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Etat déconcentré : des réductions d'effectifs excessives, et c'est la Cour des comptes qui le dit

Dans un rapport sur les effectifs de l'administration territoriale de l'Etat publié ce 31 mai, la Cour des comptes met en lumière la forte baisse qui a touché les préfectures, sous-préfectures et directions départementales interministérielles depuis dix ans. Et ce, souvent, "sans rapport avec l'évolution de la population ou de l'activité". Avec pour corollaire un recours massif aux vacataires, jugé peu souhaitable. Le mouvement s'est arrêté l'an dernier. Mais la pyramide des âges laisse présager d'autres difficultés...

On a plutôt l'habitude de lire une Cour des comptes appelant à des efforts budgétaires, et donc entre autres à des efforts en matière de masse salariale. Cette fois, en se penchant sur "Les effectifs de l'administration territoriale de l'Etat", titre de son rapport rendu public ce 31 mai, le message est pratiquement inverse. Clairement, pour la Cour, les "dix années de réductions ininterrompues d'effectifs" que viennent de connaître les services de l'Etat territorial n'ont pas eu que du bon.

Une petite précision en préambule. Le rapport porte uniquement sur l'administration territoriale de l'État (ATE), à savoir l'ensemble formé par les préfectures et une série de directions régionales et départementales placées sous l'autorité du préfet : Sgar, Draaf, Dreal, Dreets, Drac, DDPP, DDETS, DDT-M. Donc hors Education nationale, forces de l'ordre, impôts… Soit seulement 5% des fonctionnaires de l'Etat hors administrations centrales.

Les effectifs de l'ATE ont été réduits de 14% entre 2012 et 2020. Même si elle résulte entre autres de certains transferts de compétences et d'effectifs, y compris en direction des collectivités locales, cette évolution est donc nette. Cette perte de 11.000 équivalents temps plein (ETP) a démarré avec la réforme de l'administration territoriale de l'État (RéATE) de 2010 qui, résume le rapport, "a consisté à créer des directions régionales qui respectent les périmètres ministériels et des directions départementales qui agrègent des moyens relevant de plusieurs ministères". Réforme à laquelle s'est ajoutée celle des grandes régions en 2016, puis le regroupement des directions départementales interministérielles (DDI) et des préfectures en 2021, ainsi que la création des DREETS et DDETS, sans oublier le rattachement du champ jeunesse et sports aux rectorats… Autant de changements de périmètres qui rendent d'ailleurs difficile un vrai suivi des effectifs, pointe la Cour. Laquelle commence donc par préconiser une "fiabilisation des données" là-dessus.

Les plus touchés : les catégories C en sous-préfecture

La baisse des effectifs des seules préfectures est également de 14% entre 2010 et 2020. "Les postes supprimés ont principalement été des postes d'agents administratifs de catégorie C affectés en sous-préfecture" (- 34%), constate la Cour, les catégories A et B ayant au contraire augmenté. En sous-préfecture… alors même que certaines d'entre elles "comptent entre 3 et 5 agents, corps préfectoral inclus, ce qui rend ces structures très fragiles en cas de vacance de poste prolongée". Il y a certes eu le plan "préfectures nouvelle génération" (PPNG) en 2010, avec des hausses d'effectifs ciblées sur certaines missions prioritaires. Mais ces hausses ont été neutralisées par d'autres décisions ("Les schémas d'emplois postérieurs à 2018 ont finalement conduit à effacer tous les gains réalisés dans le cadre du PPNG"). On saura que "les suppressions de poste se sont concentrées sur la délivrance des titres hors étrangers, les fonctions de représentation, les fonctions support et, dans une moindre mesure, sur le contrôle de légalité". Seuls domaines en hausse : la sécurité et la délivrance des titres pour les étrangers.

Le jugement de la Cour des comptes : "Les suppressions de poste en préfecture auraient justifié une réflexion sur la répartition de l'effort en fonction de la réalité des besoins de chaque région. C'est le contraire qui s'est produit puisque la répartition des coupes n'a visé qu'à préserver des équilibres historiques sans rapport avec l'évolution de la population ou de l'activité".

En réalité, "les suppressions se sont accompagnées d'un recours massif à des 'vacataires', destinés non seulement à faire face à des pics d'activité, mais également à compenser des suppressions de postes, notamment dans les centres de délivrance de titres et au service des étrangers", relève la Cour, qui parle ainsi d'une "dépendance aux contrats infra-annuels" et constate que "désormais, les vacataires représentent de manière pérenne environ 10% des emplois en préfecture". Or, estime-t-elle, cela "ne peut être une solution de long terme". Non seulement parce que cela coûte cher, mais aussi parce qu'on "ne saurait se satisfaire de ce que l'emploi public devienne un vecteur de précarité pour les titulaires de ces contrats courts".

Vieillissement et déficit d'attractivité

En DDI, la baisse des effectifs entre 2012 et 2020 est beaucoup plus prononcée encore : -30%. "Avant la réforme de l'organisation territoriale de l'État de 2021, les DDI les plus affectées par les baisses étaient les directions départementales de la cohésion sociale (DDCS) et les directions départementales des territoires et de la mer (DDT-M)" (respectivement -33 et -34%). Autrement dit les ministères sociaux et le ministère de l'Ecologie, où "les DDI ont davantage supporté de réductions d'effectifs que les directions régionales".

Ce mouvement semble certes s'être achevé l'an dernier : aucune suppression de poste sur le programme des préfectures ou des DDI. Et même chose cette année. "Ce changement de trajectoire entérine l'engagement gouvernemental d'arrêt des suppressions d'effectifs départementaux de l'ATE, acté lors du comité interministériel de la transformation publique du 23 juillet 2021", rappelle la Cour, tout en s'interrogeant : "Il reste à savoir si cette répartition, indiquée dans les annexes à la loi de finances, aura une valeur normative vis-à-vis des gestionnaires". D'où sa recommandation : "Élaborer une méthode d'évaluation des effectifs de référence par préfecture et y recourir pour déterminer la répartition des effectifs à la hausse comme à la baisse".

Les évolutions à venir vont de surcroît être tributaires de la pyramide des âges. Les agents de l'ATE vieillissent. Et sont plus vieux que dans le reste de l'administration. D'où, évidemment, de nombreux départs en retraite en vue. Or "dans le même temps, de nombreuses préfectures et DDI souffrent d'un déficit d'attractivité qui génère des vacances de poste prolongées", en tout cas dans certaines régions. Ce qui, si rien n'est fait, pourrait limiter "les bénéfices attendus de la préservation des postes"…

 

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