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Etat-collectivités : la "rencontre" a eu lieu

La "rencontre Etat-collectivités", successeur de la Conférence nationale des territoires, s'est tenue ce mardi 20 octobre à Matignon autour de Jean Castex avec onze ministres, des représentants du Parlement et une douzaine de représentants des associations d'élus locaux. L'ordre du jour était vaste. Elle a confirmé que les attentes sur le plan de relance sont fortes. S'agissant du projet de loi 3D (ou 4D...), l'expectative semble rester de mise. Les élus locaux ont en tout cas salué ce "retour" autour de "la table des négociations".

On en parlait depuis des mois. La Conférence nationale des territoires. Se réunirait-elle de nouveau et si oui, quand et comment ? On lui cherchait un nouveau nom et un nouveau "format" pour faire oublier les déboires, notamment, de l'été 2018, lorsque cette conférence avait été boycottée par trois principales associations d'élus locaux (AMF, ADF, Régions de France). Point d'autre rencontre au sommet depuis, alors que nombreux étaient ceux qui réclamaient un cadre péréenne de dialogue. "Cette instance nationale de concertation est devenue un impératif absolu dans une France décentralisée, marquée de surcroît par la fin du cumul des mandats", souligne par exemple l'Assemblée des communautés de France (AdCF).

Elle s'est finalement réunie ce mardi 20 octobre à Matignon sous la sobre appellation de "rencontre Etat-collectivités". Quelque trois heures associant, autour de Jean Castex, pas moins de onze ministres, les présidents des deux chambres, des parlementaires et une douzaine de représentants des associations d’élus (AMF, ADF, Régions de France, France urbaine, ADCF, Villes de France et AMRF). Un format "allégé et resserré", donc. "Chacun a apprécié cette reprise" de ces réunions de travail, s’est félicité Jean-François Debat, président délégué de Villes de France, qui représentait l'association (Caroline Cayeux, sa présidente, y participant pour sa part au titre de la présidence de l'Agence nationale de la cohésion des territoires). "Ce format a permis le retour de toutes les associations d’élus autour de la table des négociations", abonde Jean-Luc Rigaut, président sortant de l’AdCF qui, plus globalement, insiste sur la nécessité de "repenser en profondeur les méthodes de concertation et la co-construction des politiques publiques entre Etat et territoires".

L'ordre du jour annoncé était toutefois large : l’attentat de Conflans-Sainte-Honorine, la gestion de la crise sanitaire, la territorialisation du plan de relance, la préparation du projet de loi 3D. Ni les services du chef du gouvernement ni ceux de Jacqueline Gourault n'ont diffusé de document à la presse à l'issue du rendez-vous. Seul un tweet de Jean Castex est venu conclure la réunion en ces termes : "Le réarmement des territoires n’est pas simplement une opinion, c'est un gage d’efficacité, d’acceptabilité des politiques publiques et d’équité entre les territoires. La réunion État-collectivités qui s'est tenue ce matin en est un puissant levier. Nous réussirons ensemble". "Le Premier ministre n'a pas prononcé de discours", indique-t-on à Matignon. L'heure était plutôt à l'écoute de ce qu'avaient à dire les uns et les autres, même si Jean Castex a eu plusieurs fois l'occasion d'échanger avec les associations d'élus depuis sa nomination. Une rencontre du même type devrait désormais avoir lieu deux fois par an.

Relance : "Nous souhaitons pouvoir mener à bien nos projets"

"En trois heures, quand on est trente autour de la table, on a droit chacun à quelques minutes, donc il faut que ce soit des messages forts, précis", a constaté Michel Fournier, premier vice-président de l'Association des maires ruraux. Ces messages, pour lui, ont avant tout porté sur le plan de relance : "Ne pas oublier la commune", "oser la relance par le local", "décliner le plan localement, et pas uniquement à travers l'intercommunalité", considérer ce plan de relance comme "la possibilité de faire travailler nos artisans, de revitaliser nos cœurs de villages"...

De toutes part, le plan de relance est semble-t-il le sujet qui s'est imposé avec le plus d'acuité et a suscité le plus d'attentes. Ce plan ne peut être "une succession d’aides à l’investissement avec une multitude d’appels à projets", a ainsi estimé Jean-François Debat. "Nous ne sommes pas demandeurs de subventions mais de compensations fiscales pour maintenir les capacités d’auto-financement et d’investissement des collectivités. Or, le compte n’y est pas", affirme-t-il, poursuivant : "Le gouvernement pourra faire tous les plans de relance qu’il veut, si les collectivités n’ont pas la visibilité nécessaire sur leurs ressources à au moins deux ans, elles ne prendront pas le risque de s’endetter en début de mandat".

"Nous n’admettons pas que l’État nous tienne la main en déversant une telle manne financière. Nous souhaitons pouvoir mener à bien nos projets qui relèvent de l’intérêt général", insiste de même Philippe Laurent, le secrétaire général de l’Association des maires de France.

"Nous souhaitions échanger sur le plan de relance spécifiquement du point de vue des compétences qui sont les nôtres, comme l’habitat et le transport. Or, nous attendons encore des choses concrètes. Nous n’avons pas de discussion spécifique sur la relance par les politiques publiques sectorielles exercées par les grandes intercommunalités", estime, de son côté, un représentant de France Urbaine.

Le président de l’AdCF voit toutefois une raison de se réjouir : la possible fin des appels à projets dans la territorialisation du plan de relance. "Il semble que le Premier ministre ait pris acte du refus des appels à projets. La méthode retenue, à notre satisfaction, passera par une méthode ascendante de la part de l’État qui accompagnera les initiatives des collectivités", se félicite Jean-Luc Rigaut.

Les propositions des associations d'élus locaux sur la relance ne datent pas d'hier. Cela fait des semaines si ce n'est des mois qu'ils les ont formulées. Jean-Luc Rigaut a ainsi rappelé ce mardi celles de l'AdCF, mettant notamment en avant "le puissant levier" que représente la commande publique du bloc local, que ce soit en matière de transition écologique, de logement, de mobilités, d’aménagement économique, de réindustrialisation, de tourisme ou de commerce. Il a lui aussi appelé à un élargissement des mesures de compensation des pertes de recettes fiscales en 2020 et 2021 : "Il n’y aura pas de plan de relance s’il n’y a aucune collectivité en mesure de porter les projets dans les territoires"…

Crise sanitaire : redéployer les comités locaux de santé publique

Représentée par son président, Christophe Bouillon, l'Association des petites villes de France a pour sa part entre autres proposé au gouvernement "l'établissement d'une cartographie précise de l'impact de la crise par territoire". Mais a aussi tenu, dans l'immédiat, à revenir sur "l'état de notre système de soins et sa capacité réelle à faire face à la nouvelle vague épidémique", estimant que "nous payons les résultats d'une gestion hypercentralisée, fondée sur la seule logique comptable et financière". Comme beaucoup d'autres élus, il a ainsi appelé à "une réforme profonde du fonctionnement des agences régionales de santé". Et a formulé "en urgence" une demande très concrète : "la création, dans chaque commune qui n'en posséderait pas, de comités locaux de santé publique associant dans les territoires élus locaux et praticiens de santé" et donc "à même d'évaluer au plus près la réalité de la situation sanitaire".

S'agissant, enfin, du projet de loi 3D – Jacqueline Gourault parle désormais de projet 4D avec l’ajout de la notion de "décomplexification" –, les attentes sont évidemment toujours fortes, comme avaient pu en témoigner la veille les représentants de Territoires unis (AMF, ADF, Régions de France) lors du congrès des régions (voir notre article). En sachant que le projet de loi devrait être présenté en janvier en conseil des ministres.

"Nous avons fait des propositions, depuis plusieurs mois, nous les avons même actualisées à l’issue de la crise sanitaire. Or nous n’avons aucun retour sur ces propositions, alors que le calendrier parlementaire est en train de se resserrer et que l’on se dirige vers la fin du quinquennat, une période qui n’est pas la plus propice à mener une réforme territoriale", regrette un représentant de France Urbaine. "Au-delà de ce projet de loi, nous voulons une vraie réflexion sur la décentralisation en inversant la manière d’aborder le sujet : nous souhaitons que l’État nous dise quelle compétence il souhaite conserver et que celles qui ne sont pas conservées reviennent aux collectivités", tranche Philippe Laurent.

 

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