Nostalgique de la N7, le Pays de Lapalisse fait revivre le Grand Embouteillage (03)

« Cet événement a été créé pour célébrer le contournement de la nationale 7. L’idée de départ était de créer un dernier embouteillage. Depuis, le festival n’a fait que croître », explique Jacques de Chabannes, président de la communauté de communes du Pays de Lapalisse et maire de la commune centre. Aussi insolite qu’il puisse être, le Grand Embouteillage consiste à faire du souvenir d’une nuisance une fête populaire célébrant un événement historique…

Cité routière de tout temps, La Palisse, petite commune rurale de 3 000 habitants est située sur l'une des plus importantes routes royales de France (Paris-Lyon). Au fil du temps, les anciennes auberges et relais de poste sont devenus, avec la nationale 7, des restaurants, des stations-service et des garages. Ce trafic intense était propice au commerce et à la restauration, mais aussi aux embouteillages, aux accidents et à la pollution. Au point que les vibrations des 3 000 poids lourds/jour avaient fini par provoquer des fissures sur les murs du château…

La grande époque des Trente Glorieuses

En octobre 2006, un contournement routier de la ville est inauguré. Depuis, le calme est revenu mais la collectivité organise tous les deux ans un Grand Embouteillage festif, invitant des véhicules des années cinquante et soixante à défiler dans le pays, et les conducteurs et passagers à s’habiller en conséquence… « Ce trafic a été notre cauchemar pendant des décennies. Mais aujourd’hui, on se rend compte que Lapalisse est plus connu pour son festival que pour ses vérités ! », sourit le maire. L’expression « lapalissade » fait référence à Jacques de Chabannes, IIe du nom, marquis de La Palice, qui naquit en 1470, et se trouve être l’ancêtre de l’actuel maire, XXIIe du nom…

La 9e édition du Grand Embouteillage, qui s’est déroulée à l’automne 2022, a rassemblé 30 000 visiteurs durant le week-end, 1 000 véhicules en provenance de 6 pays européens, et 8 chaînes de télévision, avec une émission en direct sur France 3 Auvergne-Rhône-Alpes… Ces voitures emblématiques ont multiplié les saynètes d’antan : galeries chargées de bagages, tenues d’époque, pin-up et casquettes, ainsi que motos, caravanes et autocars, tracteurs et camions…

S’appuyer sur le travail d’un historien

Magalie Carton, responsable du service animation de la communauté de communes, travaille sur l’organisation et la diffusion de ce festival à l’année. Elle coordonne les nombreuses associations qui s’y impliquent : des concerts swings, rock’n’roll, reconstitutions rétro, expositions, villages exposants, bals, parade musicale… C’est à la suite de son mémoire de maîtrise en géographie/aménagement du territoire consacré à la Nationale 7 qu’elle a été embauchée par la collectivité. « Le maire de Lapalisse était intéressé par la N7. Nous avions rencontré l’historien Thierry Dubois, passionné par le sujet, qui nous a soufflé l’idée du festival. Et très vite, nous avons déposé le nom Embouteillage Nationale 7 à l’Institut national de la propriété intellectuelle, se souvient-elle. L’historien avait un réseau dans le milieu automobile. Nous tenons à la dimension historique de l’événement et travaillons à partir du patrimoine Nationale 7 et pour sa valorisation. Nous sommes d’ailleurs assez stricts lors des inscriptions et n’acceptons que des véhicules des années cinquante et soixante. Idem pour les tenues d’époques et les accessoires ».

Et cela fonctionne au-delà des espérances. Une vingtaine de gendarmes sont mobilisés par la préfecture pour sécuriser l’événement… et une association de gendarmes retraités participe activement aux festivités, avec motos et tenues d’époque…

Les commerçants jouent le jeu

L’accueil des visiteurs est organisé dans six communes de la collectivité, et les défilés convergent vers le centre de Lapalisse. 20 000 sets de tables estampillés « embouteillage » sont distribués dans les restaurants alentour, et des sacs contenant des informations touristiques sont distribués aux visiteurs, qui rayonnent dans les 80 kilomètres à la ronde. Les commerçants jouent le jeu, font des concours de vitrines, et « une ancienne station-service, restée dans son jus, fonctionne toujours », précise fièrement le maire. De nombreux clubs de voitures anciennes fréquentent le pays. Et il va sans dire que ce festival est l’occasion pour la collectivité de promouvoir ses autres propositions touristiques… Elle réfléchit actuellement à des solutions pour accueillir les camping-cars plus longtemps et à créer des circuits de visite chez les producteurs locaux.

250 bénévoles

Côté organisation, l’événement mobilise quelque 250 personnes, dont 40 agents de la collectivité et de très nombreux bénévoles, qui assurent la sécurité et animent des buvettes tenues par des associations locales. Le montant de l’inscription est fixé à 15 € et le nombre de participants est limité à 1 000 véhicules. Quant au président de la communauté de communes, il joue le jeu à fond, enfourchant tous les deux ans sa « vraie fausse ancienne moto » : une Royal Enfield brillant de tous ses chromes…