Eolien en mer : le débat public normand apporte un vent d'originalité
Outre sa durée, "exceptionnellement longue en raison des exigences sanitaires", le débat public sur les futures éoliennes en mer au large de la Normandie a suscité une participation intense et affiche à plusieurs niveaux sa singularité. Pour la présenter, une restitution distancielle a été organisée ce 12 novembre par la Commission nationale du débat public (CNDP), à laquelle plusieurs ministres ont participé.
"Une mobilisation bien supérieure à celle observée sur les sept précédents débats publics organisés sur des projets de parcs éoliens en mer". C’est ainsi que la Commission nationale du débat public (CNDP) décrit les débats ayant porté sur le projet de parc éolien de 1GW qu’il est envisagé de "poser" à l’horizon 2028 dans la Manche. Un territoire "administre?", où "la mer n’est pas vide et contrairement a? l’apparence, n’est pas libre", a résumé la commission particulière du débat public (CPDP) Normandie, spécialement créée pour animer ces six mois de débats locaux. En extraire la substantifique moelle, en synthétiser les recommandations fut un exercice plus périlleux, esquissé dans ce compte rendu.
Un débat public avant la mise en concurrence
Evoquant un "contexte critique", l’équipe du débat précise qu’après quatre débats publics dans cette même région sur des projets de parcs éoliens, "ce cinquième se tient alors qu’aucune éolienne n’est sortie de mer". Ce débat n’est en effet pas le premier, la CNDP en recense une dizaine et de nouveaux à venir en Bretagne et en Méditerranée. Il n’en reste pas moins singulier car il s’est tenu avant la décision de l’Etat de lancer un appel d’offres et avant de dire où celui-ci veut mettre le parc. Une nouveauté prévue par la loi pour un Etat au service d'une société de confiance (Essoc), qui rend possible le lancement d’une concertation en amont de ce type de projet, sur la zone d'implantation envisagée, avant que les caractéristiques des parcs ne soient définies, et en y associant au plus tôt l'ensemble des acteurs concernés, c’est-à-dire essentiellement les collectivités, les usagers de la mer, du littoral et de l’énergie. Chantal Jouanno, présidente de la CNDP, est revenue sur l’intérêt d’un tel renversement dans la procédure alors qu’habituellement, le débat débute après la mise en concurrence, ce qui peut "donner le sentiment que cela ne sert à rien, car tout est déjà décidé et génère une conflictualité qu’on rencontre sur les autres projets". Barbara Pompili, ministre de la Transition écologique, a également encensé ce "grand pas en avant pour la démocratie environnementale et la confiance qui doit présider au projet".
Inquiétudes des pêcheurs et filière industrielle
Le débat portait tant sur l’opportunité de ce projet de 83 éoliennes depuis longtemps dans les cartons que sur sa zone d’implantation au large, où d’autres parcs pourraient à terme se greffer. Le calendrier du débat a été fortement critiqué par les pêcheurs "alors que la question des conséquences du Brexit sur leur activité n’est pas réglée". "Les inquiétudes des pêcheurs doivent être entendues", a souligné le maire du Havre Édouard Philippe. La ministre en charge de la Mer, Annick Girardin, est intervenue pour confirmer qu’elle saisira cette opportunité de progresser sur la planification des usages de la mer, mais aussi sur la question sensible des impacts environnementaux suivant les scénarios de développement envisagés. La ministre a annoncé le lancement dans les semaines à venir d’une "expérimentation de planification du développement des énergies marines, servant de preuve du concept et ce en amont de la révision du document stratégique de façade". Sur le volet économique, l’ancien Premier ministre Édouard Philippe a ajouté que la création d’éoliennes offshore donnait des perspectives de création de centaines d’emplois et, "au-delà, d’une nouvelle aventure industrielle, d’une filière qui se localise et qui créera autre chose une fois qu’elle se développera". Alors que les premiers parcs éoliens en mer ne sont pas sortis, Barbara Pompili a indiqué que cette filière "redynamise déjà le tissu industriel, avec une grande partie de PME, 3.000 emplois créés et un demi-milliard d’investissements l’an dernier".
De nombreuses étapes jusqu’en 2028
Dans la foulée de ce débat public, le porteur de projet a trois mois pour faire part de sa décision de le poursuivre ou non "mais il n’est pas exclu que le gouvernement se prononce avant", a précisé Laurent Michel, directeur général de l'énergie et du climat au ministère de la Transition écologique. Il y aura ensuite le choix de la zone afin de préparer l’appel d’offres, à l’issue duquel le parc sera très certainement attribué au premier trimestre 2022. Cet appel d’offres comportera une phase de dialogue compétitif, à l’issue de laquelle les candidats retenus échangeront sur le cahier des charges "qui n’est donc pas fait en chambre", complète Laurent Michel. La zone d’implantation pourra donc être ajustée, "comme cela s’est produit à Dunkerque en discutant avec les usagers et les élus locaux", ajoute-t-il. Suivront enfin le dépôt de dossier, les avis de la commission de régulation de l'énergie, du ministère, l’attribution de l’appel d’offres, une phase d’études d’impact et d’enquête publique.
Le gouvernement va "déterminer la zone retenue avant la fin de l'année et les offres seront déposées d'août à novembre 2021", a indiqué Barbara Pompili. La ministre a assuré prendre "d'ores et déjà en compte le souhait des pêcheurs "de pouvoir pêcher au sein du futur parc éolien".