Expérimentation du "Oui Pub" : la première phase est lancée
Les décrets fixant respectivement le cadre de l’expérimentation du dispositif "Oui Pub" et la liste des collectivités territoriales volontaires pour y participer sont parus ce 3 mai. Le but est d'évaluer l'impact environnemental d'une telle mesure, notamment sur la production et le traitement des déchets de papier, ses conséquences sur l'emploi, sur les secteurs d'activité concernés et sur les comportements des consommateurs ainsi que ses éventuelles difficultés de généralisation.
La première phase de l'expérimentation du "Oui Pub", le dispositif prévu par l’article 21 de la loi Climat et Résilience visant à permettre aux citoyens de recevoir des imprimés publicitaires, seulement s'ils l'ont explicitement demandé en apposant une étiquette sur leur boîte aux lettres, a officiellement débuté le 1er mai. Le décret (n°2022-764) en précisant les modalités de mise en œuvre, de gouvernance, de suivi et d’évaluation a donc été publié in extremis ce 3 mai. Au final, treize collectivités territoriales et groupements volontaires*, qui couvrent au total à peine plus de 2,1 millions d’habitants, ont ainsi été sélectionnés pour y participer. La liste complète en est fournie par un second décret (n° 2022-765) publié concomitamment. Deux autres territoires, Troyes Champagne Métropole et la Communauté urbaine de Dunkerque Grand Littoral, rejoindront l’expérimentation en décembre 2022, une fois leur programme local de prévention des déchets ménagers voté, a également précisé le ministère de la Transition écologique dans un communiqué.
Un dispositif en deux phases
La restriction de diffusion des imprimés publicitaires sans adresse (IPSA) sera effective à partir du 1er septembre 2022 (seconde phase du dispositif) et pour une durée de 31 mois, après un délai assurant notamment la bonne information des habitants des collectivités concernées et la distribution des autocollants "Oui Pub", en étroite concertation avec les acteurs économiques locaux (première phase du dispositif). Un comité de pilotage associant l’ensemble des collectivités et entreprises concernées sera d’ailleurs prochainement mis en place sous la présidence de l’Ademe. Il sera entre autres chargé d’élaborer un protocole national d’expérimentation de façon à garantir une comparabilité et une homogénéité dans sa mise en œuvre. Ce dernier fixera notamment les modalités pratiques de marquage des boîtes aux lettres et de pilotage et d’association de l’ensemble des parties prenantes ainsi que les modalités de collecte des données destinées au suivi et à l’évaluation de l’expérimentation.
Sur ce point, l’article 5 du décret précise les données minimales qui devront être recueillies à cette fin : nombre de boîtes aux lettres ayant apposé la mention "Oui Pub", volume estimé des imprimés publicitaires non adressés distribués à domicile, des messages en format numérique et des imprimés adressés, impact sur le tonnage de déchets papier traités par la collectivité, impact économique sur les entreprises concernées, conséquences sur l’emploi, moyens engagés par la collectivité pour la mise en place de l'expérimentation (montant financier sur la période, moyens humains mobilisés), satisfaction et adhésion des citoyens à la mesure, etc. Un comité d’évaluation sera également institué.
Enfin, six mois avant le terme de l’expérimentation, un rapport gouvernemental sera remis au Parlement. Un premier volet sera relatif à l'impact environnemental du dispositif, tandis qu’un second portera sur l'impact socio-économique de l’expérimentation. Le rapport devra en sus intégrer une étude comparée de l'impact environnemental des campagnes publicitaires par voie de distribution d'imprimés et de celles effectuées par voie numérique. "La généralisation du dispositif pourra in fine être envisagée en fonction des résultats de l’évaluation ex post", indique le ministère.
Pour rappel, un autre rapport est prévu par la loi Climat et Résilience "au plus tard le 1er juin 2022" pour évaluer la mise en œuvre de la sanction prévue pour le non-respect du dispositif "Stop pub" (contravention de 5e classe) et son impact sur la distribution d'imprimés publicitaires non adressés.
Un coup d’épée dans l’eau ?
Partageant les objectifs poursuivis, notamment quant à la réduction des déchets, le Conseil national d’évaluation des normes (CNEN), dans sa délibération n°22-03-03-02795/02796 du 3 mars 2022, s’est néanmoins montré assez perplexe "sur l’opportunité pratique du dispositif au regard des nombreuses démarches parallèlement menées par certains acteurs économiques visant à réduire la distribution d’imprimés à visée commerciale non adressés, et ce dans une dynamique plus globale de suppression progressive de la publicité dans ce cadre". L’instance consultative craint en conséquence que la présente expérimentation "ne vise à lutter contre un phénomène en réalité déjà en voie d’extinction". Pour le ministère, le choix de passer par une expérimentation plutôt que par une généralisation directe "vise d’ailleurs à tenir compte des initiatives variées par ailleurs impulsées par les acteurs du secteur". Au regard du caractère "très circonscrit" de l’expérimentation, il considère que l’opportunité de cette démarche volontariste, "plus structurée", n’est pas remise en cause "car elle seule permettra d’évaluer l’attachement des habitants aux informations contenues dans les imprimés publicitaires". L’évaluation qui sera menée dans le cadre du rapport remis avant la fin de l’expérimentation "permettra justement de conduire une analyse comparative entre les territoires expérimentateurs et les autres sur lesquels des actions auront été parallèlement mises en œuvre", ajoute-t-il.
*Le Smictom (Syndicat mixte intercommunal de la collecte et du traitement des ordures ménagères) du Pays de Fougères ; la ville de Bordeaux ; le Smicval (Syndicat mixte intercommunal de collecte et de valorisation) Libournais Haute Gironde ; l'agglomération d’Agen ; Leff Armor communauté ; la ville de Sartrouville (Yvelines) ; la Métropole du Grand Nancy ; Grenoble Alpes Métropole ; le Sytrad (Syndicat de traitement des déchets Ardèche Drôme) ; le Sictoba (Syndicat intercommunal de collecte et traitement des ordures ménagères de la Basse Ardèche) ; la communauté de communes Vallée de l’Ubaye Serre-Ponçon (Alpes-de-Haute-Provence) ; Univalom (Syndicat mixte de traitement et de valorisation des déchets), dans les Alpes-Maritimes, et Syvadec (Syndicat de valorisation des déchets de la Corse).
Références : décret n°2022-764 du 2 mai 2022 relatif à l'expérimentation d'un dispositif interdisant la distribution d'imprimés publicitaires non adressés en l'absence d'une mention expresse et visible sur la boîte aux lettres ou le réceptacle du courrier ("Oui Pub") ; décret n°2022-765 du 2 mai 2022 fixant la liste des collectivités territoriales et groupements de collectivités territoriales participant à l'expérimentation d'un dispositif interdisant la distribution d'imprimés publicitaires non adressés en l'absence d'une mention expresse et visible sur la boîte aux lettres ou le réceptacle du courrier ("Oui Pub"), JO du 3 mai 2022, textes n°3 et 4. |