Le Prêcheur organise un repli face au changement climatique (97)
Le Prêcheur est menacé par les ouragans et la houle cyclonique. La municipalité planche sur la relocalisation des quartiers les plus vulnérables, en associant étroitement la population à la démarche.
Situé au nord de la Martinique, le village du Prêcheur a été durement touché par les houles cycloniques provoquées par l’ouragan Beryl le 1er juillet 2024. Cette commune est prise en étau entre la montée des eaux, d’un côté, et les coulées de boue volcaniques – les lahars – , qui déferlent des hauteurs de la Montagne Pelée, de l’autre. Une centaine d’habitants sont périodiquement évacués : ceux qui vivent le long de la rivière où s’engouffre le flux, ceux qui habitent près des plages rongées par les vagues… qui ont déjà englouti 150 mètres de plage par endroits.
« Début juillet, une maison du littoral a été totalement emportée par la houle, le locataire a tout perdu ; et les logements de deux autres familles ont été partiellement détruits, explique Marcellin Bertrand, directeur de cabinet du maire du Prêcheur, Germain Duton. Les habitants ont été traumatisés par la puissance de cette houle, nous leur apportons un soutien matériel et psychologique. »
S’installer en sûreté à l’écart du littoral
Depuis 2018, la commune du Prêcheur, soutenue par ses partenaires*, mène un programme d’expérimentation qui doit définir des solutions de relogement. Objectif : s’installer en sûreté, un peu plus loin du littoral, dans ces hauteurs très fertiles qui, jusque dans les années 1960, étaient cultivées et habitées.
Mais comment embarquer les habitants dans une prise de conscience collective pour envisager un repli ? Dès 2018, le conseil de démocratie participative du Prêcheur est mobilisé. Les habitants sont invités à participer à des balades urbaines : ils se retrouvent, déambulent, échangent des souvenirs récents et plus anciens… et mesurent collectivement le rapide et radical retrait du trait de côte. Commence à s’envisager un repli vers les hauteurs du village. « Nous travaillons depuis 2018 avec une agence d’architecture et d’urbanisme, qui a élaboré un plan guide pour mettre nos habitants en sécurité. Le projet consiste à construire dans une zone habitée, en retrait du littoral, plus de 300 logements sociaux et une école refuge, transformable pour accueillir de l’hébergement d’urgence », poursuit le collaborateur du maire.
Un « Atlas des modes de vie »
Bien avant de lancer le projet, et afin que la population se l’approprie, l’équipe d’architectes urbanistes de l’agence APM& associés, complétée par des sociologues, est allée à la rencontre des habitants volontaires pour observer leurs maisons autoconstruites : au Prêcheur, les logis disposent à la fois d’une cuisine intérieure et extérieure ; de deux portes d’entrée, l’une symbolique, l’autre pour l’usage quotidien ; les jardins sont plantés de « plantes magiques » pour « chasser le mauvais œil » À partir de ces observations, un « Atlas des modes de vie » est élaboré, à partir duquel devront s’élaborer les futurs projets de logements. Des sessions de coproduction du projet s’engagent.
En 2019 est lancé le programme Opérations d’habitat renouvelé en Outre-mer (Ophrom) : une planification territoriale soutenue par la Direction de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DEAL) Martinique, l’Agence des 50 pas géométriques et les partenaires financiers : Europe, État, collectivités territoriales, EPCI. Quatre équipes d’architectes sont lauréates.
Créer des filières locales de matériaux
L’opération prévoit des logements adaptés au climat tropical et aux modes de vie locaux, en développant des filières biosourcées locales. Avant cela, des prototypes doivent être réalisés, afin de démontrer la faisabilité du projet. Le bailleur local Ozanam en assure la maîtrise d’ouvrage, aux côtés d’Action logement. Car il s’agit là d’un projet global qui doit créer des filières locales de matériaux biosourcés pour construire des maisons à l’aide de bambou, de terre crue, et des pierres volcaniques issues des lahars. À ce jour, des expérimentations sont en cours pour associer les acteurs locaux à ce projet.
Livraison de l’école pour la rentrée 2027
« Nous sommes sur le point de commencer la construction des prototypes de logements », précise Marcellin Bertrand. Quant à l’école refuge, le plan de financement est presque bouclé avec les services de l’État, l’agence des 50 pas et l’Agence française de développement. L’école devrait être livrée pour la rentrée 2027.
Mais comme l’explique Antoine Petitjean, l’architecte coordonnateur de l’agence APM & associés : « Ce qui se passe ici est un miroir amplificateur de ce qui va arriver ailleurs. Le niveau de risque et de réorganisation du territoire que nous mettons en place au Prêcheur indique la voie qu’il faudra probablement suivre aussi dans l’Hexagone. »
*La commune ici est soutenue par le Plan urbanisme construction architecture (Puca), les ministères des Outre-mer, de la Transition écologique et solidaire et de la Cohésion des territoires, la Direction générale de l'aménagement, du logement et de la nature (DGALN), et les acteurs locaux, notamment l’Agence des 50 pas géométriques.
Le budget du repli
Projet pour plus de 300 logements sociaux : 33 millions d’euros
Commune du Prêcheur
Nombre d'habitants :
Germain Duton
Voir aussi
Pour aller plus loin
- Le site internet de la commune du Prêcheur propose, en bas de page, une vue à 360° du Prêcheur, qui montre bien les enjeux du projet.
- Les risques naturels en Martinique
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