A Tournefeuille (31), les écoliers pratiquent le "Bus à vélo" pour aller en classe

Depuis deux ans, les écoliers de Tournefeuille ont une troisième option pour rejoindre leur salle de classe sans être livrés à eux-mêmes. Plutôt que la voiture ou le bus, ces derniers peuvent emprunter l'un des multiples circuits de ramassage scolaire à vélo que compte aujourd'hui la commune.

Julie, Marion et Céline sont les premières au point de rendez-vous ce mardi. Il est 8 heures. Quand d'autres attendent leur autobus, ces écolières, chacune en selle sur sa bicyclette, s'apprêtent à utiliser l'un des quatre circuits de ramassage scolaire à vélo qui permettent de desservir le groupe scolaire Mirabeau, à Tournefeuille (Haute-Garonne). L'initiative "Bus à vélo", plutôt originale, rarissime en France, commence à faire école dans d'autres pays européens, en Belgique notamment. Initié en juin 2003 par le maire-adjoint délégué à l'environnement, l'urbanisme et aux transports urbains, Jacques Guilbault, le dispositif a été mis en place en s'appuyant, pour chacun des six groupes scolaires de la commune, sur des associations de parents d'élèves créées à cet effet. Le ramassage a démarré par Mirabeau parce que cet établissement proposait aux élèves des cours sur la pratique du vélo et avait installé un circuit dans l'école. L'opération a également pu s'appuyer sur Philippe Moinat, premier président de l'association de l'école, Ecolavélo, qui a impulsé en grande partie le projet avec la mairie. Aujourd'hui, pour cette seule école, une soixantaine d'enfants utilise ce mode de transport. Un questionnaire avait permis au préalable de confirmer l'engagement des parents, leurs disponibilités en tant qu'accompagnateurs et les lieux qu'il faudrait desservir. "En fonction des réponses, nous avons pu bâtir des circuits, comme pour les bus", explique Jacques Guilbault.

L'apprentissage de la vie

Depuis, le dispositif a été étendu à tous les groupes scolaires et les volontaires, réunis au sein de chaque association, effectuent régulièrement, à tour de rôle, l'accompagnement sur deux grandes plages horaires (à 8 heures et à partir de 16h30), une, deux, voire trois fois par semaine par endroits, et sur un à quatre circuits différents selon les écoles. Certains peuvent atteindre près de trois kilomètres. L'initiative a plusieurs vertus, fort bien résumées par le père des fillettes, Antoine d'Argenlieu, l'un des quinze accompagnateurs de l'association Ecolavélo. "C'est une bonne manière d'apprendre aux enfants à être indépendants, à prendre soin de leur matériel..." Qu'il pleuve ou qu'il vente, le dispositif est maintenu, ce qui fait aussi "partie de l'apprentissage de la vie !" De son côté, Eric Bazile, le nouveau président d'Ecolavélo, évoque le développement de la discipline puisqu'il faut "apprendre à rouler en groupe, à être attentif, à anticiper les dangers". "Et puis, c'est plus marrant", comme le disent beaucoup d'enfants ! Tout un volet social et convivial qu'il convient de rattacher aussi à cette formule. Enfin, tout est bon pour responsabiliser l'enfant. Ainsi, les CM2 sont souvent sollicités pour parrainer un petit novice, "une manière de ne pas les faire décrocher du dispositif, somme toute plus sécurisant que s'ils font le trajet tout seul". Constat étant, rapporte Eric Bazile, "que cela avance un peu trop lentement pour eux quand ils sont grands".

On demande accompagnateurs bénévoles !

Côté environnement, l'effet est aussi indéniable, qu'il s'agisse de pollution sonore ou de l'air, comme en attestent les résultats d'une étude menée spécifiquement sur cette opération par l'Ademe. Selon cette étude, et en considérant le seul groupe scolaire de Mirabeau, la diminution des émissions de CO2 et de polluants atmosphériques se chiffrerait, par jour, à 20,8%. Des effets "écologiques" auxquels les membres des associations souhaitent davantage sensibiliser. Rien de plus irritant d'ailleurs, confie Eric Bazile, que des parents qui utilisent leur voiture pour faire 500 mètres... L'appui sur les associations conditionne néanmoins la survie de l'opération, puisque ce sont les parents qui font vivre le dispositif. Un exercice somme toute difficile, comme le souligne Antoine d'Argenlieu, dans la mesure où il s'agit de trouver des volontaires, mais aussi des disponibilités communes dans la semaine. Contrainte qui fait que le service peut ne pas être assuré chaque année à la même fréquence et qui explique que les quartiers de la commune ne soient pas encore tous desservis. "Beaucoup de parents voient dans ce système une opportunité de ne plus avoir à gérer les trajets de leurs enfants, mais refusent par ailleurs de s'investir", regrette d'ailleurs l'accompagnateur.

Un moment de partage

La pérennité du système repose pour sa part sur la rigueur de l'organisation. Dans cette optique, des chartes, qui doivent être signées par les enfants, les parents et les accompagnateurs, posent et encadrent les rôles et compétences de chacun. Parmi les obligations figurent le port du casque, l'entretien du vélo, le respect de l'heure du rendez-vous, la nécessité d'avoir un accompagnateur pour six enfants... Par ailleurs, les associations doivent toutes prendre une assurance spécifique à la MAE. La sécurité est d'ailleurs l'un des secrets de la réussite de l'opération. Au-delà de l'encadrement, les enfants passent en effet des tests d'aptitudes "tout comme pour le permis moto", souligne Eric Bazile, avant d'être autorisés à intégrer le dispositif. "Un bon début d'apprentissage de la sécurité routière", selon Antoine d'Argenlieu.
Pour l'heure, tout fonctionne. A 8h25, les écoliers ont passé la grille de leur école. Ils ont ainsi évité les bouchons traditionnels, tout en faisant de l'exercice physique. Et surtout, ils ont "partagé" ce moment, ce que souligne Antoine d'Argenlieu, tout comme les parents qui les accompagnent, d'ailleurs, et qui cherchent à promouvoir l'usage du vélo au quotidien. Ainsi, Eric Bazile participera à la Journée "Allons-y à vélo" organisée dans l'agglomération toulousaine le 3 juin, veille de la Journée européenne du vélo, afin d'inciter les habitants à changer d'habitude pour leurs petits déplacements locaux.

Camille Pons pour Localtis

"Lutter contre la pollution tout en sensibilisant à la pratique du vélo"

Jacques Guilbault est maire-adjoint de Tournefeuille, délégué à l'environnement, l'urbanisme et aux transports urbains.

Pourquoi avoir mis en place un tel dispositif dans votre commune ?

Ce dispositif permet de lutter contre la pollution tout en sensibilisant à la pratique du vélo. Cette pratique me paraît très importante pour la santé et pour développer l'autonomie de l'enfant, qui apprend ainsi à circuler en groupe et à respecter des règles communes. Cette action s'inscrit plus globalement dans une politique générale de la ville, qui vise à développer la pratique du vélo comme moyen de transport. La commune dispose aujourd'hui d'un réseau cyclable de 38 km de long et organise depuis 1997 les Cyclades de Tournefeuille, rassemblement didactique et ludique destiné à faire connaître aux habitants les aménagements cyclables. Pour 2005, la mairie prévoit de destiner spécifiquement aux élèves des écoles les parcours de formation à la sécurité routière.

Comment se traduit concrètement l'appui de la commune ?

Outre sa participation à la mise en place du projet, la mairie accorde chaque année 200 euros de subvention à chacune des six associations, pour prendre en charge notamment les frais d'assurance. Elle fournit les chasubles aux accompagnateurs et les parcs à vélos dans les écoles. La commune a aussi, quand elle le pouvait, procédé à des aménagements de voirie pour la création des circuits : baisse des trottoirs, mise en place de barrières de protection, réaménagement de pistes ou voies trop proches de la route, etc. Par ailleurs, ma volonté était de faire perdurer cette opération. Une expérience avait été menée dans une petite commune du nord de la France, mais interrompue parce qu'elle s'appuyait sur la participation des personnels municipaux. Pour cela, j'ai décidé de m'appuyer sur des bénévoles. Le montage a été fait en concertation avec les parents d'élèves, en s'inspirant des projets développés en Belgique et des documents d'accompagnement diffusés par l'association belge ProVélo.

Quels sont les effets de cette opération ?

L'opération a permis de doubler le nombre d'enfants qui venaient à l'école en vélo. Actuellement, environ 200 enfants utilisent fréquemment ce mode de transport. L'opération a été récompensée en septembre 2004 par le Prix du vélo du Club des villes cyclables, dont la commune est adhérente depuis 1995. L'opération a aussi reçu le soutien de principe de l'Ademe et intéresse d'autres communes de l'agglomération toulousaine, comme Colomiers ou Saint-Orens.

La communauté d'agglomération du Grand Toulouse offre des casques à tous les CM1 et CM2

Au-delà de l'aide de la commune, le dispositif "Bus à vélo" de Tournefeuille bénéficie également, depuis quelques jours, de l'aide de la communauté d'agglomération du Grand Toulouse. Cette dernière a en effet financé l'achat de casques pour tous les enfants de CM1 et CM2 des vingt-cinq communes que compte l'agglomération, soit 698 casques pour la seule commune de

Tournefeuille. Cette opération s'inscrit dans le cadre d'une action de prévention sécurité pour l'usage de véhicules à deux roues, lancée avec l'inspection d'académie de la Haute-Garonne. Le 24 mai, la remise des casques devait débuter officiellement à l'école Mirabeau de Tournefeuille, en présence de nombreux élus.
 

Aller plus loin sur le web :
 
Un programme d'éducation au vélo à l'intention du public scolaire est présenté en détail sur le site de l'association belge ProVélo.
http://www.provelo.org

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