconnaissance plus spécifique que l'on doit aux familles monoparentales". Les sénatrices écartent en revanche pour l'heure l'idée de la création d'un statut de parent isolé, tel que proposé par les députés Fanta Berete et Philippe Brun, "faute d'évaluation aboutie, à ce stade, du levier juridique, du périmètre et du coût d'un tel statut".
Avec cette carte et au-delà, l'idée est de "décliner des formes de priorités dans les politiques publiques", a résumé Colombe Brossel, citant l'exemple de l'accès aux modes de garde. Interrogée sur la question de l'accès au logement social, l'élue a de même considéré qu'un "accès privilégié" était nécessaire, sachant que nombre de collectivités locales, "dans leurs cotations, accordent déjà davantage de points aux familles monoparentales". De même, le rapport insiste sur la nécessité de "faciliter l’accès des familles monoparentales aux dispositifs d’aide à l’insertion professionnelle".
D'autres propositions, enfin, portent sur l'isolement touchant nombre de familles monoparentales. Il s'agira alors entre autres d'encourager les initiatives d'habitat partagé offrant des espaces et des services communs. Ou encore de développer les dispositifs d’aide à la parentalité (par exemple dans les relations avec l'école) et dispositifs susceptibles d'offrir des temps de répit au parent.