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Medias / Politique de la ville - Et si les radios locales de quartier faisaient leur révolution numérique ?

A la faveur de la mort annoncée d'une structure soutenant la production de radios associatives de proximité, le journaliste Jérôme Bouvier envisage l'avenir de ces médias en les ouvrant à d'autres supports numériques (podcast, applications pour Smartphones et tablettes, réseaux sociaux...) qui permettraient non plus seulement de "porter la parole des habitants" mais de permettre à ces auditeurs-habitants d'interagir avec l'information. Une perspective qui a du sens à l'heure de l'avènement de la "participation des habitants" aux affaires de la cité.

"Grands corps fragiles" : c'est ainsi que le journaliste Jérôme Bouvier nomme "les médias de proximité qui oeuvrent dans les territoires en difficulté" dans un rapport présenté au début de l'été à Aurélie Filippetti et François Lamy, intitulé "Médias de proximité & diversité, après le GIP Epra, une nouvelle politique". Et c'est bien de la liquidation du GIP "Echanges et productions radiophoniques" (Epra), programmée au 31 décembre 2013, dont il est question, et sa renaissance sous une autre forme.
Une renaissance qui "ne pourrait exister sans soutien public". Elle se traduirait notamment par la création d'une "Commission nationale Médias de proximité & diversité" qui soutiendrait la production de programmes et rassemblerait bien au-delà des 180 radios associatives adhérentes au GIP Epra dont elle serait chargée de prendre le relais.

180 radios associatives

Un petit retour en arrière s'impose, tant le GIP Epra est peu connu (c'est d'ailleurs l'une des critiques qui lui est portée). Le réseau a été créé en 1993 pour "mettre en œuvre une banque de programmes radiophoniques favorisant l'intégration en France des populations immigrées ou issues de l'immigration", en associant des représentants de l'Etat (trois ministères : la Culture, l'Intérieur et la Ville) et des radios associatives. Il mutualise et redistribue aujourd'hui des programmes radiophoniques (2h30 par jour) vers un réseau de 180 radios associatives adhérentes et sa mission s'est élargie à "la lutte contre les discriminations et la promotion de l'égalité", avec l'idée également de participer au "développement de la communication de proximité, notamment dans les agglomérations et quartiers en difficulté".
"Aux plus belles heures du réseau", le GIP a pu compter sur une dotation de 1,3 million d'euros qui lui a permis d'acheter 438 heures de programmes aux radios productrices du réseau. C'était en 2010. L'année d'après, les ministères de tutelle décidaient une baisse des subventions à 500.000 euros et le 31 décembre 2012, Hervé Masurel, président du GIP (et alors délégué interministériel à la ville et au développement social urbain), annonçait la "liquidation" de la structure et le lancement d'une réflexion pour définir un projet alternatif qui, "sans impact budgétaire", succéderait au GIP Epra.

Vers de nouvelles manières d'interagir avec le public

De cette époque, bientôt tout à fait révolue, Jérôme Bouvier, médiateur de Radio France et président de l'association Journalisme et Citoyenneté, veut conserver des principes et des acquis : la proximité avec le territoire (considérant que "les radios locales associatives portent la parole des habitants") allant jusqu'à invoquer la notion de "service public local de proximité", la production en réseaux, la mutualisation de la diffusion, la politique de formation aux évolutions technologiques auprès des intervenants, la constitution d'un patrimoine fort de 11.000 émissions (6.000 heures de programmes)…
Mais qui connaît le réseau ? Quelle est l'efficacité des systèmes de production en réseau et de mutualisation de la diffusion ? N'est-il pas temps, pour un réseau de médias qui veut placer l'auditeur au centre, de faire sa révolution numérique ? "Podcast, applis pour Smartphones et tablettes, réseaux sociaux, sont autant d'outils qu'il est impératif aujourd'hui de proposer", estime Jérome Bouvier. "Le web accueille l'écrit, le son, la photo, la vidéo comme autant de nouvelles manières d'interagir avec le public", poursuit-il, convaincu que "les radios locales associatives ne peuvent pas échapper à cette évolution vers le trans-média", qu'elles "doivent désormais apprendre à réfléchir et à travailler avec tous les apports numériques".

Les contours de la commission nationale médias de proximité & diversité

Pour sortir de la "zone grise" dans laquelle se situe l'action publique en faveur des médias associatifs de proximité, le rapport Bouvier suggère de créer un lieu qui rassemble tous ces médias "grands corps fragiles", au-delà du réseau actuel GIP Epra. Il propose pour cela la création d'une "commission nationale médias de proximité & diversité" qui aurait pour objet l'aide à la création à destination des médias de quartier : expertise des propositions éditoriales des médias locaux, sélection, proposition de fléchage des subventions. La commission pourrait également lancer des appels à projets sur des événements. Le travail d'instruction administrative des dossiers serait assuré par l'Acsé, comme elle le fait déjà au sein de l'actuelle commission "Images de la Diversité".
Banco ! ont répondu les ministres Lamy et Filippetti, qui ont demandé à leurs services de travailler aux conditions de création et de fonctionnement d'une telle structure, en lui ajoutant deux missions : le soutien à la professionnalisation de ces médias et leur visibilité.
Bizarrement, le rapport Bouvier n'envisage pas de faire entrer les collectivités ou leurs représentants dans cette commission. S'il envisage d'élargir les partenaires publics, c'est uniquement en sollicitant d'autres ministères (Education nationale, Innovation et économie numérique, Education populaire et vie associative).
Question financement, le budget de la nouvelle commission nationale des médias de proximité & diversité pourrait s'élever, selon Jérôme Bouvier, à 2 millions d'euros. A comparer aux 1,5 million d'euros que l'Acsé a consacrés aux médias de proximité qu'elle a soutenus en 2012, auxquels il faut ajouter les 280.000 euros consacrés aux médias de proximité par le ministère de la Culture via onze de ses Drac et aux 65.000 euros du ministère de l'Intérieur. Dans l'esprit du journaliste, la commission nationale devrait voir le jour dès le 1er janvier 2014, soit au lendemain de la disparition du GIP Epra.

Une plateforme à la fois média et centre de ressources

La deuxième proposition du rapport est de créer une plateforme numérique intitulée "VQ " (pour "Vu des Quartiers"), pour toutes ces associations, et qui mutualiserait les programmes. VQ serait à la fois un média et un centre de ressources, dans l'esprit de Jérôme Bouvier. Là aussi, les deux ministères ont assuré qu'ils étudieront la possibilité d'une telle structure et cette fois, "en lien avec les collectivités territoriales qui pourraient être intéressées par le projet. Intéressées notamment en mettant à disposition un local gratuit…
Cette plateforme serait également un "portail d'accès à la mémoire des quartiers" (thème cher à François Lamy) en rendant accessibles les archives du GIP Epra, envisage le rapport Bouvier, précisant que des rapprochements avec l'INA (Institut national de l'audiovisuel) sont en cours et en bonne voie. Les ministères se sont là encore engagés à examiner avec l'INA "le développement rapide et opérationnel de la gestion des archives" du GIP Epra.
Sur tous les engagements des ministères, un premier état d'avancement sera présenté, le 15 septembre, lors de l'assemblée générale du GIP Epra.

 

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