Saint-Malo : un poste d'infirmière pour favoriser l’accès aux soins (35)
Le renoncement aux soins, ou le report à plus tard, est élevé parmi les personnes en situation de pauvreté. La ville et le centre communal d’action sociale (CCAS) de Saint-Malo l'ont vérifié lors des journées « notre santé ». Pour aller plus loin, un poste d'infirmière a été créé il y a près d'un an et demi pour toucher ce public.
Au cœur de la cité corsaire, le bureau de Jennifer Aubourg commence à être bien connu. Elle est l'infirmière de la ville, la référence santé / précarité, un poste créé en janvier 2020. Jennifer a été recrutée sur un contrat d'un an et celui-ci vient d'être renouvelé pour trois ans. Car les résultats sont tangibles. « Les gens viennent me voir aujourd'hui, glisse-t-elle. C'était quasi impensable il y a encore un an… »
Jennifer tient des permanences dans un bâtiment où se croisent d'autres acteurs du quartier : la crèche et la halte-garderie. Cette entrée « passe-partout » a permis de dédramatiser le fait d'aller la voir en consultation. L'infirmière se déplace aussi, par exemple aux Restos du Cœur, au centre social, « pour aller au-devant des gens » et se faire connaître.
Deux missions en une
Son poste combine deux missions : l'une de médiation en santé et l'autre de prévention santé. La médiation en santé porte davantage sur des actions individuelles, pour accompagner des personnes en précarité dans l'accès aux soins. Les actions de prévention et de promotion de la santé, visent aussi en priorité les personnes les plus éloignées de soins, mais sous une forme collective.
Des actions collectives et préventives…
Ces actions collectives s'inscrivent dans le contrat local de santé du pays de Saint-Malo, porté par les Communautés du Pays de Saint-Malo (1), et elles sont nombreuses. Pour Octobre rose, une quarantaine de femmes ont appris à faire de l'autopalpation en prévention du cancer du sein. Pour le mois sans tabac, Jennifer a organisé la remise de traitements de substitution avec un tabacologue. Pour la prévention bucco-dentaire, elle a travaillé dans les écoles pour apprendre aux enfants à bien se brosser les dents. Elle mène une campagne de prévention contre le risque solaire avec la ligue contre le Cancer avant l'été. En avril 2021, le thème des actions tournait autour de la tension artérielle.
Et des accompagnements individuels
Sur le champ individuel, l'infirmière intervient souvent suite à la sollicitation d'un travailleur social. « Je peux l'accompagner au domicile chez la personne, pour cerner davantage la problématique de santé et vérifier s'il ne faut pas déjà commencer par l'ouverture de droits ». Ce qui arrive souvent. « Ces situations sont plus fréquentes qu'on ne l'imagine ! », explique l'infirmière, elle-même surprise de l'ampleur du phénomène et de ses incidences. « Je ne m'attendais pas à voir autant de situations difficiles, même dans des quartiers cossus… », livre-t-elle.
Les freins ne sont pas que financiers
Il faut souvent aussi lever les freins qui peuvent exister. Des freins qui « ne sont pas que financiers, nous le vérifions souvent, car l'ouverture des droits ne suffit pas à ce qu'une personne prenne ensuite soin d'elle », précise l'infirmière. Pour beaucoup de ces certaines personnes vulnérables, fragiles, pauvres, en situation précaire, la santé est « la dernière de leur préoccupation ». « On ne peut même envisager de faire de la prévention tellement certaines sont éloignées du soin ». Pendant la crise liée à la Covid-19, elle a dû aller voir des personnes positives au Covid-19, mais qui continuaient à sortir. Cette épidémie a aussi eu pour effet de retarder ou reporter des soins, des dépistages, etc. Ce qui légitime d'autant plus son poste aujourd'hui. « Il faut tout relancer avec certaines personnes, sinon elles laisseront tomber », prévient l'infirmière. La méthode n'est pas de parler santé ou bien être, mais d'aller au-devant d'elles, là où elles habitent, « avec des professionnels de santé qui ont aussi la fibre sociale », glisse l'infirmière. C'est d'ailleurs ce type de démarche qui a été à l'origine de la création de ce poste. (voir encadré)
Fréquentation croissante
En un an, l'infirmière a engagé 140 démarches de soins ou de prévention avec des personnes. Et ce, malgré le contexte sanitaire et les confinements. Elle commence à bien se faire connaître des professionnels de santé, ce qui peut parfois aider à débloquer un rendez-vous pour éviter que la personne n'attende six mois.
À l'origine, l'idée d'une journée annuelle « notre santé »
« C'est compliqué de mettre en place des actions sur l'accès aux soins. Or, nous avons des indicateurs et les professionnels témoignent de problématiques de santé avérée ». C'est ce qui a décidé la ville il y a trois ans à chercher une première réponse. Cela a commencé par l'organisation d'une journée « notre santé » par le Centre communal d’action sociale (CCAS). Un bâtiment de la ville a été transformé en une sorte de dispensaire géant, où le public du quartier prioritaire était invité à venir parler de santé sans conditions. Chacun pouvant consulter l'un ou plusieurs des différents spécialistes présents. Pour demander le renouvellement d'une pilule à la gynécologue. Faire un test de vue avec un opticien. Faire diagnostiquer un mal de dents. Parler à une psychologue ou à une infirmière… « Chacun selon ses envies... » pour paraphraser le slogan de la sécurité sociale. L'initiative a attiré près de 80 personnes à chaque édition. Les remontées des professionnels de santé à la fin de ces journées ont convaincu les élus d'aller plus loin. Le nombre de dents cariées, manquantes, les problèmes visuels, ou plus graves les cancers du sein dépistés à l'occasion de ces journées ont apporté les preuves concrètes qu'il n'y avait pas de fatalité. À chaque fois, il est aussi arrivé que des personnes soient envoyées aux urgences. « Si on peut les toucher une journée comme celle-là, c'est qu'on peut le faire toute l'année », reprend l'infirmière. Élus et professionnels ont compris qu'il ne suffisait pas d'orienter et de compter sur le droit commun. C'est là qu'a émergé l'idée de créer un poste spécifique
Un engagement financier réduit pour la ville
Le financement du poste repose sur la réunion de crédits de la politique de la ville (via l’État, le Département et Saint-Malo Agglomération) et bénéficie de contributions de l'agence régionale de santé (pour la médiation santé), de la ville et de son CCAS. La journée de prévention organisée dans le quartier revient, elle, à 1.000 euros environ maximum glisse l'infirmière, car les professionnels de santé y sont bénévoles ou dans le cadre de missions préventives, les dépenses portent donc surtout sur le buffet offert aux habitants et les trousses sanitaires remises à chacun (dentifrice etc.)
Commune de Saint-Malo
Nombre d'habitants :
Sophie Pirot-Leprizé
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