CoopVenture, un fonds pour soutenir le numérique éthique et local (38)
Le territoire grenoblois expérimente un mode de financement alternatif, destiné à développer et, surtout, à conserver localement des start-up éthiques dans le secteur numérique. Porté par une coopérative, il implique deux collectivités.
Pour permettre aux start-up du numérique de se financer, la confédération des sociétés coopératives (CG-SCOP) et deux sociétés coopératives grenobloises (French Tech in the Alps-Grenoble et Alma) ont allié leurs forces. Leur projet vise surtout à ce que ces entreprises s’implantent durablement dans les vallées de l’Isère et, ainsi, créent et pérennisent de l’emploi local. Soutenues par deux collectivités – Grenoble Alpes Métropole et la communauté de communes du Grésivaudan – et par le Crédit coopératif, les coopératives ont ainsi créé en 2020 le fonds CoopVenture. Organisé sous la forme de Société coopérative d'intérêt collectif (Scic), ce fonds est doté de 4,5 millions d’euros et a reçu, en l’espace d’un an, déjà 110 candidatures d’entreprises.
« L’apport des collectivités s’est élevé à 900 000 euros : 600 000 pour la métropole et 300 000 pour le Grésivaudan, rappelle Jean-François Clappaz, vice-président de la communauté de communes du Grésivaudan. Pour le moment, nous n’avons encore aucun retour sur investissement. Mais c’est le principe même de ce type de fonds ! » Pour la collectivité, l’enjeu dépasse en effet largement le simple retour financier. Il s’agit surtout de favoriser le développement d’entreprises innovantes sur son territoire. C’est d’ailleurs l’objectif avancé dans les textes fondateurs de CoopVenture : « favoriser l’amorçage ou le développement de start-up sous forme coopérative, Scop ou Scic, ou de sociétés éthiques pour lesquelles le contrôle de la société est assuré par les salariés, et dans lesquelles il existe un fort investissement dans la formation et la promotion des salariés ». Et Laurence Ruffin, présidente de CoopVenture, de préciser : « Nous avons fixé des critères de sélection pour nous assurer que les entreprises resteront à terme. » Les candidates doivent donc être implantées dans la région (a minima 80 % d’entre elles) et doivent, surtout, présenter un engagement à la non-revente. Pour cela, il faut soit être une entreprise coopérative (appartenant à ses salariés), soit inscrire dans le contrat d’actionnaires que 50 % de la plus-value seront reversés à CoopVenture. « C’est une barrière à l’entrée qui peut rebuter, admet Laurence Ruffin. Mais c’est une garantie de conserver les entreprises localement. »
Ambition économique du territoire
Les autres critères de sélection témoignent, quant à eux, d’une ambition économique de territoire : les entreprises candidates doivent intervenir dans le secteur du numérique et doivent disposer d’un modèle économique dit « scalable » : dotées d’un potentiel de forte croissance. « Ce sont des entreprises qui ont besoin d’un gros investissement de départ mais qui, une fois lancées, peuvent devenir rentables grâce à une forte croissance », résume Laurence Ruffin. De quoi satisfaire Jean-François Clappaz qui rappelle le contexte local : « Grenoble et sa région ont déjà une forte culture autour de la recherche et développement. Le Grésivaudan adhère aux pôles de compétitivité Minalogic, pour les domaines du micro-nanoélectronique, du logiciel, de l’optique et du photonique, et Tenerrdis, pour les énergies renouvelables. » Le fonds CoopVenture vient donc compléter la démarche, en introduisant « une dimension autour de l’économie sociale et solidaire » que la collectivité souhaitait développer.
Implication des collectivités
Pour les élus locaux, l’implication des collectivités semblait logique. « Avant, on finançait l’innovation sans pouvoir vraiment demander de garantie aux entreprises, commente Mélina Hérenger, vice-présidente de Grenoble Alpes Métropole. Avec ce fonds, on demande aux entreprises de s’engager. » Les deux collectivités partenaires participent donc au comité de sélection, au même titre que les autres membres de la SCIC porteuse du fonds. En résumé : CoopVenture offre une alternative à la subvention, tout en permettant de répondre au besoin d’investissement des start-up sur une longue durée (en moyenne 10 ans). En moyenne, l’apport est à hauteur de 150 000 à 300 000 euros par entreprise candidate. « Il ne s’agit pas d’attendre une rentabilité rapide à tout prix, indique encore Mélina Hérenger. Je suis très confiante. Car, chose rare dans ce type de démarche, le fonds est couplé à un accélérateur. C’est un facteur de réussite. Cela permet d’accompagner les porteurs de projets sur le long cours et de les aider dans leur développement. »
Pour Laurence Ruffin, la création de CoopVenture permet de combler une lacune criante dans les territoires. « Le modèle économique des start-up, dont une partie ne survit pas, impose souvent aux investisseurs de revendre pour couvrir le taux d’échec. Le risque étant trop lourd, il n’existait pas de fonds permettant de financer ce risque, ni dans le numérique, ni dans le monde coopératif. Dans le même temps, les collectivités avaient besoin de s’assurer du maintien d’entreprises sur leur territoire. »
Pour l’heure, trois entreprises ont été sélectionnées. Mais le fonds CoopVenture ne compte pas se limiter à cette expérimentation. Car les entreprises financées doivent, à terme, réinvestir dans le fonds (en fonction de leurs moyens) plutôt que de rembourser. « Il s’agit d’éviter de grever leur rentabilité et, ainsi, leur permettre de devenir propriétaires du fonds, explique Laurence Ruffin. Ça n’existait pas en France. Le seul exemple du genre que nous ayons trouvé, ce sont les fonds evergreen au Québec. »
À terme, le fonds CoopVenture prévoit un déploiement national (toujours avec une implication des collectivités locales des territoires concernés), avec l’objectif de financer dix start-up par an. Un nouveau tour de table est prévu pour hisser le niveau du fonds à hauteur de 16 millions d’euros pour la fin 2022.
Les chiffres clés de CoopVenture
4,5 millions d’euros de dotation
Plus de 110 candidatures reçues en moins d’un an
Plus de 80 dossiers analysés
3 projets sélectionnés en 2021
25 % des entreprises postulantes sont des sociétés coopératives (SCIC et SCOP)
Grenoble-Alpes Métropole
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Mélina Herenger
Communauté de communes du Grésivaudan
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